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étrangere au feu, il est plus naturel de croire que l’augmentation de poids vient du feu même.

Au reste, il n’est pas inutile d’observer que de grands physiciens sont là-dessus peu d’accord entr’eux : Lemery & Homberg tiennent pour le poids, & Boerhaave le nie ; il prétend qu’ayant pesé une barre de fer embrasée, il ne l’a pas trouvée plus pesante ; mais, comme on l’a déjà insinué, cette barre en augmentant de volume par le feu, pourroit avoir autant perdu de poids par cette augmentation, qu’elle pouvoit en avoir gagné par la quantité de feu introduite dans ses pores ; ainsi cette expérience bien entendue seroit contre Boerhaave.

Le feu est-il un fluide, comme plusieurs physiciens le prétendent ? Il est certain qu’il a une des propriétés des fluides, la mobilité & la ténuité des parties ; mais les fluides ont d’autres propriétés qui ne les caractérisent pas moins, & qu’on n’a point encore reconnus dans le feu, comme la propriété de presser également en tous sens, celle de se mettre de niveau, &c. Voyez Fluide.

Au reste, après avoir examiné & comparé les différentes opinions des Philosophes sur la matiere du feu, ce qu’il en résulte de plus certain, ou du moins de plus vraissemblable, c’est que le feu est une matiere particuliere & présente dans tous les corps. Les expériences de l’électricité ne laissent presque aucun lieu d’en douter. Voyez Electricité, & plus bas Feu électrique.

Divers phénomenes physiques du feu. L’eau chaude se refroidit bien plus vite dans le vuide que dans l’air ; c’est le contraire du fer. M. Musschenbrock tente d’expliquer ce fait, en disant que l’eau manquant d’huile, & le fer au contraire en ayant beaucoup, il doit nourrir le feu plus long-tems que l’eau ; que de plus, le feu sort plus facilement de l’eau dans le vuide que dans l’air, au lieu qu’il sort plus difficilement du fer : explication que nous donnons pour ce qu’elle est.

Le bois luisant vermoulu, perd toute sa lumiere dans le vuide, & ne la reprend plus ; au contraire les mouches luisantes la perdent dans le vuide, & la reprennent à l’air.

Si on met dans un lieu spacieux plusieurs corps, tant solides que fluides de différente espece, & qu’on les y laisse pendant quelques heures sans donner aucune chaleur à l’endroit où ils sont, on trouvera par l’application du thermometre à ces corps, qu’ils sont tous devenus également chauds.

On observe que dans les maisons à plusieurs étages, l’étage supérieur est le plus chaud pendant le jour, & le plus froid pendant la nuit ; parce que le feu qui a pénétré l’étage supérieur pendant le jour, descend pendant la nuit aux étages inférieurs.

Les observations du thermometre que M. Cossigny a faites dans son voyage aux Indes orientales, nous apprennent que la chaleur n’avoit pas été plus grande en aucun endroit pendant ce voyage, que celle qui fut observée en même tems à Paris. M. Musschenbroek paroît porté à conclure de-là, que la chaleur de l’été est à-peu-près égale dans tous les pays ; on expliqueroit même ce phénomene en cas de besoin, par la plus longue ou la plus courte durée des jours qui compense le plus ou le moins d’obliquité des rayons du soleil. Sur quoi voyez Chaleur. Mais malheureusement le fait n’est pas vrai, & il est certain qu’il y a des pays, tel que le Sénégal & plusieurs autres, où il fait beaucoup plus chaud en été que dans nos climats. Voyez les mém. de l’Acad. de 1738.

Un même corps échauffé, appliqué sur un corps dur & dense, se refroidit beaucoup plus vîte qu’appliqué sur un corps mou & poreux, quoique le corps dur paroisse devenir moins chaud que le corps

mou ; il en est de même d’un corps chaud appliqué à des fluides de différente densité.

La main appliquée sur de la laine aussi chaude que du métal, trouve le métal plus froid, parce qu’elle le touche en un plus grand nombre de points. Voyez Froid, Dégel, & Glace.

Si on frote des corps durs & secs les uns contre les autres, ils s’échauffent & s’enflamment. Le seul frotement met le bois en feu ; c’est pour cela que des forêts entieres se consument lorsque les branches des arbres sont agitées par un vent violent. Le frotement produit quelquefois non-seulement de la chaleur, mais de la lumiere. Voyez Électricité & Feu électrique. Lorsque l’on bat un caillou en plein air avec un fusil d’acier, il en sort des étincelles brillantes & éclatantes, qui ne sont autre chose, du moins en grande partie, que des globules de métal fondu, puisque l’aimant les attire. Mais si l’on bat le caillou dans le vuide, les mêmes globules sortent sans faire d’étincelles, parce que l’huile qui est dans l’air ne prend pas flamme dans le vuide. Sur la nature des étincelles tirées de l’acier par la pierre à fusil, on peut voir un mém. de M. de Reaumur, dans le volume de l’Acad. pour l’année 1736.

On n’observe pas en général, que le frotement des fluides contre les corps solides, produise dans ces derniers du feu, ou même de la chaleur. On prétend cependant qu’un boulet de canon devient chaud en traversant l’air. Si ce fait est vrai, il me paroît difficile de l’attribuer à d’autres causes qu’au frotement, qu’éprouve le boulet en traversant l’air. En effet, cette chaleur ne pourroit guere venir, ni de la poudre qui s’enflamme & se dissipe trop vîte, ni du frotement du boulet contre les parois de la piece, qui n’est pas assez longue pour cet effet, & que le boulet parcourt d’ailleurs en trop peu de tems, ni des bonds que fait le boulet avant son repos, & qui par leur rapidité & leur peu de durée, ne paroissent guere propres à produire cet effet.

Les corps élastiques paroissent les plus propres à contenir ou à rassembler le feu ; c’est en partie pour cela que l’acier trempé est meilleur que le fer souple pour faire sortir d’un caillou des étincelles ; c’est aussi pour cette raison que les animaux les plus chauds sont ceux dont les vaisseaux ont beaucoup de solidité & d’élasticité.

Comme on ne peut guere douter ni que les corps ne contiennent du feu, ni qu’ils ne l’attirent, il y a apparence que les corps qu’on échauffe en les frotant, deviennent chauds, tant par le mouvement que ce frotement excite dans les parties du feu qu’ils contiennent, que par un nouveau feu qu’ils attirent dans leurs pores à l’aide du frotement. Si on enduit de quelque liqueur les corps que l’on frote, ils ne deviendront presque pas chauds, parce que l’on détruit par-là l’aspérité de leur surfaces, & par conséquent la vivacité du frotement.

Les corps blancs s’échauffent le plus difficilement, & les corps noirs le plus facilement ; parce que les corps blancs refléchissent plus de rayons que les autres, & que les noirs au contraire en absorbent plus que les autres. Voyez Couleur, Blancheur, Noir, &c. Cela est si vrai, que si on enduit de noir, ou qu’on fasse avec une matiere noire un miroir ardent concave, il ne brûlera plus, ou brûlera beaucoup moins qu’un autre. Dans les pays où la terre est blanche, l’air est beaucoup plus chaud, & la terre plus fraîche qu’ailleurs, parce que les rayons sont refléchis en plus grand nombre. Les miroirs ardens de reflexion brûlent mieux en hyver qu’en été, apparemment parce qu’en été les pores étant plus larges, absorbent plus de rayons. Voyez Miroir ardent, Verre, Lentille & Foyer.