L’Encyclopédie/1re édition/BOUTONNIERE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 385-386).
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* BOUTONNIERE, s. f. (Tailleur & Couturiere.) ce sont des ouvertures longues & étroites, pratiquées par les Tailleurs à tous les endroits de nos vêtemens, d’homme sur-tout, où l’on veut avoir la commodité de les ouvrir & de les fermer par le moyen des boutons. Le bouton est à droite, & la boutonniere est à gauche. Le bouton est dessus le bord du vêtement, & il entre dans la boutonniere par-dessous. La boutonniere est faite ou de soie, ou de fil, ou de fil d’or & d’argent, selon la richesse ou la simplicité de l’habillement. Ses côtés sont bordés d’une espece de tissu fort, étroit, & un peu rélevé, que le tailleur forme à l’aiguille ; & les extrémités sont contenues par deux brides.

Il y a des boutonnieres ouvertes, & ce sont celles dont nous venons de parler. Il y en a de fermées, & ce sont celles qu’on place dans des endroits où elles étoient autrefois d’usage, & où la boutonniere & le bouton ne sont plus que d’ornement.

Les boutonnieres prennent chez les Tailleurs & les Couturieres, différens noms relatifs à la façon de la boutonniere.

Boutonniere, terme de Chirurgie, incision qu’on fait au périnée, pour pénetrer dans la vessie & y placer une cannule qui puisse donner issue aux matieres qui y sont contenues.

Cette opération est nécessaire pour procurer le cours des urines, des graviers, & du pus ; par son moyen on fait commodément des injections dans une vessie graveleuse ou ulcérée : elle a lieu dans certaines rétentions d’urine qui viennent des fongus de la vessie ; ce sont des excroissances charnues qui bouchent l’orifice interne de la vessie, & qui empêchent que la contraction de ce viscere agisse sur l’urine contenue.

Pour faire cette opération, on place le malade comme pour lui faire l’opération de la taille ; on prend une sonde cannelée (voyez Catheter) ; on l’insinue doucement dans la vessie (voyez Cathétérisme) ; un aide monté sur une chaise ou un tabouret, placé au côté droit du malade, souleve les bourses, & applique ses doigts indicateurs parallelement le long du périnée à chaque côté de l’urethre. L’opérateur, le genou droit en terre, tient avec fermeté de la main gauche le manche de la sonde, de façon qu’elle fasse un angle droit avec le corps du malade. Il fait faire, autant qu’il est possible, une saillie au périnée avec la courbure de la sonde, à côté du raphé, entre les deux doigts index de l’aide-chirurgien. L’opérateur doit appuyer pour un moment le bec de sa sonde sur le rectum, pour bien remarquer au-dessus de l’anus jusqu’à quel endroit il pourra continuer l’incision. Il prend alors un lythotome ou bistouri, qu’il tient de la main droite comme une plume à écrire ; il porte la pointe de l’instrument dans la cannelure de la sonde, au-dessous des bourses ; il perce les tégumens & l’urethre au côté gauche du raphé, & il continue son incision inférieurement jusqu’au point qu’il a remarqué au-dessus de l’anus, en se gardant de passer outre, de crainte d’intéresser l’intestin. Dès que l’incision est faite, l’opérateur retire le lythotome, & prend un gorgeret dont il porte le bec dans la cannelure de la sonde, sur laquelle il le fait couler jusque dans la vessie. Il retire la sonde, prend le manche du gorgeret avec la main gauche, & de la droite il conduit une cannule arrivée dans la vessie à la faveur du gorgeret, qu’il retire ensuite en lui faisant faire un demi-tour sur la cannule ; de façon qu’en le retirant, son dos ou surface convexe regarde l’angle supérieur de la plaie, qu’on panse avec de la charpie seche, qu’il faut soûtenir avec des compresses & un bandage contentif, qui ne gêne point la sortie de l’urine. Il ne differe point de l’appareil de la lythotomie. Voyez Lythotomie.

L’objet de la Chirurgie est de guérir & non d’opérer : ainsi dès qu’on a fait la boutonniere au périnée, on n’a rempli qu’un des points du traitement, & le malade se trouve simplement dans une disposition favorable pour recevoir les secours qu’un Chirurgien intelligent doit lui procurer. Cette opération permet l’issue aux matieres graveleuses, dont il faut aider la sortie par des injections, & dont il faut quelquefois faire l’extraction lorsqu’il se trouve des petites pierres, dont le volume sera d’un diametre plus grand que celui des ouvertures latérales de l’extrémité antérieure de la cannule. V. Cannule. Les injections doivent être appropriées à la nature & à l’état de la maladie qui les exige, parce qu’il faut quelquefois mettre des fongus en suppuration ; tantôt mondifier une vessie malade, déterger ensuite les ulceres ; d’autres fois fortifier les fibres qui ont perdu leur ressort, &c. Lorsqu’on sera parvenu à rétablir les choses dans l’état naturel, par l’usage successif ou combiné des différens moyens qui seront indiqués, on supprime la cannule, & on met dans l’urethre une sonde creuse ou cannelée, courbée en S (voy. Algalie) par laquelle les urines couleront d’abord en partie : à mesure que la plaie se resserrera, les urines ne prendront point d’autre route pour s’écouler ; & la plaie n’étant plus mouillée par les urines, elle se réunira bientôt.

