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pépiniere ; mais le défoncement entier du terrein dont parlent les écrivains, n’est qu’une inutilité dispendieuse.

Faites des trous de quinze pouces en quarré & de la même profondeur ; mettez le gason au fond, & la terre meuble par-dessus ; plantez quand la terre est saine ; mettez deux brins de plant dans chaque trou, pour être moins dans le cas de regarnir ; binez legerement une fois chaque année pendant deux ans, ou deux fois si l’herbe croît avec trop d’abondance ; choisissez pour biner un tems sec, après une petite pluie ; recépez votre plant au bout de quatre ans : vous aurez alors un bois vigoureux & déjà en valeur.

A l’égard de la distance qu’il faut mettre entre les trous, elle doit être décidée par l’objet qu’on se propose en plantant. Si on veut un taillis à couper tous les quinze ans, il faut planter à quatre piés : on mettra cinq piés de distance, si l’on se propose de couper les bois à trente ou quarante ans, & plus encore si on le destine à devenir une futaie. Nous traiterons ailleurs cette matiere avec plus d’étendue. Voy. Pépiniere & Plantation.

Quant au choix de l’espece de bois, on peut être déterminé raisonnablement par différens motifs. Le chêne méritera toûjours une sorte de préférence par sa durée & la diversité des usages importans auxquels il est propre : cependant plusieurs autres especes, quoique inférieures en elles-mêmes, peuvent être à préférer au chêne, en raison de la consommation & des besoins du pays. Depuis que les vignes se sont multipliées, & que le luxe a introduit dans nos jardins une immense quantité de treillages, le châtaigner est devenu celui de tous les bois dont le taillis produit le revenu le plus considérable. Nous voyons par d’anciennes charpentes, qu’on en pourroit tirer beaucoup d’utilité en le laissant croître en futaie ; mais l’hyver de 1709 ayant gelé une partie des vieux châtaigners, a dû rallentir les propriétaires sur le dessein d’en faire cet usage. En général, le bois qui croît le plus vîte est celui qui produit le plus, par-tout où la consommation est considérable. Les blancs-bois les plus décriés n’y sont pas à négliger : le bouleau, par exemple, devient précieux par cette raison, & parce qu’il croît dans les plus mauvaises terres, dans celles qui se refusent à toutes les autres especes.

Le hêtre, le frêne, l’orme, ont des avantages qui leur sont propres, & qui dans bien des cas peuvent les faire préférer au chêne. Voyez tous ces différens arbres, chacun à son article : vous y trouverez en détail leurs usages, leur culture, le terrein où ils se plaisent particulierement. Les terres moyennes conviennent au plus grand nombre ; on y voit souvent plusieurs especes mêlées, & ce mélange est favorable à l’accroissement du bois & à sa vente.

Finissons par quelques observations particulieres.

Les terres crétacées sont de toutes les moins favorables au bois, les terres glaiseuses ensuite ; & par degré, les composées de celles-là.

Il est beaucoup plus difficile de faire venir du bois dans les terres en train de labour, que dans celles qui sont en friche. La difficulté double encore, si ces terres ont été marnées, même anciennement.

Si un taillis est mangé par les lapins à la premiere pousse, il ne faut point le recéper. Les rejettons dépouillés meurent ; mais il en revient un petit nombre d’autres qui sont plus vigoureux que ceux qui repousseroient sur les jeunes tiges. Si le taillis a deux ans lorsqu’il est mangé, & qu’il soit entierement dépouillé, il faut le recéper. Article de M. Le Roy, Lieutenant des Chasses du parc de Versailles.

Forêt, (Jurisprud.) ce terme pris dans sa signification propre ne s’entend que de bois d’une vaste

étendue : mais en matiere de Jurisprudence, quand on parle de forêts, on entend tous les bois grands & petits.

Anciennement, le terme de forêt comprenoit les eaux aussi-bien que les bois. On voit en effet dans de vieux titres, forêt d’eau pour vivier où l’on garde du poisson, & singulierement parmi ceux de l’abbaye de Saint-Germain-des Prés, on trouve une donation faite à ce monastere de la forêt d’eau, depuis le pont de Paris jusqu’au rû de Sevre, & de la forêt des poissons de la riviere : ainsi la concession de forêt étoit également la permission de pêcher, & d’abattre du bois. C’est sans doute de-là qu’on n’a établi qu’une même jurisdiction pour les eaux & forêts.

On appelloit aussi droit de forêt le droit qu’avoit le seigneur d’empêcher qu’on ne coupât du bois dans sa futaie, & qu’on ne pêchât dans sa riviere.

Les coûtumes d’Anjou, Maine, & Poitou, mettent la forêt au nombre des marques de droite baronie : ces coûtumes entendent par forêt un grand bois où le seigneur a le droit de chasse défensable aux grosses bêtes. Selon ces coûtumes, il faut être au moins châtelain pour avoir droit de forêt, ou en avoir joüi par une longue possession.

Les forêts, aussi-bien que les eaux, ont mérité l’attention des lois & des ordonnances ; & nos rois ont établi différens tribunaux pour la conservation tant de leurs forêts que de celles des particuliers ; tels que des tables de marbre des maîtrises particulieres, des gruries. Il y a aussi des officiers particuliers pour les eaux & forêts ; savoir les grands-maîtres, qui ont succédé au grand forestier, les maîtres particuliers, des gruyers, verdiers, des forestiers, & autres.

Les ordonnances anciennes & nouvelles, & singulierement celle de 1669, contiennent plusieurs réglemens pour la police des forêts du roi par rapport à la compétence des juges en matiere d’eaux & forêts, pour l’assiette, balivage, martelage, & vente des bois, les recollemens, vente des chablis & menus marchés ; les ventes & adjudications des panages, glandées, & paissons ; les droits de pâturage & panage ; les chauffages, & autres usages du bois, tant à bâtir qu’à réparer ; pour les bois à bâtir pour les maisons royales & bâtimens de mer ; pour les forêts, bois & garennes tenus à titre de doüaire, concession, engagement & usufruit ; les bois en grurie, grairie, tiers, & danger, ceux appartenans aux ecclésiastiques & gens de main-moite, communautés d’habitans, & aux particuliers ; pour les routes & chemins royaux ès forêts ; la chasse dans les bois & forêts ; enfin pour les peines, amendes, restitutions, dommages, intérêts, & confiscations. Voyez Eaux et Forêts, Bois, Chasse, &c.

En Angleterre, lorsque le roi établit quelque nouvelle forêt, on ordonne que quelques terres seront comprises dans une forêt déjà subsistante : on appelle cela enforester ces terres. Voyez Desenforester & Enforester. (A)

Forêt-Hercynie, (Géog.) en latin hercinia sylva, vaste forêt de la Germanie, dont les anciens parlent beaucoup, & qu’ils imaginoient traverser toute la Celtique. Plusieurs auteurs frappés de ce préjugé, prétendent que les forêts nombreuses que l’on voit aujourd’hui en Allemagne, sont des restes dispersés de la vaste forêt Hercynienne : mais il faut remarquer ici que les anciens se sont trompés, quand ils ont cru que le mot hartz étoit le nom particulier d’une forêt ; au lieu que ce terme ne désignoit que ce que désigne celui de forêt en général. Le mot arden, d’où s’est formé celui d’Ardennes, & qui n’est qu’une corruption de hartz, est pareillement un terme générique qui signifie toute forêt sans distinction. Aussi Pomponius Mela, Pline, & César se sont abusés dans leurs descriptions de la forêt Hercynienne. Elle a, dit César,