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Le falun tiré après les premieres couches, est extrèmement blanc : les coquilles entieres qu’on y remarque, sont toutes placées horisontalement & sur le plat. D’où il est évident qu’on ne peut en expliquer l’amas par un mouvement violent & troublé, qui offriroit un spectacle d’irrégularités qu’on ne remarque point dans les falunieres.

Les bancs des falunieres ont des couches distinctes ; autre preuve que la faluniere est le résultat de plusieurs dépôts successifs, & qu’elle est l’ouvrage du séjour constant & durable d’une mer assise & tranquille, ou du moins se mouvant d’un mouvement très lent.

On y trouve les coquilles les plus communes du Poitou, comme les palourdes, lavignans, huîtres ; mais elles abondent aussi en especes inconnues sur les côtes ; telles que les meres-perles, la concha imbricata, des huîtres différentes des nôtres, la plûpart des coquilles contournées en spirales, soit rares, soit communes, des madrépores, des rétipores, des champignons de mer, &c.

Ces corps s’étant amassés successivement, & ayant séjournés un tems infini sous les eaux, ils ont eu celui de se diviser, & de former un massif uniforme, sans inégalité, sans vuide, sans rupture, &c. Voyez les mémoires & l’hist. de l’académie, année 1720.

FAMAGOUSTE, s. f. (Géog.) anciennement Arsinoë, ville de l’Asie, sur la côte orientale de l’île de Chypre, défendue par deux forts, & prise par les Turcs sur les Vénitiens en 1571, après un siége de dix mois, dont tous les historiens ont parlé. Voyez de Thou, liv. XLIX. le Pelletier, hist. de la guerre de Chypre, liv. III. Tavernier, voyage de Perse ; Justinian, hist. Vénet. &c. Elle est à 12 lieues nord-est de Nicosie. Long. 52d. 40′. lat. 35d. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FAME, (Jurisprud.) en style de Palais, est synonyme de réputation. On rétablit un homme en sa bonne fame & renommée, lorsqu’ayant été noté de quelque jugement qui emportoit ignominie, il parvient dans la suite à se purger des faits qui lui étoient imputés, & qu’on le remet dans tous ses honneurs. (A)

FAMILIARITÉ, (Morale.) c’est une liberté dans les discours & dans les manieres, qui suppose entre les hommes de la confiance & de l’égalité. Comme on n’a pas dans l’enfance de raison de se défier de son semblable, comme alors les distinctions de rang & d’état ou ne sont pas, ou sont imperceptibles, on n’apperçoit rien de contraint dans le commerce des enfans. Ils s’appuient sans crainte sur tout ce qui est homme : ils déposent leurs secrets dans les cœurs sensibles de leurs compagnons : ils laissent échapper leurs goûts, leurs espérances, leur caractere. Mais les compagnons deviennent concurrents, & enfin rivaux ; on ne court plus ensemble la même carriere ; on s’y rencontre, on s’y presse, on s’y heurte ; & bien-tôt on n’y marche plus qu’à couvert & avec précaution.

Mais ce sont sur-tout les distinctions de rangs & d’état, plus que la concurrence dans le chemin de la fortune, ou la rivalité dans les plaisirs, qui font disparoître dans l’âge mûr la familiarité du premier âge.

Elle reste toûjours dans le peuple : il la conserve même avec ses supérieurs, parce qu’alors par une sotte illusion de l’amour-propre, il croit s’égaler à eux. Le peuple ne cesse d’être familier que par défiance, & les grands que par la crainte de l’égalité. Ce qu’on appelle maintien, noblesse dans les manieres, dignité, représentation, sont des barrieres que les grands savent mettre entr’eux & l’humanité. Ils sont ennemis de la familiarité, & quelques-uns même la craignent avec leurs égaux. Les uns qui prétendent

à une considération qu’on ne peut accorder qu’à leur rang, & qu’on refuseroit à leur personne, s’élevent par leur état au-dessus de tout ce qui les entoure, à proportion qu’ils prétendent plus, & qu’ils méritent moins. D’autres qui ont cette dureté de cœur, qu’on n’a que trop souvent quand on n’a point eu besoin des hommes, gênent les sentimens qu’ils inspirent, parce qu’ils ne pourroient les rendre. Ils aiment mieux qu’on leur marque du respect & des égards, parce qu’ils rendront des procédés & des attentions. Ils sont à plaindre de peu sentir, mais à admirer s’ils sont justes.

Il y a dans tous les états des hommes modestes & vertueux, qui se couvrent toûjours de quelques nuages ; ils semblent qu’ils veulent dérober leurs vertus à la profanation des loüanges ; dans l’amitié même, ils ne se montrent pas, mais ils se laissent voir.

La familiarité est le charme le plus séduisant & le lien le plus doux de l’amitié : elle nous fait connoître à nous-mêmes ; elle développe les hommes à nos yeux ; c’est par elle que nous apprenons à traiter avec eux : elle donne de l’étendue & du ressort au caractere : elle lui assûre sa forme distinctive : elle aide un naturel aimable à sortir des entraves de la coûtume, & à mépriser les détails minutieux de l’usage : elle répand, sur tout ce que nous sommes, l’énergie & les graces (voyez Grace) : elle accélere la marche des talens, qui s’animent & s’éclairent par les conseils libres de l’amitié : elle perfectionne la raison, parce qu’elle en exerce les forces : elle nous fait rougir : elle nous guérit des petitesses de l’amour-propre : elle nous aide à nous relever de nos fautes : elle nous les rend utiles. Hé ! comment des ames vertueuses pourroient-elles regretter de frivoles démonstrations de respect, quand on les en dédommage par l’amour & par l’estime ? Voyez Egards.

FAMILIERS, s. m. pl. (Hist. mod.) nom que l’on donne en Espagne & en Portugal aux officiers de l’inquisition, dont la fonction est de faire arrêter les accusés. Il y a des grands, & d’autres personnes considérables, qui, à la honte de l’humanité, se font gloire de ce titre odieux, & vont même jusqu’à en exercer les fonctions. Voyez Inquisition. (G)

* FAMILISTES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) hérétiques qui eurent pour chef David-George Delft. Cette secte s’appella la famille d’amour ou de charité, & leur doctrine eut pour base deux principes qu’on ne peut trop recommander aux hommes en général ; c’est de s’aimer réciproquement, quelque différence qu’il puisse y avoir entre leurs sentimens sur la religion, & d’obéir à toutes les puissances temporelles, quelque tyranniques qu’elles soient. Delft se croyoit venu pour rétablir le royaume d’Israël : il faisoit assez peu de cas de Moyse, des Prophetes, & de Jesus-Christ : il prétendoit que le culte qu’ils avoient prêché sur la terre, étoit incapable de conduire les hommes à la béatitude ; que ce privilége étoit réservé à sa morale ; qu’il étoit le vrai messie ; & qu’il ne mourroit point, ou qu’il ressusciteroit : il eut des disciples qui ajoûterent à son système d’autres opinions de cette nature : ils soûtinrent que toutes les actions de l’impie sont nécessairement autant de péchés, & que les fautes sont remises à celui qui a recouvré l’amour de Dieu.

FAMILLE de courbes, s. f. (Géom.) Voyez l’article Courbe.

Famille, (Droit nat.) en latin, familia. Société domestique qui constitue le premier des états accessoires & naturels de l’homme.

En effet, une famille est une société civile, établie par la nature : cette société est la plus naturelle & la plus ancienne de toutes : elle sert de fondement à la société nationale ; car un peuple ou une nation, n’est qu’un composé de plusieurs familles.