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par les eaux, attendu que les pierres qu’on y remarque sont toûjours plus ou moins arrondies, ce qui a dû se faire par le roulement.

On se sert du gravier pour sabler les allées des jardins. Les Anglois ont un gravier d’une nature excellente, & qui surpasse tous les autres en bonté ; on l’employe aux grands chemins : ce qui en fait des routes très-unies, & beaucoup plus commodes que le pavé pour les voitures. De toutes les especes de graviers qu’on trouve en Angleterre, le plus estimé est celui de Black-Heath ; il est entierement composé de petits cailloux parfaitement arrondis. On prétend que Loüis XIV. offrit à Charles II. de lui fournir assez de pavé pour paver la ville de Londres, à condition que ce prince lui donnât en échange la quantité de gravier nécessaire pour sabler les jardins de Versailles. Quoi qu’il en soit de la vérité de ce fait, il paroît que cet échange n’a point eu lieu.

Voici comment on sable en Angleterre, en France, & ailleurs, les allées des jardins avec du gravier. On commence par couvrir l’allée, soit avec des rognures de pierres de taille qu’on appelle recoupe des pierres, soit avec des pierres-à-fusil, ou toute autre pierre dure ; on en met huit ou dix pouces d’épaisseur pour empêcher les mauvaises herbes de croître : au lieu de pierres on y met quelquefois du salpetre qu’on a soin de bien battre ; on met ensuite par-dessus cinq ou six pouces de gravier.

On a la précaution de faire que le milieu de l’allée soit plus élevé que les deux côtés, & forme comme un dos-d’âne, pour faciliter l’écoulement des eaux. Il faut ensuite faire passer, en tous sens à plusieurs reprises, un rouleau ou gros cylindre de pierre fort pesant par-dessus le gravier, afin de l’égaliser ; il est à-propos de faire la même chose trois ou quatre fois à la suite des pluies d’orage violentes. Quand le gravier est trop sec, il est bon de le mêler avec de la glaise, cela fait qu’il prend corps plus aisément. Voyez le supplément de Chambers. (—)

GRAVII, (Géogr. anc.) ancien peuple d’Espagne dont Silius Italicus, Pline & Ptolomée, font mention. Ce dernier met ce peuple dans l’Espagne Tarragonoise ; il le nomme Grait, & lui donne une ville qu’il appelle Tydæ, Θοῦδαι. Cette ville de Tyde est présentement Tury dans la Galice, aux confins du Portugal. (D. J.)

GRAVINA, (Géog.) petite ville d’Italie au royaume de Naples dans la terre de Barry, au pié des montagnes, avec un évêché suffragant de Matéra & titre de duché. On la croit la Pleyra des anciens ; son nom italien vient du mot françois ravine, parce qu’elle est assise sur une grande ravine. Elle est à 4 lieues N. de Matera, 10 S. O. de Barry. Long. 34. 10. latit. 41. 54. (D. J.)

GRAVITATION, s. f. en terme de Physique, signifie proprement l’effet de la gravité ou la tendance qu’un corps a vers un autre par la force de sa gravité. Voyez ci-après Gravité.

Suivant le système de Physique établi par Newton, & reçu maintenant par un grand nombre de philosophes, chaque particule de matiere pese ou gravite vers chaque autre particule. Voyez Newtonianisme.

Ce que nous appellons gravitation par rapport à un corps A, qui pese vers un autre corps B, Newton l’appelle attraction par rapport au corps B vers lequel le corps A pese : ou, ou ce qui revient au même, l’attraction que le corps B exerce sur le corps A, est ce qui fait que le corps A a une gravitation vers B ; l’attraction est la cause inconnue & la gravitation l’effet. Voyez Attraction.

Selon Newton, les planetes, tant premieres que secondaires, aussi-bien que les cometes, pesent ou tendent toutes vers le soleil, & pesent outre cela les

unes vers les autres, comme le soleil pese & tend vers elles ; & la gravitation d’une planete quelconque C vers une autre planete D, est en raison directe de la quantité de matiere qui se trouve dans la planete D, & en raison inverse du quarré de la distance de la planete C à la planete D. Voyez Planete, Comete, Soleil, Terre, Lune, &c.

Mais ce ne sont pas seulement les corps célestes qui s’attirent mutuellement. Newton ajoute que toutes les parties de la matiere ont cette propriété réciproque les unes par rapport aux autres ; & c’est ce qu’il appelle la gravitation universelle. On peut voir aux mots Attraction & Gravité, les preuves de ce système & l’usage que Newton en a fait, ainsi que les réflexions que nous avons faites sur ces preuves & sur cet usage. A ces réflexions nous en joindrons ici quelques-unes.

I. Réflexions philosophiques sur le système de la gravitation universelle. Les observations astronomiques démontrent que les planetes se meuvent, ou dans le vuide, ou au-moins dans un milieu fort rare, ou enfin, comme l’ont prétendu quelques philosophes, dans un milieu fort dense qui ne résiste point, ce qui seroit néanmoins plus difficile à concevoir que l’attraction même. Mais quelque parti qu’on prenne sur la nature du milieu dans lequel les planetes se meuvent, la loi de Kepler démontre au-moins qu’elles tendent vers le soleil. Voyez Loi de Kepler & Gravité. Ainsi la gravitation des planetes vers le soleil, quelle qu’en soit la cause, est un fait qu’on doit regarder comme démontré, ou rien ne l’est en Physique.

La gravitation des planetes secondaires ou satellites vers leurs planetes principales, est un second fait évident & démontre par les mêmes raisons & par les mêmes faits.

Les preuves de la gravitation des planetes principales vers leurs satellites ne sont pas en aussi grand nombre ; mais elles suffisent cependant pour nous faire reconnoître cette gravitation. Les phénomenes du flux & reflux de la mer, & sur-tout la théorie de la nutation de l’axe de la terre & de la précession des équinoxes, si bien d’accord avec les observations, prouvent invinciblement que la terre tend vers la lune ; voyez Flux & Reflux, Marée, Nutation, Précession. Nous n’avons pas de semblables preuves pour les autres satellites. Mais l’analogie seule ne suffit-elle pas pour nous faire conclure que l’action entre les planetes & leurs satellites est réciproque ? Je n’ignore pas l’abus qu’on peut faire de cette maniere de raisonner, pour tirer en Physique des conclusions trop générales ; mais il me semble, ou qu’il faut entierement renoncer à l’analogie, ou que tout concourt ici pour nous engager à en faire usage.

Si l’action est réciproque entre chaque planete & ses satellites, elle ne paroît pas l’être moins entre les planetes premieres. Indépendamment des raisons tirées de l’analogie, qui ont à la vérité moins de force ici que dans le cas précédent, mais qui pourtant en ont encore, il est certain que Saturne éprouve dans son mouvement des variations sensibles, & il est fort vraissemblable que Jupiter est la principale cause de ces variations. Le tems seul, il est vrai, pourra nous éclairer pleinement sur ce point, les Géometres & les Astronomes n’ayant encore ni des observations assez complettes sur les mouvemens de Saturne, ni une théorie assez exacte des dérangemens que Jupiter lui cause. Mais il y a beaucoup d’apparence que Jupiter, qui est sans comparaison la plus grosse de toutes les planetes & la plus proche de Saturne, entre au-moins pour beaucoup dans la cause de ces dérangemens : je dis pour beaucoup, & non pour tout ; car outre une cause dont nous