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L’arrangement qu’elles prennent est sujet à plusieurs variétés, au-travers desquelles il est facile d’appercevoir quelque chose de constant. La gelée blanche est toûjours composée de plusieurs filets oblongs, diversement inclinés les uns par rapport aux autres, ce qu’on observe dans toutes les autres congelations.

Chacun des petits glaçons qui composent la gelée blanche, étant vû séparément au microscope, est transparent ; cependant la gelée blanche considérée en total ne l’est point ; les intervalles très-peu réguliers que laissent entr’eux les petits glaçons qui se touchent par un petit nombre de points, donnent lieu à une forte réflexion de la lumiere : de-là l’opacité & la blancheur. C’est ainsi que le verre est blanc, quand il est pulvérisé. La blancheur de la neige dépend de la même cause. Voyez Neige.

Vers la fin de l’autonne l’atmosphere se refroidit ; bien-tôt ce refroidissement se communique à la terre, qui par-là acquiert la froideur nécessaire pour la formation de la gelée blanche. Pendant l’hyver la terre est souvent froide au terme de la glace, & au-dessous ; lorsque le tems s’adoucit après quelques jours de gelée, la froideur de l’air surpasse pendant quelque tems celle de l’atmosphere, parce que les corps plus denses s’échauffent plus difficilement. Dans ces circonstances, si l’air est chargé de particules d’eau, on aura de la gelée blanche.

La gelée blanche doit être mise, comme la rosée, au nombre des météores aqueux. Voyez Météore.

Les corps que la rosée ne mouille point, ne se couvrent point de gelée blanche ; ainsi on n’en voit jamais sur les métaux polis ; au contraire elle est fort abondante sur le verre & la porcelaine, sur les plantes, & sur tous les autres corps qui attirent puissamment l’humidité de l’air. Voyez dans le recueil de l’académie des Sciences, année 1751. un excellent mémoire de M. le Roy docteur en Medecine, sur la suspension de l’eau dans l’air & sur la rosée. L’article Evaporation est du même auteur.

Dès que le soleil commence à faire sentir sa chaleur, la gelée blanche ne manque pas de se fondre & de se dissiper. Lorsqu’elle est fondue, elle se dissipe en deux manieres ; ou elle entre dans les terres arides & dans les corps poreux, qui ont de la disposition à l’absorber ; ou, ce qui est plus ordinaire, elle se réduit en vapeurs & s’éleve dans l’air.

La gelée blanche participe aux qualités souvent nuisibles de la rosée qui a servi à la former. De plus, par le froid qui l’accompagne, elle nuit à plusieurs plantes, sur-tout dans le printems, où les parties de la fructification qui alors commencent à paroître dans la plûpart des végétaux, sont fort tendres & fort délicates. Dans la même saison un soleil vif & ardent succede tout-à-coup à la grande froideur du matin ; & ce contraste, toutes proportions gardées, n’est pas moins nuisible que celui que forme en hyver un dégel considérable & prompt après une forte gelée. Voyez ci-devant Gelée.

La gelée blanche ne differe pas essentiellement de ce qu’on appelle givre ou frimat. Voyez ci-après Givre. De Chales, Musschenbroek, Hamberger, Gerslen, &c. Article de M. de Ratte.

Gelée, (Medecine.) les effets de la gelée sur le corps humain ont été expliqués en traitant de ceux du froid dans l’économie animale. Voyez Froid.

Gelée, (Pharm. Art culin. Art du Confitur.) suc de substances animales ou végétales qu’on réduit par l’art, en consistance d’une colle claire & transparente.

Les gelées de substances animales sont de fortes décoctions de cornes, d’os, de piés d’animaux, bouillies dans de l’eau, au point d’acquérir étant froides, une consistance ferme & gélatineuse.

Les gelées de végétaux sont des décoctions de

fruits mûrs cuits avec du sucre, jusqu’à consistance convenable.

Les gelées de pain sont des décoctions de la croute de pain, ou du biscuit de mer qu’on fait bouillir dans de l’eau à petit feu, jusqu’à ce que la décoction ait acquise la forme d’une gelée refroidie.

La maniere de tirer des gelées de substances animales appartient à l’art culinaire ; celle des fruits est du ressort du confiseur ; mais le medecin sait profiter des unes & des autres pour la guérison des maladies.

La gelée de substances animales se tire ordinairement des extrémités des parties d’animaux, de volaille, & autres viandes qu’on juge convenables. On fait cuire ces viandes dans une certaine quantité d’eau proportionnée ; quand les viandes sont presque défaites, on les exprime, on en coule le bouillon par l’étamine ou un linge fort dans une casserolle ; on dégraisse ce bouillon soigneusement avec des ailes de plume ; on y ajoûte quelquefois du sucre, un peu de canelle, de cloux de girofle, de l’écorce de citron, ou tel autre ingrédient approprié ; on fait un peu recuire le tout ensemble ; ensuite on le clarifie avec des blancs d’œufs ; on y joint pour l’agrément du jus de citron ; on passe le tout par la chausse ; on le porte dans un lieu froid où il se fige.

On fait aussi de la gelée d’os qu’on amollit avec la machine industrieuse de Papin. Voyez ce que c’est que cette machine au mot Digesteur.

L’art de la cuisine s’étend encore à masquer la couleur naturelle des gelées animales : on les blanchit avec les amandes pilées & passées à l’ordinaire ; on les jaunit avec des jaunes d’œufs ; on les rougit avec du suc de beterave ; on les verdit avec du jus de poirée, qu’on fait cuire dans un plat pour en ôter la crudité, &c.

La gelée qu’on fait avec des piés de veau, de la volaille, des amandes douces blanchies, de la farine de ris, du sucre, & quelques gouttes d’eau de fleur d’orange, est ce qu’on nomme blanc-manger, nourriture avantageuse dans les cas où l’on se propose de tempérer l’âcreté des humeurs. Voyez Blanc-manger.

On se conduit de la même maniere pour le blanc-manger de corne de cerf, & pour la gelée simple de corne de cerf qu’on employe fréquemment en Medecine. Voyez Corne de cerf.

La gelée de poisson se tire de divers poissons qu’on vuide, qu’on dégraisse, qu’on fait bouillir, & dont on passe le bouillon par une étamine, après quoi on le met dans un pot pour l’usage ; mais on n’employe guere en Medecine que la gelée de viperes, & c’est peut-être encore assez mal-à-propos.

Toutes les gelées de substances animales sont alkalescentes, mais moins lorsqu’on les assaisonne de jus de limon & de sucre. Elles ne conviennent en qualité de remede, que quand l’acidité domine dans les premieres voies. Il faut toûjours les avoir fraîchement faites & nouvelles, parce qu’elles se gâtent promptement : en général elles sont plus alimenteuses & restaurantes, que médicamenteuses.

On faisoit autrefois entrer dans ces gelées des drogues medicinales en forme de poudres ou d’extraits, & on les appelloit gelées composées ; mais ces sortes de gelées ridicules ne sont plus d’usage aujourd’hui ; on n’a conservé que la seule gelée d’avoine simplifiée. Voyez Gelée d’avoine.

Passons aux gelées de fruits dont la consommation est immense dans toute l’Europe. On fait généralement de la gelée de fruits de la maniere suivante. On prend tels sortes de fruits qu’on veut ; on coupe les uns par morceaux, on presse les autres, on en ôte les grains, on les fait cuire dans de l’eau plus ou moins à-proportion de la dureté des fruits. Quand ils sont cuits, on les passe dans des linges ; on ôte