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On a déjà dit que la lumiere de la lune ne produisoit aucune chaleur, étant rassemblée au foyer d’un miroir ardent. Suivant le calcul de M. Bouguer, la lumiere de la lune dans son plein est 3000000 fois moins dense que celle du soleil : or la lumiere du soleil rassemblée au foyer du miroir du jardin du Roi, n’est que 300 fois environ plus dense qu’auparavant : ainsi la lumiere de la lune rassemblée au foyer est encore 1000 fois moins dense que la lumiere directe du soleil. Faut-il s’étonner qu’elle ne produise aucune chaleur ?

On rassemble le feu dans les corps en les laissant pourrir & fermenter en plein air ; on le voit par les cadavres des animaux, qui s’échauffent & se corrompent. Le foin humide que l’on entasse s’échauffe aussi & même s’enflamme, &c. les raisons physiques de ces faits sont inconnues. Enfin on peut exciter le feu par le mélange de différens fluides, par exemple, de l’esprit de nitre avec le sel des plantes. Voyez Effervescence & Fermentation ; & sur les raisons bonnes ou mauvaises qu’on a données de ce phénomene, voyez Attraction.

On a vû au mot Digesteur l’effet que produit sur les corps durs, tels que les os des animaux, la vapeur de l’eau élevée par le feu ; on a vû aussi au mot Éolypile, l’effet du feu sur l’eau renfermée dans cet instrument.

Nous ajoûterons à ce qui a été dit dans cet article, que si on met l’éolypile sur des charbons ardens, comme il est représenté dans la fig. 28. de Phys. la compression de la vapeur sur l’eau qui est contenue dans l’éolypile, fait sortir l’eau du tuyau BC, sous la forme d’une fontaine, jusqu’à la hauteur de vingt piés : au contraire, si on retourne l’éolypile (toûjours rempli d’eau & placé sur le feu), en sorte que la partie A soit dessous, & par conséquent dans une situation opposée à celle qui est représentée dans la figure, alors il ne sort plus d’eau en forme de jet, mais la vapeur sort, comme nous l’avons dit, avec bruit, & en formant un vent violent.

Enfin nous avons parlé dans l’article Eau, des effets du feu dans les machines hydrauliques pour élever l’eau. Voyez aussi Pompe, Machine hydraulique, & à l’art. suivant, l’explication de la pompe à feu.

Je me contenterai d’exposer ici l’effet du feu pour élever de l’eau dans une machine assez simple, dont M. Musschenbroek fait la description dans son Essai de Physiq. paragr. 872. A, fig. 22 Pneumat. est un vase posé sur un fourneau DE, dont les ouvertures f, f, f, sont pour laisser échapper la fumée : ce vase est rempli d’eau jusqu’au robinet B ; en sorte que depuis B jusqu’à A il est vuide : le feu étant allumé, la vapeur de l’eau monte par le tuyau GG, & de-là dans le vase H, en supposant que l’on tourne le robinet Y, qui forme ou ferme la communication entre GG & H ; cette vapeur chasse l’air de tout l’espace HIMKOO : fermons ensuite le robinet Y, alors la soupape qui est en N, & qui s’ouvre de bas en haut, n’est plus pressée par l’air supérieur que le tuyau OO contenoit auparavant ; & l’air extérieur pesant sur la surface de l’eau R, le fait monter par le tuyau RN ; elle ouvre la soupape N, & remplit l’espace NKMIH ; qu’on ouvre alors une seconde fois le robinet Y, une nouvelle vapeur rentrera dans H, pressera l’eau, & la fera monter par la soupape M (qui s’ouvre aussi de bas en haut), dans le tuyau OO ; elle remplira le bacquet F, d’où elle retombera par le tuyau TR. Voy. un plus grand détail dans l’endroit cité de M. Musschenbroek.

