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concours de plusieurs ruisseaux avec la mer qui y entre par l’Ye, auquel elle communique au moyen d’une écluse ; ce qui fait que ses eaux participent à la salure de la mer. Cette écluse de mâçonnerie, qui est je crois la plus belle du monde, cause une interruption nécessaire aux barques, par lesquelles on va de Harlem à Amsterdam, ou d’Amsterdam à Harlem. Comme le terrein est très-précieux en Hollande, & que cette mer en occupe beaucoup, on a souvent parlé de la dessécher, & l’entreprise n’en est point d’une difficulté insurmontable ; les Juifs eux-mêmes ont offert d’en faire les frais, si on vouloit leur abandonner la propriété de ce terrein : mais des intérêts opposés & des raisons plus fortes encore tirées du risque que courroit Amsterdam d’être à son tour inondé, en ont empêché l’exécution. Il est vrai cependant qu’il y a plus de trois siecles que cette mer étoit un pays cultivé où l’on trouvoit plusieurs bons villages. (D. J.)

HARLINGEN, Harlinga, (Géog.) ville forte & maritime des Provinces Unies, dans la Frise, dont elle est, après Leuwarde, la plus grande, la plus peuplée, & la plus riche ; elle est gouvernée par un sénat de huit bourguemestres, & a un port qui la rend commerçante. Sa position est à une lieue O. de Francker, quatre S. O. de Leuwarden, six N. de Straveren. Long. 23. lat. 53. 12. (D. J.)

HARMATAN, s. m. (Hist. nat.) vent qui regne particulierement sur la côte de Guinée ; il se fait sentir régulierement tous les ans depuis la fin du mois de Décembre jusques vers le commencement de Février, & continue pendant deux ou trois jours ; il est si froid & si perçant, qu’il fait ouvrir les jointures du plancher des maisons & des bordages des navires. Quand ce vent est passé, ces ouvertures se rejoignent comme auparavant. Les habitans ne peuvent sortir de chez eux tant que ce vent regne, & ils tiennent leurs maisons bien fermées ; ils enferment aussi leurs bestiaux, qui sans cela courroient risque de périr en quatre ou cinq heures de tems par la malignité de cet air suffocant. Ce vent souffle entre l’est & le nord-est ; il n’est accompagné ni de pluie, ni de nuages, ni de tonnerre, & est toûjours également frais. Voyez l’histoire géner. des voyages, tome XI.

* HARMONIE, s. f. (Gramm.) il se dit de l’ordre général qui regne entre les diverses parties d’un tout, ordre en conséquence duquel elles concourent le plus parfaitement qu’il est possible, soit à l’effet du tout, soit au but que l’artiste s’est proposé. D’où il suit que pour prononcer qu’il regne une harmonie parfaite dans un tout, il faut connoître le tout, ses parties, le rapport de ses parties entre elles, l’effet du tout, & le but que l’artiste s’est proposé : plus on connoît de ces choses, plus on est convaincu qu’il y a de l’harmonie, plus on y est sensible ; moins on en connoît, moins on est en état de sentir & de prononcer sur l’harmonie. Si la premiere montre qui se fit fût tombée entre les mains d’un paysan, il l’auroit considérée, il auroit apperçû quelque arrangement entre ses parties ; il en auroit conclu qu’elle avoit son usage ; mais cet usage lui étant inconnu, il ne seroit point allé au-delà, ou il auroit eu tort. Faisons passer la même machine entre les mains d’un homme plus instruit ou plus intelligent, qui découvre au mouvement uniforme de l’aiguille & aux directions égales du cadran, qu’elle pourroit bien être destinée à mesurer le tems ; son admiration croîtra. L’admiration eût été beaucoup plus grande encore, si l’observateur méchanicien eût été en état de se rendre raison de la disposition des parties relatives à l’effet qui lui étoit connu, & ainsi des autres à qui l’on présentera le même instrument à examiner. Plus une machine sera compliquée, moins nous serons en état d’en juger. S’il arrive dans cette machine compliquée des phéno-

