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On fait aussi des gros-de-Tours dans lesquels on ne fait point baisser de lisses de rabat au coup de fond : parce qu’on tire un lac qui fait une figure ordinairement délicate, & qui ne paroîtroit pas, si on faisoit rabattre la moitié ; elle ne formeroit pour lors que le gros-de-Tours ordinaire, comme si on ne tiroit point du-tout : au lieu que le rabat ne baissant point, cette figure embellit le fond. Il faut pour ce genre d’étoffe une soie très-belle, afin que les fils qui ne levent point, ne suivent pas en partie ceux qui levent.

C’est la même démonstration pour le taffetas façonné que pour le gros de-Tours, avec cette différence qu’au taffetas façonné, au lieu de commencer le liage par la quatrieme lisse, il faudroit le commencer par la premiere, afin d’éviter la contrariété des mouvemens dont on a parlé ci-dessus, & contre laquelle on ne peut trop se mettre en garde.

GROSCHEN ou GROS, s. m. (Commerce.) monnoie usitée dans quelques parties de l’Allemagne. Il y en a de plusieurs especes. Le gros ou groschen de Saxe fait quatre dreyers, & il faut 24 groschen pour faire un écu d’Empire, qui vaut environ 3 liv. 15 s. argent de France. Le groschen ou gros impérial vaut 3 kreutzers ; il en faut 30 pour faire un écu d’Empire. Le gros appellé en allemand marien-groschen, est une monnoie d’argent usitée dans les duchés de Brunswik & de Lunebourg, dont il faut 36 pour faire un écu d’Empire. Cette monnoie a cours aussi dans les états du roi de Prusse. Le gros ou groschen de Pologne ne vaut qu’un kreutzer : il en faut 90 pour faire un écu d’Empire, ou 3 liv. 15 s. de France. Hubner, dictionnaire géographique. Voyez Kreutzer, &c.

GROSEILLE, s. f. fruit du groselier. Il y en a de rouges & de blanches. Voyez Groselier.

Groseille rouge, (Chimie, Pharmac. & Mat. med.) ce fruit contient un suc aigrelet fort agréable au goût & legerement parfumé, qui appartient à la classe des corps doux végétaux dont il occupe une division caractérisée par l’excès d’acide avec le citron, l’orange, l’épine-vinette, &c. Voyez Doux & Muqueux.

Le suc de groseille un peu rapproché par le feu, ou mêlé d’un peu de sucre, acquiert facilement la consistence de gelée : on en obtient une belle, tremblante, & de garde, en le mêlant au sucre à parties égales ; ensorte qu’on ne conçoit point comment on pourroit en préparer un sirop qui demanderoit qu’on employât une plus grande quantité de sucre, & que le mêlange restât cependant sous une consistence liquide. On peut donc avancer sans témérité que le sirop de groseille qu’on trouve au rang des compositions officinales dans plusieurs pharmacopées, est une préparation impossible, du moins si on employe le suc récent ; car l’on peut aisément préparer un sirop avec ce suc altéré par la fermentation acéteuse qui est la seule dont il soit susceptible. Voyez Muqueux & Vin. Mais alors on a un sirop de vinaigre plûtôt que de groseille. Voyez Vinaigre.

On peut employer l’acide de la groseille comme celui de l’épine-vinette à saturer les alkalis terreux, tels que le corail, les yeux d’écrevisse, &c. Voyez Corail, voyez aussi Yeux d’écrevisse.

On prépare un rob avec ce suc, mais on le conserve plus ordinairement sous la forme de gelée. Voyez Rob & Gelée.

Ce suc étendu de trois ou quatre parties d’eau & édulcoré avec suffisante quantité de sucre, est connu sous le nom d’eau de groseille. Le goût agréable de cette boisson l’a fait passer de la boutique de l’apotiquaire à celle du limonadier : comme la gelée a cessé bien-tôt d’être un remede officinal pour devenir une confiture très-agréable qu’on sert journellement sur les meilleures tables, & dont les bons bourgeois du vieux tems font seuls un remede domestique.