Au reste, en renvoyant à l’article suivant, & à Machines hydrauliques, pour le détail & l’explication de la pompe à feu, nous ne pouvons trop nous presser d’observer que cette idée appartient

primitivement aux François. En 1695, M. Papin proposa dans un petit ouvrage qu’il publia, la construction d’une nouvelle pompe, dont les pistons seroient mis en mouvement par la vapeur de l’eau bouillante, alternativement condensée & raréfiée. Cette idée fut exécutée en 1705 par M. Dalesme, de l’académie des Sciences. Voyez l’histoire de cette année-là, p. 137. enfin les Anglois l’exécuterent en grand. C’est par le moyen de cette machine qu’on dessécha les mines de Condé en Flandres ; les Anglois s’en servent aussi dans leurs mines de charbon ; mais ils ne s’en servent plus pour élever les eaux de la Tamise, & cela par deux raisons, parce qu’elle consume trop de matiere, & qu’elle enfume toute la ville.

De l’aliment du feu. On appelle ainsi les corps qui servent à augmenter ou à entretenir le feu, & qui diminuant par son action s’évaporent insensiblement, comme les huiles que l’on tire ou de la terre, ou des végétaux, ou des animaux, ou de certains fluides. Voyez Huile, Phosphore, & sur-tout ce dernier article, où l’on trouvera les propriétés des corps qu’on appelle de ce nom, & qui contiennent en plus grande abondance que les autres la matiere du feu.

L’eau, ni les sels, ni la terre pure, ne peuvent nourrir le feu. Lorsque le feu sépare du reste de la masse les autres parties les plus grossieres de cette nourriture, savoir les parties aqueuses, salines, & terrestres, & même quelques parties oléagineuses, elles s’échappent sous la forme de fumée ; & cette fumée attachée aux parois des cheminées, prend le nom de suie. Mais si les parties oléagineuses abondent dans la fumée, & se trouvent imprégnées de beaucoup de feu, alors la fumée se change en flamme. Voyez Flamme & Fumée. Nous renvoyons à ces articles, & sur-tout au premier, pour ne pas rendre celui-ci trop long.

Outre cette nourriture, pour ainsi dire terrestre, dont le feu a besoin pour se conserver, il est encore nécessaire que l’air y ait un accès libre, & que les parties grossieres de l’aliment, comme la fumée, soient détournées du feu. En effet, l’expérience prouve que le feu s’éteint très promptement dans la machine du vuide ; & d’autant plus vîte qu’on pompera l’air plus vîte, & que le récipient sera plus petit & mieux fermé. On voit aussi qu’un corps reste d’autant plus long-tems allumé, qu’il jette moins de fumée, comme cela se voit dans la meche & les charbons de tourbes. Le feu s’éteint aussi très-promptement dans de longs vaisseaux ouverts & d’un diametre peu considérable, quoique l’on ne pompe pas l’air qu’ils renferment. Le feu ordinaire brûle mieux en hyver qu’en été, parce l’air étant plus condensé par le froid, retient plus long-tems dans les corps ignés les particules qui sont l’aliment du feu : c’est aussi par cette raison que le soleil éteint un charbon de tourbe quand il y darde ses rayons avec force, parce que la chaleur du soleil raréfie l’air environnant. Au reste, il y a des corps qui n’ont pas besoin d’air pour brûler, comme le phosphore d’urine renfermé dans une phiole vuide d’air, l’esprit de nitre versé dans le vuide sur l’huile de carvi, le minium brûlé dans le vuide avec un verre ardent.

Voilà l’extrait des principaux faits que M. Musschenbroek a rassemblés sur le feu, dans son Essai de Physiq. & auquel nous avons ajoûté quelques réflexions. Il termine ces faits par l’explication de plusieurs questions sur les effets du feu ; mais ces explications nous ayant paru purement conjecturales, & pour la plûpart peu satisfaisantes & assez vagues, nous prenons le parti d’y renvoyer le lecteur, s’il en est curieux. Voyez aussi les articles Froid, Chaleur, &c.