mènes qui nous paroissent contraires à son harmonie,

moins le tout & sa destination nous sont connus, plus nous devons être reservés à prononcer sur ces phénomènes ; il pourroit arriver que nous prenant pour le terme de l’ouvrage, nous prononçassions bien ce qui seroit mal, ou mal ce qui seroit bien, ou mal ou bien ce qui ne seroit ni l’un ni l’autre. On a transporté le mot d’harmonie à l’art de gouverner, & l’on dit, il regne une grande harmonie dans cet état ; à la société des hommes, ils vivent dans l’harmonie la plus parfaite ; aux arts & à leurs productions, mais sur-tout aux arts qui ont pour objet l’usage des sons ou des couleurs (voyez Harmonie, Musique, Harmonie, Peinture) ; au style (voy. Harmonie, Belles-Lettres). On dit aussi, l’harmonie générale des choses, l’harmonie de l’univers. Voyez Monde, Nature, Optimisme, &c.

Harmonie, (Musique.) est, selon le sens que lui ont donné les anciens, la partie qui a pour objet la succession agréable des sons, entant qu’ils sont graves ou aigus, par opposition aux autres parties de la Musique appellées rythmica & metrica, cadence, tems, mesure. Le mot d’harmonie vient, selon quelques-uns, du nom d’une musicienne du roi de Phénicie, laquelle vint en Grece avec Cadmus & y apporta les premieres connoissances de l’art qui porte son nom.

Les Grecs ne nous ont laissé aucune explication satisfaisante de toutes les parties de leur musique, celle de l’harmonie qui est la moins défectueuse, n’a été faite encore qu’en termes généraux & théoriques.

M. Burette & M. Malcolm ont fait des recherches savantes & ingénieuses sur les principes de l’harmonie des Grecs. Ces deux auteurs, à l’imitation des anciens, ont distribué en sept parties toute leur doctrine sur la Musique ; savoir, les sons, les intervalles, les systèmes, les genres, les tons ou modes, les nuances ou changemens, & la mélopée ou modulation. Voyez tous ces articles à leurs mots.

Harmonie, selon les modernes, est proprement l’effet de plusieurs tons entendus à-la-fois, quand il en résulte un tout agréable ; de sorte qu’en ce sens harmonie & accord signifient la même chose. Mais ce mot s’entend plus communément d’une succession réguliere de plusieurs accords. Nous avons parlé du choix des sons qui doivent entrer dans un accord pour le rendre harmonieux Voyez Accord, Consonnance. Il ne nous reste donc qu’à expliquer ici en quoi consiste la succession harmonique.

Le principe physique qui nous apprend à former des accords parfaits, ne nous montre pas de même à en établir la succession, une succession réguliere & pourtant nécessaire. Un dictionnaire de mots élégans n’est pas une harangue, ni un recueil d’accords harmonieux une piece de musique. Il faut un sens, il faut de la liaison dans la Musique, comme dans le langage ; mais où prendra-t-on tout cela, si ce n’est dans les idées mêmes que le sujet doit fournir ?

Toutes les idées que peut produire l’accord parfait se réduisent à celle des sons qui le composent & des intervalles qu’ils forment entre eux : ce n’est donc que par l’analogie des intervalles & par le rapport des sons qu’on peut établir la liaison dont il s’agit ; & c’est-là le vrai & l’unique principe d’où découlent toutes les loix de l’harmonie, de la modulation, & même de la mélodie.

Pour ne parler ici que de la phrase harmonique, nous développerons les trois regles suivantes sur lesquelles est fondée sa construction, & qui ne sont que des conséquences prochaines du principe que nous venons d’exposer.

1°. La basse fondamentale ne doit marcher que par intervalles consonnans, car l’accord parfait n’en produit que de tels : l’analogie est manifeste.