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point l’un l’autre, il n’y auroit aucun nouveau froid ; c’est qu’un froid de 12 à 14 degrés a congelé l’humidité nécessaire à ces deux substances, pour s’entamer réciproquement. Cette maniere de dessécher le sel & la glace en les refroidissant, est le moyen que nous avons annoncé plus haut de mettre obstacle à leur fusion, & d’empêcher par-là la production d’un nouveau froid.

Quoique le sel marin soit fort supérieur au salpetre par rapport à l’effet dont il s’agit, l’esprit de sel est cependant un peu inférieur à l’esprit de nitre. Eût-on deviné cette bisarrerie apparente ? Mais ce qui paroîtra plus singulier, c’est le froid causé par une liqueur ardente & inflammable, comme l’esprit-de-vin : ce froid n’est inférieur que d’environ deux degrés à celui que produit l’esprit de nitre, employé précisément de la même façon.

En général toutes les liqueurs, soit acides, soit spiritueuses, refroidissent la glace en la sondant ; les liqueurs alkalines volatiles, telles que l’esprit de sel ammoniac, ou l’esprit d’urine, font le même effet. Les huiles fondent bien la glace ; mais comme elles ne se mêlent point avec l’eau qui lui succede, elles ne donnent aucun nouveau froid. M. de Reaumur, dans le mémoire déjà cité. M. Musschenbroek, tentamina experimentorum naturalium, &c.

4°. Certaines dissolutions chimiques accompagnées d’effervescence, c’est-à-dire où les matieres bouillonnent & se gonflent, & même avec bruit, sont cependant froides, & font descendre le thermometre qui y est plongé. C’est ce qu’on éprouve quand on mêle des alkalis volatils avec différentes liqueurs acides, par exemple le sel volatil d’urine avec le vinaigre distille ; le sel ammoniac étant jetté dans l’esprit de nitre ou dans de l’huile de vitriol, fait aussi avec chacune de ces deux liqueurs une effervescence froide très-considérable.

Du mélange du sel ammoniac & de l’huile de vitriol, il en sort pendant l’effervescence des vapeurs chaudes. Si par exemple on projette sur trois dragmes d’huile de vitriol deux dragmes de sel ammoniac, il s’en exhalera une fumée qui sera monter un thermometre placé immédiatement au-dessus d’elle d’environ quatre degrés & demi de la division de M. de Reaumur ; tandis qu’un autre thermometre placé dans le mélange, baissera de plus de cinq degrés. M. Musschenbroek ayant fait cette même expérience dans le vuide, le résultat en a été différent ; les vapeurs se sont élevées comme auparavant, mais elles n’ont fait aucune impression sensible sur le thermometre exposé à leur action ; apparemment la chaleur de ces vapeurs s’augmente beaucoup par l’action & la réaction de l’air. A l’égard du thermometre plongé dans le mélange, il baisse également & dans l’air subtil & dans l’air grossier. M. Geoffroi, mém. de l’acad. des Seiences, année 1700, pag. 110. & suiv. M. Musschenbroek, tentamina experiment. natural. & c. Voy. Dissolution, Menstrue, Effervescence.

Quand on plonge une bouteille pleine d’eau dans un mélange de sel & de glace pilée, l’eau contenue dans la bouteille ne se refroidit & ne se glace que parce qu’étant plus chaude que le mélange qui lui est en quelque maniere contigu, elle lui communique selon la loi générale une partie de sa chaleur. Il n’en est pas de même des substances, qui mêlées intimement, font naître le froid artificiel ; elles ont le plus souvent le même degré de température ; quelquefois même un corps se refroidit en s’unissant à un autre corps moins froid que lui ; du sel, par exemple, moins froid de plusieurs degrés que de la glace, ne laisse pas de la refroidir. La loi générale de la propagation de la chaleur, paroît être ici violée ; mais on doit remarquer que cette loi ne s’observe que dans les corps simplement appliqués, & qui n’agissent l’un sur l’au-

tre que par leurs surfaces. Quand deux substances s’unissent par voie de dissolution, d’autres lois se rendent sensibles par d’autres effets. Cet article est de M. de Ratte, secrétaire perpétuel de la S. R. des Sciences de Montpellier, membre de l’institut de Bologne & de l’acad. de Cortone.

Froid, (Chimie.) Les Chimistes prennent ce mot dans deux acceptions différentes.

Premierement, pour la présence, l’action positive & réelle d’une chaleur foible, de celle que notre atmosphere emprunte des rayons refléchis du soleil, ou, ce qui est la même chose, pour la chaleur naturelle de l’ombre, dans toutes les saisons de l’année. C’est ainsi qu’ils disent d’une dissolution faite à l’ombre, & sans le secours d’un feu artificiel, qu’elle est faite à froid ; d’une certaine application de l’eau, chaude comme l’atmosphere qui l’environne, que c’est une macération ou infusion à froid ; d’une lessive saline placée pour crystalliser loin de tout feu artificiel & à l’abri des rayons directs du soleil, qu’elle est mise ou gardée au froid, ou bien dans un lieu froid ou frais.

Les variétés des saisons & les diverses températures des lieux plus ou moins bas & profonds, ou ombragés par l’interposition de corps plus ou moins denses, fournissent les différens degrés de ce froid chimique sous lequel on opere ordinairement. La perfection qu’acquierent certains vins en vieillissant dans les bonnes caves, est dûe à une espece de digestion lente ou de fermentation insensible, que le froid, c’est-à-dire la chaleur foible du lieu, entretient dans ces liqueurs. Il est quelques cas rares dans lesquels on augmente ce froid par art, par l’application de la glace, comme dans la préparation de l’éther nitreux. Voyez Ether nitreux.

Il est clair que le froid dont nous venons de parler, n’est proprement qu’un degré de feu. Voyez Feu.

Secondement, les Chimistes prennent le mot froid dans son acception la plus vulgaire, pour le contraire ou l’absence de la chaleur. Le froid ainsi conçû comme agent ou comme obstacle physique, est employé principalement à suspendre des mouvemens chimiques, ces altérations communément appellées spontanées, que subissent les corps composés sous la température moyenne de notre atmosphere, c’est-à-dire à conserver ces substances. Voyez Conservation, (Pharmac.) Ce froid est encore employé à modérer l’expansion de certains produits volatils des distillations, & à empêcher par là la dissipation de ces produits ; ce qui s’appelle rafraîchir. Voy. Rafraichir (Chimie), & Distillation.

L’emploi de ce froid chimique est toûjours absolu ; & par conséquent les Chimistes cherchent toûjours à s’en procurer le degré le plus fort qu’il est possible.

Mais le degré usuel, commun, vulgaire, est celui qu’on obtient dans le raffraîchissement, par l’application des linges mouillés, de l’eau froide en masse, ou tout au plus de la glace ; & pour la conservation, celui que fournissent les bonnes caves.

Il est clair par ce que nous venons d’exposer, que nous n’opérons & que nous n’observons que sous un degré de froid peu considérable ou peu durable. Cependant l’emploi philosophique d’un froid plus fort & plus constant, nous procureroit diverses connoissances aussi utiles que curieuses : d’abord, il feroit connoître le premier ou le plus insensible degré de corruption, & par conséquent, l’action naissante du feu, l’énergie de son moindre degré chimique ; il nous fourniroit l’occasion d’observer l’altération lente & réguliere de certaines matieres, des substances animales, par exemple, que le froid des meilleures caves ne sauroit préserver d’une corruption prompte & tumultueuse. Il y auroit même des cas