Cette gelée est un excellent analeptique ; elle convient très-bien dans les convalescences des maladies aiguës, & sur-tout après les fiévres putrides & bilieuses ; elle fournit un aliment leger, tempérant, & véritablement rafraîchissant. Voyez Tempérant & Rafraîchissant.

L’eau de groseille prise à grandes doses est rafraîchissante & humectante ; elle convient dans les chaleurs d’entrailles, les coliques bilieuses & néphrétitiques, certaines diarrhées (voyez Diarrhée), les digestions fongueuses, & toutes les autres incommodités comprises sous le nom général d’échauffement. Voyez Echauffement. Cette boisson est absolument analogue avec la limonade. Voyez Citron & Limonade. On peut la donner pour boisson ordinaire dans certaines fievres ardentes & putrides ; mais dans ce cas, il faut la faire très-legere, & l’employer avec beaucoup de circonspection, principalement lorsqu’on craint l’inflammation des visceres du bas-ventre.

Il ne faut point donner de l’eau de groseille aux personnes qui ont l’estomac foible, facile à être agacé, ni à ceux qui sont sujets aux rhumes, à la toux, & qui ont la poitrine délicate ; car selon une observation constante, les acides affectent particulierement ces organes, & excitent la toux tant pectorale que stomacale.

Geoffroy rapporte, d’après Hanneman cité par Donat, lib. II. Medic. septentrions. que l’usage trop continué des groseilles a causé la consomption ; & d’après George Hannæus, qu’un homme étoit attaqué de l’enchifrenement aussi-tôt qu’il avoit avalé deux grappes de groseilles rouges. (b)

GROSEILLIER-ÉPINEUX, s. m. (Botaniq.) bas arbrisseau dont toutes les tiges sont armées d’épines, & qui portent des baies séparées les unes des autres ; ce genre de plante renferme sous deux especes générales, l’une sauvage, qui vient parmi les buissons dans la campagne, ou en forme de haies : & l’autre cultivée dans un grand nombre de jardins. Ces deux especes générales contiennent en outre plusieurs especes particulieres ; mais il suffira de caractériser la plante.

Ses feuilles sont laciniées ou déchiquetées ; ses fleurs sont à cinq pétales ; toute la plante est garnie d’épines ; le fruit croît épars sur l’arbre, qui n’a d’ordinaire sur chaque bouton de ses tiges qu’un seul fruit, lequel est d’une figure ovalaire ou sphérique, renfermant plusieurs petites graines environnées d’une pulpe molle.

Ses noms botaniques sont grossularia ou uva, crispa, Park. théat. 1560. Ger. 1. 143. J. B. 147. Raii, hist. 1484. grossularia simplici acino, spinosa sylvestris, C. B. P. 455. Tourn. inst. 639. Boerh. ind. alt. 2. 153. En françois le groseillier-blanc-épineux, dont le fruit s’appelle groseille-blanche-épineuse, en anglois, the goose-berry tree.

Cet arbrisseau est haut de deux coudées & plus ; sa racine est ligneuse, garnie de quelques fibres ; ses tiges sont nombreuses, & se partagent en plusieurs rameaux ; son écorce est purpurine dans les vieilles branches, blanchâtre dans les jeunes ; son bois est de couleur de boüis pâle ; il est garni de longues & fortes épines près de l’origine des feuilles ; quelquefois les épines sont seules à seules ; d’autres fois elles sont deux à deux, ou trois à trois.

Ses feuilles sont larges d’un doigt, quelquefois arrondies, legerement découpées, semblables en quelque façon à celles de la vigne, d’un verd foncé, luisantes en-dessus, d’un verd plus clair en-dessous, molles, un peu velues, acidules, & portées sur de courtes queues.

Ses fleurs sont petites, d’une odeur suave, mais un peu forte ; elles naissent plusieurs ensemble du même