L’administration des remedes doit être variée, & n’est pas, comme on voit, moins soûmise aux indications dans le traitement des maladies chirurgicales, que dans celui des maladies internes : le manuel chirurgical même doit être différent, suivant les circonstances qui se présentent. On sait que l’art d’opérer, dépouillé de tout rapport à la guérison des maladies, & considéré simplement en lui-même, demande des connoissances anatomiques très-exactes : mais elles ne suffisent point à un Chirurgien. La structure de la partie ne lui montre point de routes nouvelles pour diriger ses opérations : l’usage des parties & le méchanisme par lequel elles exécutent leurs fonctions, sont absolument nécessaires à savoir, pour qu’on puisse juger sainement de la maladie, qui consiste dans la lésion des fonctions. C’est sur ces connoissances physiologiques & pathologiques, qui suffisent à un habile homme dans l’autre branche de l’art de guérir, & qui dans la Chirurgie doivent être soûtenues de la connoissance exacte de la structure, du volume, de l’étendue, des attaches des parties, & de leurs différens rapports à celles qui les environnent, qu’on sait se tracer & qu’on suit avec toute la certitude possible des voies d’opérer, qui ne sont point déterminées par les préceptes. Dans l’opération de la boutonniere, l’incision est commune aux tégumens & à l’urethre ; cependant des circonstances particulieres demandent qu’on étende & qu’on dirige différemment la section des parties. Il survint à un homme de quarante-cinq ans, par une rétention totale d’urine, une tumeur au périnée qui s’étendoit dans les bourses, dans les aines, sous la peau qui couvre le pubis & la verge. Le progrès en fut si rapide, qu’en deux fois vingt-quatre heures il survint une suppuration gangréneuse. On ouvrit en plusieurs endroits du périnée, des bourses, & des aines ; les parties se dégorgerent, les urines coulerent en abondance, les lambeaux gangréneux se détacherent ; on parvint enfin à guérir toutes ces plaies, excepté une du périnée qui resta fistuleuse, & par laquelle les urines couloient involontairement. Le malade avoit dejà souffert l’opération de la boutonniere sans succès, lorsqu’il se confia à M. Petit. Je supprime ici le detail des complications & des traitemens préliminaire, que ce grand praticien mit en usage, pour me restraindre à l’opération. M. Petit jugea par la sortie continuelle & involontaire des urines, que l’orifice interne de la fistule étoit au-delà du sphincter de la vessie, parce que quand le trou d’une fistule est en-deçà du sphincter, l’urine ne peut sortir par la fistule qu’après être entrée dans l’urethre, & elle n’y entre que par les efforts que le malade fait lorsqu’il veut uriner. Ce malade, au contraire, sans être averti du besoin d’uriner, & sans faire aucun effort, rendoit presque toutes ses urines par le trou de la fistule sans en rendre par la verge ; ou s’il en rendoit, c’étoit toûjours volontairement, & quand il étoit excité par le résidu des urines ; car le trou de la fistule étoit si petit, que malgré l’écoulement involontaire & continuel des urines, sa vessie se remplissoit une ou deux fois par jour ; de sorte qu’à chaque fois il rendoit un verre d’urine & à plein canal, sur-tout lorsqu’avec le doigt il bouchoit le trou de la fistule près le bord de l’anus. Sur ces observations, M. Petit jugea que le trou interne de la fistule étant au-delà du sphincter de la vessie, il falloit que l’incision s’étendit jusque-là ; & que l’opération faite à ce malade par les Chirurgiens de sa province, avoit été infructueuse, parce que le trou interne de la fistule n’avoit point été compris dans l’incision. Pour guérir radicalement le malade, M. Petit, après avoir fait l’incision comme nous l’avons décrite, la continua en coulant son bistouri le long de la cannelure de la sonde, & la porta jusqu’au-delà du col de la vessie, pour fendre le sinus fistuleux dans toute son étendue : il mit une cannule, & réussit comme il l’avoit solidement conçû, à guérir le malade. Cette observation est insérée dans le 1er volume des Mem. de l’acad. royale de Chirurgie.

A l’occasion des opérations qui conviennent au périnée & à la vessie, indépendamment de la lythotomie, voy. Fistule au périnée & Rétention d’urine. (L)

Boutonniere ; on donne en général ce nom à toute piece de bois de layeterie d’environ sept pouces de long, cinq de large, & quatre de haut.