Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bres naturels, & que pour déterminer une suite particuliere de logarithmes, il faut faire choix de quelque hyperbole particuliere. La plus simple de toutes les hyperboles est l’équilatere, c’est-à-dire celle dont les asymptotes forment un angle droit. On appelle cette hyperbole équilatere, parce que les axes sont égaux ; car l’angle droit des asymptotes donne CA = AD (fig. 20.). Dans cette même hyperbole le parametre est égal à l’axe, & son équation est en général yy = ax + xx.

Nous avons rapporté sans démonstration ces différentes propriétés de l’hyperbole, par les raisons qui ont été déjà dites au mot Ellipse. Sur la quadrature de l’hyperbole, voyez Quadrature.

Les hyperboles à l’infini, ou du plus haut genre, sont celles qui sont exprimées par l’équation . Voyez Hyperboloïde.

L’hyperbole du premier genre a deux asymptotes ; celles du second peuvent en avoir trois ; celles du troisieme, quatre, &c. Voyez Asymptote & Courbe. On trouvera dans ce dernier article les dénominations des différentes hyperboles du second genre, &c. L’hyperbole du premier genre est appellée hyperbole conique, ou d’Apollonius. Voyez Apollonien. Elle a été appellée hyperbole d’un mot grec qui signifie surpasser ; parce que dans cette courbe le quarré de l’ordonnée y2 étant égal à , surpasse le produit du parametre b par l’abscisse x. Voyez Conique & Ellipse.

Nous avons vû ci-dessus que l’équation xy = ab, ou xy = aa, marquoit l’hyperbole rapportée à ses asymptotes. De même on peut en général prendre l’équation pour celle d’une infinité de courbes à asymptotes, que l’on nomme aussi hyperboles, quoiqu’elles soient différentes de celles dont la nature est exprimée par l’équation  ; & ces courbes peuvent avoir leurs branches disposées par rapport à leurs asymptotes, de trois manieres : 1°. telles qu’on les voit dans la fig. 34. sect. coniq. ce qui arrivera si m & n sont deux nombres impairs, comme dans l’hyperbole ordinaire ou apollonienne : 2°. telles qu’on les voit dans la fig. 35. ce qui arrivera si n est un nombre pair & m un impair : 3°. enfin telles qu’on les voit dans la fig. 36. ce qui arrivera si m est pair & n impair. On trouvera une propriété des paraboles à-peu-près semblable dans l’article Parabole. (O)

Hyperbole, (Rhétor. Logiq. Poésie.) exagération soit en augmentant, soit en diminuant. Ce mot est grec, ὑπερϐολὴ, superlatio, du verbe ὑπερϐάλλειν, exsuperare, excéder, surpasser de beaucoup.

L’hyperbole est une figure de Rhétorique, qui selon Seneque, mene à la vérité par quelque chose de faux, d’outré, & affirme des choses incroyables, pour en persuader de croyables. L’hyperbole exprime au-delà de la vérité pour mener l’esprit à la mieux connoître.

Il y a des hyperboles qui consistent dans la seule diction, comme quand on nomme géant un homme de haute taille ; pigmée, un petit homme ; mais elles sont souvent dans une pensée qui contient une ou plusieurs périodes ; & l’hyperbole de la pensée se trouve également dans la diminution, comme dans l’augmentation des choses qu’elle décrit, quoique cette figure se plaise plus ordinairement dans l’excès que dans le défaut. Le trait d’Agésilas à un homme qui relevoit hyperboliquement de fort petites choses, est remarquable ; il lui dit « qu’il ne priseroit jamais un cordonnier qui feroit les souliers plus grands que le pié ».

L’hyperbole n’a rien de vicieux pour être ultrà fidem, pourvû qu’elle ne soit pas ultrà modum, comme

s’exprime Quintilien. Elle est même une beauté, ajoute-t-il, lorsque la chose dont il faut parler est extraordinaire, & qu’elle a passé les bornes de la nature ; car il est permis de dire plus, parce qu’il est difficile de dire autant ; & le discours doit plûtôt aller au-delà, que de rester en-deçà. Ainsi Hérodote en parlant des Lacédémoniens qui combattirent au pas des Thermophyles, dit, « qu’ils se défendirent en ce lieu jusqu’à ce que les Barbares les eussent ensevelis sous leurs traits ».

L’on voit par cet exemple, que les belles hyperboles cachent ce qu’elles sont ; & c’est ce qui leur arrive, quand je ne sais quoi de grand dans les circonstances, les arrache à celui qui les emploie ; il faut donc qu’il paroisse, non que l’on ait amené les choses pour l’hyperbole, mais que l’hyperbole est née de la chose même. Les esprits vifs, pleins de feu, & que l’imagination emporte hors des regles & de la justesse, se laissent volontiers entraîner à l’hyperbole.

Cette figure appartient de droit aux passions véhémentes, parce que les actions & les mouvemens qui en résultent, servent d’excuse, & pour ainsi dire, de remede à toutes les hardiesses de l’élocution. Cependant les hyperboles sont aussi permises dans le comique, pour émouvoir le public à rire ; c’est une passion qu’on veut alors produire. On ne trouva point mauvais à Athènes, ce trait de l’acteur, qui dit, en parlant d’un fanfaron pauvre & plein de vanité : « il possede une terre en province, qui n’est pas plus grande qu’une épitre de Lacédémonien ».

Mais dans les choses sérieuses, il faut très-rarement employer l’hyperbole, & l’on doit d’ordinaire la modifier quand on s’en sert ; car je croirois assez que c’est une figure défectueuse en elle-même, puisque par sa nature elle va toujours au-delà de la vérité : cependant je pourrois citer quelques exemples rares, où l’hyperbole sans aucune modification, frappe noblement l’esprit. Un particulier ayant annoncé dans Athènes la mort d’Aléxandre, l’orateur Démades s’écria, « que si cette nouvelle étoit vraie, la terre entiere auroit déja senti l’odeur du mort ». Cette saillie hardie présente à la fois l’étendue de l’empire d’Aléxandre, comme si l’univers lui étoit soumis ; & étonne l’imagination par la grandeur de la figure qu’elle met en usage : dans ce mot si fier, si fort & si court, se trouve l’emphase, l’allégorie & l’hyperbole.

Mais cette figure a encore plus de grace en poésie qu’en prose, quand elle est accompagnée d’un brillant coloris & d’images représentées dans un beau jour. C’est ainsi que Virgile nous peint hyperboliquement la légereté de Camille à la course.

Illa vel intactæ segetis per summa volaret
Gramina, nec teneras cursu læsisset aristas,
Vel mare per medium fluctu suspensa tumente
Ferret iter, celeres nec tingeret æquore plantas.

C’est encore ainsi que Malherbe, pour peindre le tems heureux qu’il promet à Louis XIII. dans l’ode qu’il lui adresse, dit :


La terre en tous endroits produira toutes choses,
Tous métaux seront or, toutes fleurs seront roses ;
Tous arbres oliviers.
L’an n’aura plus d’hiver ; le jour n’aura plus d’ombre ;
Et les perles sans nombre
Germeront dans la Seine au milieu des graviers.

Il n’est pas besoin que j’entasse un plus grand nombre d’exemples, il vaut mieux que j’ajoûte une réflexion générale sur les hyperboles.

Il y en a que l’usage a rendu si communes, qu’on en saisit la signification du premier coup, sans avoir besoin de penser qu’il faut les prendre au rabais.