L’Encyclopédie/1re édition/EGARDS

EGARDS, MENAGEMENT, ATTENTIONS, CIRCONSPECTION, synon. (Gramm.) ces mots désignent en général la retenue qu’on doit avoir dans ses procédés. Les égards sont l’effet de la justice ; les ménagemens, de l’intérêt ; les attentions, de la reconnoissance ou de l’amitié ; la circonspection, de la prudence. On doit avoir des égards pour les honnêtes gens, des ménagemens pour ceux de qui on a besoin, des attentions pour ses parens & ses amis, de la circonspection avec ceux avec qui l’on traite. Les ménagemens supposent dans ceux pour qui on les a, de la puissance ou de la foiblesse ; les égards, des qualités réelles ; les attentions, des liens qui les attachent à nous ; la circonspection, des motifs particuliers ou généraux de s’en défier. Voyez Considération.

Les égards réciproques que les hommes se doivent les uns aux autres, sont un des devoirs les plus indispensables de la société. Les hommes étant réellement tous égaux, quoique de conditions différentes, les égards qu’ils se doivent sont égaux aussi, quoique de différente espece. Les égards du supérieur, par exemple, envers son inférieur, consistent à ne jamais laisser appercevoir sa supériorité, ni donner lieu de croire qu’il s’en souvient : c’est en quoi consiste la véritable politesse des grands, la simplicité en doit être le caractere. Trop de démonstrations extérieures nuisent souvent à cette simplicité ; elles ont un air de faveur & de grace sur lequel l’inférieur ne se méprend pas, pour peu qu’il ait de finesse dans le sentiment ; il croit entendre le supérieur lui dire par toutes ces démonstrations : je suis fort au-dessus de vous, mais je veux bien l’oublier un moment, parce que je vous fais l’honneur de vous estimer, & que je suis d’ailleurs assez grand pour ne pas prendre avec vous tous mes avantages. La vraie politesse est franche, sans apprêt, sans étude, sans morgue, & part du sentiment intérieur de l’égalité naturelle ; elle est la vertu d’une ame simple, noble, & bien née : elle ne consiste réellement qu’à mettre à leur aise ceux avec qui l’on se trouve. La civilité est bien différente ; elle est pleine de procédés sans attachement, & d’attention sans estime : aussi ne faut-il jamais confondre la civilité & la politesse ; la premiere est assez commune, la seconde extrèmement rare ; on peut être très-civil sans être poli, & très-poli sans être civil. (O)