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dix-huit à vingt ans, qui rendoit ses urines par l’ombilic alongé de quatre travers de doigt, & semblable à la crête d’un coq-d’inde. L’examen des parties inférieures fit reconnoître que cette maladie avoit été occasionnée dès la premiere conformation, par l’imperforation du méat urinaire. L’orifice de l’urethre étoit bouchée par une membrane fort mince : Cabrol l’ayant ouverte, l’urine sortit par la voie naturelle ; il fit la ligature de l’excroissance du nombril, & en douze jours la malade fut parfaitement guérie. Nous avons rapporté à la fin de l’article Boutonniere, la cure d’une fistule urinaire, commune à la vessie & à l’urethre.

La fistule au perinée est un ulcere au canal de l’urethre & à la peau qui le recouvre, qui donne issue à l’urine.

Les plaies faites pour l’extraction de la pierre, restent quelquefois fistuleuses par la mauvaise disposition du malade, qui tombe dans une maigreur extrème : l’embonpoint renaissant, ces fistules se consolident facilement ; quelquefois elles viennent de la mauvaise méthode de panser, lorsqu’on se sert indiscretement des bourdonnets, tentes, cannules, & d’autres dilatans. Voyez Bourdonnet. Si la fistule vient de cette cause, elle n’est entretenue que par des chairs calleuses : on la guérira en consommant ces duretés contre nature, par l’usage des trochisques de minium ou de quelque autre escarrotique.

La cause la plus fréquente des fistules au perinée, sont les dépôts gangreneux produits par la rétention des urines, à l’occasion des carnosités de l’urethre. Voyez Carnosité & Rétention d’urine.

Les fistules urinaires ne se font pas seulement au perinée, par la cause que nous venons de citer : la crevasse qui se fait à l’urethre entre l’obstacle & la vessie, laisse passer l’urine qui inonde le tissu cellulaire ; elle produit des abcès gangréneux en différens endroits, au perinée, au scrotum, dans les aines, vers les cuisses, & quelquefois vers le haut jusqu’au-dessus de l’ombilic. On est obligé de faire l’ouverture de toutes ces tumeurs qui restent fistuleuses. On voit beaucoup de malades qui ont échappé au danger d’un pareil accident, & dont l’urine bouillonne par toutes ces issues toutes les fois qu’ils pissent. Le point essentiel pour la guérison de toutes ces fistules, est de procurer un cours libre à l’urine par une seule issue ; soit en rétablissant le conduit naturel dans ses fonctions, ce qu’on peut obtenir de l’usage méthodique des bougies appropriées au cas, voyez Bougie & Carnosité ; soit en faisant une incision au périnée, pour porter une cannule dans la vessie, afin que l’urine sorte directement, & cesse de passer par tous les sinus fistuleux. Voyez Boutonniere.

Le premier parti est le plus doux ; il est par conséquent préférable, si la disposition des fistules permet qu’on réussisse par cette voie au moins ne prendra-t-on pas pour modele de la conduite qu’on doit tenir en pareil cas, ces observations qui représentent un chirurgien occupé de l’ouverture de chaque sinus ; qui exposent comme une belle opération, d’avoir disséqué beaucoup de parties, & d’avoir sacrifié le ligament suspenseur à la recherche de l’ouverture du canal de l’urethre, par laquelle l’urine s’étoit fait jour. Dès que, suivant le principe général qui doit servir de guide dans le traitement de toute fistule formée par la perforation d’un conduit excréteur, on aura procuré dans ce cas-ci une voie unique pour la sortie de l’urine, toutes les fistules qui n’étoient entretenues que par le passage contre nature de cette liqueur, se guériront presque d’elles-mêmes. Les callosités, s’il y en a, ne sont qu’accidentelles & n’empêchent pas la consolidation des sinus. On a même des exemples, que des malades déterminés à porter toute leur vie une cannule au périnée, l’ayant ôtée

parce qu’elle les incommodoit en s’asseyant, ont éprouvé que l’urine qui coula d’abord en partie par la fistule, & en partie par la verge, n’a plus passé enfin que par la voie naturelle ; parce que la fistule s’est resserrée peu-à-peu d’elle-même, & que le conduit artificiel s’est enfin oblitéré sans aucun secours.

On a des exemples de fistules de l’abdomen à la région du foie, par l’ouverture de la vésicule du fiel adhérente au péritoine. Ces fistules ne sont curables que par le rétablissement du cours de la bile, par le canal qui la dépose dans l’intestin duodenum. Si les pierres formées dans la vésicule du fiel empêchent la bile de couler, on peut en faire l’extraction. Voy. sur cette opération, le mémoire de M. Petit, sur les tumeurs de la vésicule du fiel, dans le premier volume de l’académie royale de Chirurgie.

Le second genre de fistules que j’ai établi par rapport à leurs causes, comprend celles qui sont formées ou entretenues par la présence d’un corps étranger : telles sont les balles de mousquet & les morceaux d’habits qu’elles poussent devant elles ; enfin tous les corps venus du dehors, ou bien une esquille, une portion d’os carié, de membrane, ou d’aponévrose, qui doivent se détacher. V. Corps étranger, Carie, Exfoliation. Toutes ces choses en séjournant contre l’ordre naturel dans le fond d’une plaie ou d’un ulcere, entretiennent des chairs molles & fongueuses ; elles fournissent une humidité sanieuse, qui empêche la consolidation extérieure & qui forme la fistule. Si l’ulcere fistuleux vient à se cicatriser extérieurement, ce n’est que pour un tems, la matiere forme des dépôts par son accumulation, & l’ouverture de ces sortes d’abcès conduit souvent le chirurgien au foyer de la tumeur, où il découvre la cause de la durée de la maladie. On ne guérira jamais les fistules produites par la présence d’un corps étranger quelconque, qu’en faisant l’extraction de ce corps ; il ne peut pas y avoir d’autre indication. Pour la remplir il faut faire les incisions convenables, ou des contre-ouvertures, dont on ne peut déterminer généralement la direction & l’étendue par aucun précepte. On sent que ces incisions sont soûmises à autant de différences, qu’il y a d’especes de fistules sous ce genre, & qu’elles exigent beaucoup d’habileté de la part du chirurgien ; un jugement sain qui lui fasse discerner la voie la plus convenable, & une grande présence des connoissances anatomiques, pour pénétrer dans le fond de ces fistules à-travers des parties délicates qu’il faut ménager. C’est dans ces cas que l’habitude ne peut conduire la main ; les hommes qui n’ont pour tout mérite que de savoir marcher dans les routes qui leur ont été frayées, sont ici d’une foible ressource ; la routine qu’ils honorent du nom d’expérience, ne peut que les rendre hardis, & conséquemment fort dangereux dans les conjonctures délicates, où le jugement & le savoir doivent guider la main.

Sous le troisieme genre de fistules, sont comprises celles qui sont produites par des chairs fongueuses, dures, & calleuses, que le séjour du pus a rendu telles, comme dans les fistules à l’anus ; ou que la négligence, le mauvais traitement, l’usage des bourdonnets entassés les uns sur les autres, ont fait naître dans l’ulcere : en général ces sortes de fistules se guérissent par l’extirpation des callosités, ou avec l’instrument tranchant, ou par l’application des remedes caustiques.

La fistule à l’anus est un ulcere dont l’entrée est étroite, situé près de la marge du fondement, avec issue d’un pus fétide, & presque toûjours accompagné de callosités. Cette fistule est toûjours la suite d’un abcès plus ou moins considérable dans le tissu graisseux qui avoisine l’intestin rectum.

Les causes de l’abcès qui produit la fistule, sont