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par édit du mois de Février 1554, & rendues héréditaires par édit du mois de Janvier 1583.

Pour ce qui est des gruries seigneuriales, il n’y en avoit anciennement que dans les terres des seigneurs qui avoient une concession particuliere du droit de grurie, auquel cas le seigneur commettoit un juge particulier pour exercer sa jurisdiction de la grurie. Il est fait mention de ces gruries seigneuriales dès l’an 1380, & il y en avoit même long-tems auparavant, ainsi qu’on l’a déjà observé. Voyez ci-apr. le mot Gruyer.

Les choses demeurerent dans cet état jusqu’à l’édit du mois de Mars 1707, par lequel le roi créa une grurie dans chaque justice des seigneurs ecclésiastiques & laiques, pour faire dans l’étendue de ces justices les mêmes fonctions qu’exerçoient les gruyers du roi dans ses eaux & forêts. L’appel de ces gruries étoit porté aux maîtrîses.

Les offices de ces nouvelles gruries n’ayant pas été levés ; par une déclaration du mois de Mars 1708, ils furent réunis aux justices des seigneurs moyennant finance. Depuis ce tems, tous les seigneurs hauts-justiciers sont réputés avoir droit de grurie chacun dans l’étendue de leur haute-justice, & tous juges de seigneurs sont gruyers.

Mais les inconvéniens que l’on trouva à laisser les gruyers des seigneurs seuls maîtres de la poursuite de toutes sortes de délits indistinctement, sur-tout dans les bois des gens de main-morte, donnerent lieu à la déclaration du 8 Janvier 1715, par laquelle il a été ordonné que les officiers des eaux & forêts du roi exerceront sur les eaux & forêts des prélats & autres ecclésiastiques, chapitres & communautés régulieres, séculieres & laiques, la même jurisdiction qu’ils exercent sur les eaux & forêts du roi, en ce qui concerne le fait des usages, délits, abus & malversations qui s’y commettent, sans qu’il soit besoin qu’ils ayent prévenu, ni qu’ils en ayent été requis, encore que les délits n’ayent pas été commis par les bénéficiers dans les bois dépendans de leurs bénéfices ; & à l’égard des usages, abus & malversations qui concernent les eaux & forêts qui appartiennent aux seigneurs laïques ou autres particuliers, il est dit que les officiers des eaux & forêts du roi en connoitront pareillement sans qu’ils en ayent été requis, ni qu’ils ayent prévenu, lorsque les propriétaires de ces eaux & forêts auront eux-mêmes commis les délits & abus ; mais ils ne peuvent en prendre connoissance quand ils ont été commis par d’autres, à-moins qu’ils n’en ayent été requis & qu’ils n’ayent prévenu les juges gruyers des seigneurs : enfin cette déclaration ordonne que l’appel des gruyers des seigneurs se relevera directement à la table-de-marbre, comme avant l’édit du mois de Mars 1707.

Les bois tenus en grurie sont ceux qui sont soûmis à la jurisdiction des officiers du roi, & sur lesquels il joüit de quelques droits, à cause de la justice qu’il y fait exercer. Les bois de cette qualité ne peuvent être vendus que par le ministere des officiers du roi pour les eaux & forêts, & avec les mêmes formalités que les bois & forêts du roi.

Dans tous les bois sujets aux droits de grurie ou grairie, la justice & en conséquence tous les profits qui en procedent, tels que les amendes & confiscations, appartiennent au roi ; ensemble la chasse, paisson & glandée, privativement à tous autres, si ce n’est qu’à l’égard de la paisson & glandée il y eût titre au contraire.

Le droit de grurie qu’on appelle aussi en quelques endroits grairie, est une portion de la vente que le roi perçoit sur les bois d’autrui, soit en argent ou en essence du meilleur bois.

Dans la forêt d’Orléans, le droit de grurie ou grairie est de deux sous parisis d’une part du prix de la vente, & de dix-huit deniers d’autre.

Dans d’autres endroits, comme dans la Beauce, le Gatinois & le Hurepois, ce droit est de treize parts dans trente ; à Beaugency il est de la moitié, le quint du principal, & toute l’enchere qui se fait sur la publication de la vente faite par le tréfoncier. A Senlis, le roi a dans quelques bois le tiers ; dans d’autres la moitié, dans d’autres le quint & le vingtieme, dans d’autres le vingtieme seulement. A Chauny, il a le quart & le quint. Au pays de Valois, il a le tiers dans les bois des tréfonciers. En Normandie & dans quelques autres pays, le roi a le tiers & danger, c’est-à-dire le tiers & le dixieme. Voyez Danger, Tiers et danger.

Les parts & portions que le roi prend lors de la coupe & usance des bois sujets aux droits de grurie & grairie, sont levées & perçûes en espece ou argent, suivant l’ancien usage de chaque maîtrise où ils sont situés.

L’ordonnance de Moulins défend de donner, vendre ni aliéner en tout ou partie, les droits de grurie, ni même de les donner à ferme pour telle cause & prétexte que ce soit. Ces défenses ont été renouvellées par l’ordonnance de 1669, au moyen dequoi ces droits ne peuvent être engagés ni affermés ; mais leur produit ordinaire est donné à recouvrer au receveur des domaines & bois.

Les autres regles que l’on observe pour les bois tenus en grurie, sont expliquées dans le titre 22 de la même ordonnance de 1669.

L’appel des gruries royales doit être relevé aux maîtrises du ressort ; au lieu que l’appel des gruries seigneuriales, c’est-à-dire des juges de seigneurs en matiere d’eaux & forêts, se releve directement en la table-de-marbre. Voyez Saint-Yon, dans son commentaire, titre des bois tenus à tiers & danger, & la conference des eaux & forêts, titre des gruyers & tit. des bois tenus en grurie. Voyez ci-après Gruyer, & cidevant Grairie. (A)

GRUYER, s. m. (Jurisprud.) est un officier particulier des eaux & forêts, qui juge en premiere instance les délits & malversations qui se commettent dans les forêts.

L’institution des gruyers est aussi ancienne que le droit de grûrie dont ils ont pris leur nom ; il en est fait mention dans des ordonnances dès le tems de la premiere race ; ils sont nommés gruarii custodes, saltuarii, viridarii, & en françois verdiers, forestiers, maires-sergens : on leur donne encore ces differens noms selon l’usage des lieux.

Il en est aussi parlé dans une ordonnance de l’an 1318 ; il y a aussi une sentence du 22 Mars 1365, rendue par le maître-général des eaux & forêts du royaume, adressée au gruyer de Champagne & de Brie.

Le nom de gruyer étoit le titre que les ducs de Bourgogne & de Bretagne, & les comtes de Champagne, donnoient au principal officier chargé du gouvernement de leurs eaux & forêts.

Les ordonnances de 1346, Septembre 1402, & Mars 1515, défendirent aux gruyers d’avoir des lieutenans ; s’ils en avoient, ils en étoient responsables, à-moins qu’ils ne fussent officiers de la maison du roi ou des enfans de France.

Il y a deux sortes de gruyers ; les uns royaux, les autres seigneuriaux.

Les gruyers royaux ont été créés en titre d’office par édit du mois de Février 1554, suivant lequel ils doivent être reçûs par le maitre particulier dans le ressort duquel ils sont établis.

Les ordonnances de 1346, Juillet 1376, Mars 1388, Septembre 1402, Mars 1515, 1556, & d’Orléans en 1560, ordonnent de donner caution lors de leur réception.

Leurs offices ont été déclarés héréditaires par édit de Janvier 1583.