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Le puits dans lequel doivent être montés les pompes, les bois pour garnir les parois, & ceux pour soûtenir & entretenir les pompes, y compris la main-d’œuvre, a coûté environ vingt-cinq mille livres, ci 25000

Total 55000 liv.

On observe que la dépense d’une semblable machine à feu, paroit coûter environ cinquante-cinq mille livres, & c’est suivant que le puits est plus ou moins profond, & que la nature du terrein peut permettre de creuser le puits de la profondeur proposée.

Le jeu de cette machine est très-extraordinaire, & s’il falloit ajoûter foi au système de Descartes, qui regarde les machines comme des animaux, il faudroit convenir que l’homme auroit imité de fort près le Créateur, dans la construction de la pompe à feu, qui doit être aux yeux de tout cartésien conséquent, une espece d’animal vivant, aspirant, agissant, se mouvant de lui-même par le moyen de l’air, & tant qu’il y a de la chaleur.

Feu, (Chimie.) Le chimiste, du moins le chimiste Stahlien, considere le feu sous deux aspects bien différens.

Premierement, comme un des matériaux ou principes de la composition des corps ; car, selon la doctrine de Stahl bien résumée, le principe que les Chimistes ont designé par les noms de soufre, principe sulphureux, soufre principe, principe huileux, principe inflammable, terre inflammable & colorante, & par quelques autres noms moins connus, que nous rapporterons ailleurs, voyez Phlogistique ; ce principe, dis-je, n’est autre chose que le feu même, qu’une substance particuliere, pure & élémentaire, la vraie matiere, l’être propre du feu, le feu de Démocrite & de quelques physiciens modernes.

Stahl a designé cette matiere par le mot grec phlogiston, qui signifie combustible, inflammable ; expression que nous avons traduite par celle de phlogistique, qui est devenue technique, & qui n’est pour nous, malgré sa signification littérale, qu’une de ces dénominations indéterminées qu’on doit toûjours sagement donner aux substances, sur l’essence desquelles regnent diverses opinions très-opposées : or les dogmes de Becher & de Stahl, sur le principe du feu, qui paroissent démontrables à quelques chimistes, sont au contraire, pour quelques autres & pour un certain ordre de physiciens, incompréhensibles & absolument paradoxes, & par conséquent faux ; conséquence que les premiers trouveront, pour l’observer en passant, aussi peu modeste que légitime. Quoi qu’il en soit, ce sera sous ce nom de phlogistique que nous traiterons du principe de la composition des corps, que nous croyons être le feu. Voyez Phlogistique.

Les phenomenes de la combustion, de la calcination, de la réduction, de la détonation, en un mot, de tous les moyens chimiques, dans lesquels le feu combiné éprouve quelque changement chimique ; tous ces phénomenes, dis-je, appartiennent au feu, considéré sous ce premier point de vûe. Voyez Combustion, Calcination, Détonation, Réduction, Phlogistique.

Secondement, les Chimistes considerent le feu comme principe de la chaleur. Le mot feu, pris dans ce sens, est absolument synonyme dans le langage chimique, à celui de chaleur. Ainsi nous disons indifféremment le degré de chaleur de l’eau bouillante, ou le degré de feu de l’eau bouillante.

Nous avons dit ailleurs (article Chimie, pag. 414. col. 2.) que le feu, considéré comme principe de la chaleur, étoit un instrument ou agent universel que le chimiste employoit dans l’opération de l’art, ou

dont il contemploit les effets dans le laboratoire de la nature. Nous allons nous occuper dans cet article de ses effets chimiques, dirigés par l’art.

Toutes les opérations chimiques s’exécutent par deux agens généraux, la chaleur & les menstrues. Mais cette derniere cause elle-même, quelque générale & essentielle que soit son influence dans les changemens chimiques, est entierement subordonnée à la chaleur, puisque le feu produit absolument & indépendamment du concours de tout autre agent, un grand nombre de changemens chimiques, au lieu que l’action des menstrues suppose nécessairement la chaleur (voyez l’article Chimie, pag. 417. col. 2. le mot Menstrue, & la suite de cet article) ; ensorte que le feu doit être regardé comme le moyen premier & universel de la chimie pratique. Aussi le feu a-t-il mérité de donner son nom à l’art ; la Chimie s’appelle dès long-tems pyrotechnie, l’art du feu.

Les Chimistes ont exalté les propriétés du feu avec un enthousiasme également digne du sujet & de l’art. Le passage de Vigenere, cité à l’article Chimie, pag. 422. col. 1. est sur-tout remarquable à cet égard.

Un célebre chimiste de nos jours, l’illustre M. Pott, fait cet éloge magnifique du feu, dans son traité du feu & de la lumiere. « La dignité & l’excellence de cet être, dit M. Pott, est publiée dans l’Ecriture-sainte, où Dieu même se fait appeller du nom de la lumiere ou du feu, quand il y est dit, que Dieu est une lumiere, qu’il demeure dans la lumiere, que la lumiere est son habit...... que Dieu est un feu dévorant, qu’il fait ses anges de flamme de feu, &c. » Le feu est appellé dans la même dissertation le vicaire ou le lieutenant de Dieu dans la nature, c’est-à-dire, comme on l’a sagement exprimé dans la traduction françoise, le premier instrument que Dieu met en œuvre dans la nature. Vanhelmont avoit déjà fait honneur au feu, de l’image sublime tracée par David (ps. 18.), en représentant le souverain moteur de la nature, comme ayant posé son tabernacle dans le Soleil. Vanhelmont, formarum ortus, §. 38.

D’un autre côté, c’est principalement sur les changemens opérés par le feu dans les sujets chimiques, que les détracteurs de la Chimie, soit philosophes, soit medecins, ont fondé leurs déclamations contre cette science. Ils ont prétendu que le feu bouleversoit, confondoit, dénaturoit la composition intérieure dans les corps ; qu’il dissipoit, détruisoit, anéantissoit leurs principes naturels ou hypostatiques ; que ceux qu’il manifestoit étoient ses ouvrages, ses créatures, &c. &c. &c. Ces imputations sont exactement évaluées dans plusieurs articles de ce Dictionnaire, & nous les croyons sur-tout solidement réfutées par les notions claires & positives sur l’action du feu, que nous croyons avoir exposée dans les différens articles où il s’agit des effets de ce premier agent, voy. Chimie, pag. 417. 418. & Cendre ; voy. aussi Menstrue, Menstruelle, Analyse, Substances animales, Végétal, & les articles de plusieurs opérations dont nous allons donner la liste sous le titre suivant, & particulierement dans celui-ci.

Usage chimique du feu ou de la chaleur. Le feu est employé par le chimiste dans les distillations, les sublimations, les évaporations, les dessications, l’espece de grillage que nous appellons en latin difflatio, les liquefactions, les fusions, les précipitations par la fonte, les liquations, les dissolutions, les digestions, les cémentations, & même les fermentations. Il faut remarquer que le principe igné, le phlogistique n’éprouve dans aucune de ces opérations ni combinaison ni précipitation.

La façon d’appliquer le feu aux différens sujets de toutes ces opérations, & la théorie de son action