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en dresser leur procès verbal ; c’est une affaire grave d’insulter le moindre huissier dans ses fonctions, parce que l’injure est censée faite à la justice même dont il est le ministre.

François I. ayant appris qu’un de ses huissiers avoit été maltraité, il se mit un bras en écharpe, voulant marquer par là qu’il regardoit ce traitement fait à cet huissier, comme s’il l’avoit reçu lui-même, & que la justice étoit blessée en la personne d’un de ses membres.

Jourdain de Lille, fameux par ses brigandages sous Charles IV, fut pendu en 1322, pour avoir tué un huissier qui l’ajournoit au parlement.

Edouard II. comte de Beaujeu, fut decreté de prise-de-corps & emprisonné à la consiergerie, pour avoir fait jetter par la fenêtre un huissier qui lui vint signifier un decret ; il fut même obligé, pour obtenir sa liberté, de céder ses états à Louis II. duc de Bourbon.

Le prince de Galle en 1367 ayant empêché un huissier qui venoit pour l’ajourner, de faire son ministere, il fut déclaré contumax & rébelle par le parlement, & les terres que son pere & lui tenoient en Aquitaine, furent déclarées confisquées.

La Rocheflavin rapporte aussi que le duc de Lorraine, comme sujet & hommager du roi, à cause du duché de Bar ressortissant au parlement de Paris, fut condamné à demander pardon au roi pour avoir empêché un huissier de lui faire une signification dans ses états, & d’avoir fait trainer les pannonceaux du roi à la queue de ses chevaux.

Anciennement les huissiers assignoient verbalement les parties, & ensuite en faisoient leur rapport au juge en ces termes : à vous monseigneur le bailly… mon très-douté ou redouté seigneur, monseigneur plaise vous savoir que le… j’ai entimé un tel a comparoitre, &c. Ce rapport s’appelloit relatio. L’hussier ne signoit pas, il mettoit seulement son sceau ; mais depuis les ordonnances ont obligé tous les huissiers & sergens de savoir lire & écrire, & de donner tous leurs exploits par écrit.

L’ordonnance de Moulins, art. 21, porte que les huissiers ou sergens exploitans en leur ressort porteront en leur main une verge de laquelle ils toucheront ceux auxquels ils auront charge de faire exploits de justice. Cette verge étoit pour les faire reconnoître ; ils portoient aussi sur eux, pour le même objet, des écussons aux armes de France, mais tout cela ne s’observe plus.

Ils peuvent porter sur eux des armes pour la sûreté de leur personne, & se faire assister de main-forte afin que la force demeure à justice.

Les exploits des huissiers font foi pour eux-mêmes, pour ce qui est de leur ministere ; il y a néanmoins certains exploits où les huissiers sont obligés de se faire assister de deux records, ou qu’ils doivent faire parapher par le juge. Voyez Ajournement & Exploit.

On dit communément qu’à mal exploiter point de garant, c’est-à-dire que les huissiers & sergens ne sont pas garans de la validité des exploits ; ils sont néanmoins responsables des nullités d’ordonnance & de coutume qui peuvent emporter la déchéance de la demande, comme le défaut d’offres en matieres de retrait lignager. (A)

Huissiers d’armes ou Sergens d’armes, étoient ceux qui avoient la garde de la personne du roi, & qui portoient le jour la masse devant lui. Voyez Sergent d’armes. (A)

Huissier audiencier est celui qui est établi sous ce titre pour servir particulierement à l’audience. (A)

Huissier de la Chaine ; on donne ce surnom aux Huissiers du conseil & à ceux de la grande chan-

celerie, parce qu’ils portent une chaîne d’or à leur cou. Voyez au mot Conseil du roi ce qui est dit des Huissiers. (A)

Huissiers à cheval sont ceux qui ont été établis au Châtelet de Paris, pour exploiter dans toute l’étendue du royaume ; on les qualifioit quelquefois de chevaliers à cause qu’ils vont à cheval. (A)

Huissier fieffé est celui qui tient son office en fief. Vers le commencement de la troisieme race, on donna en fief la plûpart des offices, & jusqu’aux sergenteries : il y en a encore plusieurs offices d’huissiers qui ont conservé le titre de fieffés, quoiqu’ils ne soient plus tenus en fief ; tels sont les quatre sergens ou huissiers fieffés du Châtelet de Paris, lesquels sont du nombre des huissiers priseurs. (A)

Premier Huissier n’est pas le doyen des huissiers du tribunal, mais celui auquel par la création de son office, le titre & les fonctions de premier huissier ont été attribués ; c’est lui qui reçoit directement les ordres du tribunal, & qui les transmet aux autres huissiers pour les faire exécuter : les premiers huissiers des cours & autres tribunaux ont chacun différens priviléges, qui sont remarqués en parlant de ces tribunaux. Voyez Parlement, Chambre des Comptes, Cour des Aides, &c. (A)

Huissier Priseur est celui qui est commis pour faire l’appréciation des meubles. Henri II. par l’édit de Février 1556, créa des offices de priseurs vendeurs des biens, meubles ; mais ces offices n’ayant pas été vendus, leur fonction fut unie par édit du mois de Mars 1576 à celle des huissiers & ses gens qui voudroient financer pour les acquérir, ce qui fut encore mal exécuté ; cependant depuis ce tems, tous les huissiers s’ingérerent de faire les prisées ; l’édit de Février 1697 desunit ces fonctions de celles de sergens à verge du Chatelet de Paris, & les attribua à 120 d’entr’eux seulement : on fit la même chose pour les autres siéges royaux par l’édit du mois d’Octobre 1696, sur quoi il faut voir la déclaration du 12 Mars 1697, & les arrêts du conseil des 4 Août 1699, 5 Août 1704, 19 Janv. & 15 Mai 1745. (A)

Huissiers de la Chambre du Roi, (Histoire de France.) ce corps compose de seize officiers est un des plus anciens de la maison du roi, dont il formoit autrefois la garde intérieure. Ils étoient alors armés de massues, & couchoient dans les appartemens qui servoient d’avenues à la chambre du roi.

A présent ils servent l’épée au côté sous les ordres de Mrs les premiers gentilshommes de la chambre, auxquels ils répondent de ceux qui approchent la personne du roi lorsqu’il est dans son intérieur. C’est entre leurs mains qu’ils prêtent le serment de fidélité ; c’est d’eux qu’ils reçoivent leurs certificats de service.

Aussi-tôt que la chambre est appellée pour le lever du roi, ils prennent la garde des portes, & ne laissent entrer en ce moment que ceux qui par droit de charge ou grace de sa majesté ont l’entrée de la chambre. Ils distinguent ensuite les plus qualifiés des seigneurs qui se sont nommés à la porte, les annoncent au premier gentilhomme, & les introduisent au petit lever. Au moment où le roi a pris sa chemise, que l’on appelle le grand lever, ainsi que dans le cours de la journée, ils laissent entrer dans la chambre toutes les personnes dont ils peuvent répondre.

Le soir, quand le roi doit tenir conseil ou travailler dans sa chambre, l’huissier en avertit les ministres de la part de sa majesté, & tient les portes fermées jusqu’à ce que le conseil ou travail soit levé.

Au moment où le roi prend ses pantoufles, que l’on appelle le petit coucher, l’huissier fait passer les courtisans qui n’ont ni la familiere, ni la grande, ni la premiere entrée.