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démission de Louis-Charles de Bourbon, comte d’Eu, qui en avoit été pourvû en survivance de M. le duc du Maine, le 12 Mai 1710. Voyez Génie. (Q)

Grand Acquit, (Commerce.) on nomme ainsi à Livourne un droit qui se leve sur chaque vaisseau ou barque de sel qui se met en coûtume. Ce droit est de quatre livres par bâtiment, & c’est un de ceux que l’on paye au convoi. Voyez Convoi. Dictionn. de Commerce, de Chambers, & de Trévoux. (G)

Grande Chartre, (Hist. d’Angl.) voyez Chartre, & vous observerez qu’elle n’est pas le fondement, mais une déclaration des libertés de l’Angleterre. La nation, par l’établissement de ce corps de lois, se proposa d’affermir ses libertés naturelles & originaires, par l’aveu authentique du roi (Henri III.) qui étoit sur le throne, afin de ne laisser ni à lui ni à ses successeurs aucun prétexte pour empiéter à l’avenir sur les priviléges des sujets. (D. J.)

Grand’Œuvre, (Alchimie.) voyez Pierre philosophale & Philosophie hermétique.

Grand Gosier, (Ornith.) gros oiseau marin plus fort qu’une oie ; il a l’air triste & pesant ; ses jambes sont courtes & fortes : son cou est long, ainsi que son bec, dont la partie inférieure s’élargit à volonté pour laisser passer librement les gros poissons que l’oiseau reçoit dans une grande poche qu’il a au-dessous de ce bec. On prétend qu’on peut apprivoiser cet oiseau, & s’en servir comme d’un pourvoyeur, en lui faisant regorger le poisson qu’il a pris. Nous ne garantissons point ce fait. Son plumage est blanchâtre & gris-mêlé de quelques plumes noires aux aîles. Quelques-uns le nomment pélicant.

GRANDESSE, s. f. (Hist. mod.) qualité des grands d’Espagne. Voyez l’article Grand.

GRANDEUR, s. f. (Philos. & Mathém.) Voilà un de ces mots dont tout le monde croit avoir une idée nette, & qu’il est pourtant assez difficile de bien définir. Ne seroit-ce pas parce que l’idée que ce mot renferme, est plus simple que les idées par lesquelles on peut entreprendre de l’expliquer ? Voyez Définition & Elémens des Sciences. Quoi qu’il en soit, les Mathématiciens définissent ordinairement la grandeur, ce qui est susceptible d’augmentation & de diminution ; d’après cette notion l’infini ne seroit pas plus une grandeur que le zéro, puisque l’infini n’est pas plus susceptible d’augmentation que le zéro ne l’est de diminution ; aussi plusieurs mathématiciens regardent-ils le zéro d’une part & l’infini de l’autre, non comme des grandeurs, mais comme la limite des grandeurs ; l’une pour la diminution, l’autre pour l’augmentation. Voyez Limite. On est sans doute le maître de s’exprimer ainsi, & il ne faut point disputer sur les mots ; mais il est contre l’usage ordinaire de dire que l’infini n’est point une grandeur, puisqu’on dit une grandeur infinie. Ainsi il semble qu’on doit chercher une définition de la grandeur plus analogue aux notions communes. De plus, suivant la définition qu’on vient d’apporter, on devroit appeller grandeur tout ce qui est susceptible d’augmentation & de diminution ; or la lumiere est susceptible d’augmentation & de diminution ; cependant on s’exprimeroit fort improprement en regardant la lumiere comme une grandeur.

D’autres changent un peu la définition précédente, en substituant ou au lieu de &, & ils définissent la grandeur, ce qui est susceptible d’augmentation ou de diminution. Suivant cette définition dans laquelle ou est disjonctif, zéro seroit une grandeur ; car s’il n’est pas susceptible de diminution, il l’est d’augmentation ; cette définition est donc encore moins bonne que la précédente.

On peut, ce me semble, définir assez bien la grandeur, ce qui est composé de parties. Il y a deux sor-

tes de grandeurs, la grandeur concrete & la grandeur abstraite. Voyez Concret & Abstrait. La

grandeur abstraite est celle dont la notion ne désigne aucun sujet particulier. Elle n’est autre chose que les nombres, qu’on appelle aussi grandeurs numériques. Voyez Nombre. Ainsi le nombre 3 est une quantité abstraite, parce qu’il ne désigne pas plus 3 piés que 3 heures, &c.

La grandeur concrete est celle dont la notion renferme un sujet particulier. Elle peut être composée ou de parties co-existantes, ou de parties successives ; & sous cette idée elle renferme deux especes, l’étendue, & le tems. Voyez Etendue & Tems.

Il n’y a proprement que ces deux especes de grandeurs ; toutes les autres s’y rapportent directement ou indirectement L’étendue est une grandeur dont les parties existent en même tems ; le tems une grandeur dont les parties existent l’une après l’autre.

La grandeur s’appelle aussi quantité, voyez Quantité ; & sous cette idée on peut dire que la grandeur abstraite répond à la quantité discrete, & la grandeur concrete à la quantité continue. Voyez Discret & Continu.

La grandeur & ses propriétés sont l’objet des Mathématiques, ce qui sera expliqué plus au long à l’article Mathématiques.

Sur la grandeur apparente des objets, voyez les mots Optique & Vision. (O)

Grandeur, s. f. (Phil. mor.) ce terme en Physique & en Géométrie est souvent absolu, & ne suppose aucune comparaison ; il est synonyme de quantité, d’étendue. En Morale il est relatif, & porte l’idée de supériorité. Ainsi quand on l’applique aux qualités de l’esprit ou de l’ame, ou collectivement à la personne, il exprime un haut degré d’élévation au-dessus de la multitude.

Mais cette élévation peut être ou naturelle, ou factice ; & c’est-là ce qui distingue la grandeur réelle de la grandeur d’institution. Essayons de les définir.

La grandeur d’ame, c’est-à-dire la fermeté, la droiture, l’élévation des sentimens, est la plus belle partie de la grandeur personnelle. Ajoûtez-y un esprit vaste, lumineux, profond, & vous aurez un grand homme.

Dans l’idée collective & générale de grand homme, il semble que l’on devroit comprendre les plus belles proportions du corps ; le peuple n’y manque jamais. On est surpris de lire qu’Alexandre étoit petit ; & l’on trouve Achille bien plus grand lorsqu’on voit dans l’Iliade qu’aucun de ses compagnons ne pouvoit remuer sa lance. Cette propension que nous avons tous à mêler du physique au moral dans l’idée de la grandeur, vient 1°. de l’imagination qui veut des mesures sensibles ; 2°. de l’épreuve habituelle que nous faisons de l’union de l’ame & du corps, de leur dépendance & de leur action réciproque, des opérations qui résultent du concours de leurs facultés. Il étoit naturel sur-tout que dans les tems où la supériorité entre les hommes se décidoit à force de bras, les avantages corporels fussent mis au nombre des qualités héroïques. Dans des siecles moins barbares on a rangé dans leurs classes ces qualités qui nous sont communes avec les bêtes, & que les bêtes ont au-dessus de nous. Un grand homme a été dispensé d’être beau, nerveux, & robuste.

Mais il s’en faut bien que dans l’opinion du vulgaire l’idée de grandeur personnelle soit réduite encore à sa pureté philosophique. La raison est esclave de l’imagination, & l’imagination est esclave des sens. Celle-ci mesure les causes morales à la grandeur physique des effets qu’elles ont produites, & les apprétie à la toise.

Il est vraissemblable que celui des rois d’Egypte