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du décroissement de la force ; correction qui la modifie peut-être à quelque distance qu’elle agisse, & qui fait de la loi des décroissemens une loi complexe, formée de deux ou même de plusieurs progressions différentes, tellement inégales dans leur marche, que la partie de la force qui suit la raison inverse des distances, surpasse incomparablement dans toutes les distances moyennes les forces reglées par les autres lois, dont l’effet sera insensible alors ; & qu’au contraire ces dernieres l’emportent dans les distances extrèmes, & peut-être aussi dans les extrèmes proximités ?

Les observations prouvent effectivement que la loi des condensations proportionnelles aux poids dont l’air est chargé, cesse d’avoir lieu dans les degrés extrèmes de compression & d’expansion. On peut consulter là-dessus les physiciens qui ont fait beaucoup d’expériences sur la compression de l’air, & ceux qui ont travaillé sur le rapport des hauteurs du barometre à la hauteur des montagnes. Voyez Air, Machine Pneumatique, & Barometre. On a de plus remarqué avec raison à l’article Atmosphere, que si les condensations de l’air étoient exactement proportionnelles aux poids qui le compriment, la hauteur de l’atmosphere devroit être infinie ; ce qui ne sauroit s’accorder avec les phénomenes. Voyez Atmosphere.

Quelle que soit la loi, suivant laquelle les parties d’un corps expansible se repoussent les unes les autres, c’est une suite de cette répulsion que ce corps forcé par la compression à occuper un espace moindre, se rétablisse dans son premier état, quand la compression cesse, avec une force égale à la force comprimante. Un corps expansible est donc élastique par cela même (voyez Elasticité), mais tout corps élastique n’est point pour cela expansible ; témoin une lame d’acier. L’élasticité est donc le genre. L’expansibilité & le ressort sont deux especes ; ce qui les caractérise essentiellement, c’est que le corps expansible tend toûjours à s’étendre, & n’est retenu que par des obstacles étrangers : le corps à ressort ne tend qu’à se rétablir dans un état déterminé ; la force comprimante est dans le premier un obstacle au mouvement, & dans l’autre un obstacle au repos. Je donne le nom de ressort à une espece particuliere d’élasticité, quoique les Physiciens ayent jusqu’ici employé ces deux mots indifféremment l’un pour l’autre, & qu’ils ayent dit également le ressort de l’air & l’élasticité d’un arc ; & je choisis pour nommer l’espece le mot de ressort, plus populaire que celui d’élasticité, quoiqu’en général, quand de deux mots jusque-là synonymes, on veut restraindre l’un à une signification particuliere, on doive faire attention à conserver au genre le nom dont l’usage est le plus commun, & à désigner l’espece par le mot scientifique. Voyez Synonymes. Mais dans cette occasion, il se trouve que le nom de ressort n’a jamais été donné par le peuple, qu’aux corps auxquels je veux en limiter l’application ; parce que le peuple ne connoît guere ni l’expansibilité ni l’élasticité de l’air : ensorte que les savans seuls ont ici confondu deux idées sous les mêmes dénominations. Or le mot d’élasticité est le plus familier aux savans.

Il est d’autant plus nécessaire de distinguer ces deux especes d’élasticité, qu’à la réserve d’un petit nombre d’effets, elles n’ont presque rien de commun, & que la confusion de deux choses aussi différentes, ne pourroit manquer d’engager les Physiciens qui voudroient chercher la cause de l’élasticité en général dans un labyrinthe d’erreurs & d’obscurités. En effet, l’expansibilité est produite par une cause qui tend à écarter les unes des autres les parties des corps ; dés-lors elle ne peut appartenir qu’à des corps actuellement fluides, & son action s’étend à toutes

les distances, sans pouvoir être bornée que par la cessation absolue de la cause qui l’a produite. Le ressort, au contraire, est l’effet d’une force qui tend à rapprocher les parties des corps, écartées les unes des autres ; il ne peut appartenir qu’à des corps durs ; & nous montrerons ailleurs qu’il est une suite nécessaire de la cause qui les constitue dans l’état de dureté. Voyez Glace, Induration, & Ressort. Par cela même que cette cause tend à rapprocher les parties des corps, la nature des choses établit pour borne de son action le contact de ces parties, & elle cesse de produire aucun effet sensible, précisément lorsqu’elle est la plus forte.

On pourroit pousser plus loin ce parallele ; mais il nous suffit d’avoir montré que l’expansibilité est une espece particuliere d’élasticité, qui n’a presque rien de commun avec le ressort. J’observerai seulement qu’il n’y a & ne peut y avoir dans la nature que ces deux especes d’élasticité ; parce que les parties d’un corps, considérées les unes par rapport aux autres, ne peuvent se rétablir dans leurs anciennes situations, qu’en s’approchant ou en s’éloignant mutuellement. Il est vrai que la tendance qu’ont les parties d’un fluide pesant à se mettre de niveau, les rétablit aussi dans leur premier état lorsqu’elles ont perdu ce niveau ; mais ce rétablissement est moins un changement d’état du fluide, & un retour des parties à leur ancienne situation respective, qu’un transport local d’une certaine quantité de parties du fluide en masse par l’effet de la pesanteur ; transport absolument analogue au mouvement d’une balance qui se met en équilibre. Or, quoique ce mouvement ait aussi des lois qui lui sont communes avec les mouvemens des corps élastiques, ou plûtôt avec tous les mouvemens produits par une tendance quelconque (Voyez Tendance), il n’a jamais été compris sous le nom d’élasticité ; parce que ce dernier mot n’a jamais été entendu que du rétablissement de la situation respective des parties d’un corps, & non du retour local d’un corps entier dans la place qu’il avoit occupé.

L’expansibilité ou la force par laquelle les parties des fluides expansibles se repoussent les unes les autres, est le principe des lois qui s’observent soit dans la retardation du mouvement des corps qui traversent des milieux élastiques, soit dans la naissance & la transmission du mouvement vibratoire excité dans ces mêmes milieux. La recherche de ces lois n’appartient point à cet article. Voy. Résistance des Fluides & Son.

De l’expansibilité considérée physiquement, des substances auxquelles elle appartient, des causes qui la produisent ou qui l’augmentent. L’expansibilité appartient à l’air ; voyez Air : elle appartient aussi à tous les corps dans l’état de vapeur ; voyez Vapeur : ainsi l’esprit-de-vin, le mercure, les acides les plus pesans, & un très-grand nombre de liquides très-différens par leur nature & par leur gravité spécifique, peuvent cesser d’être incompressibles, acquérir la propriété de s’étendre comme l’air en tout sens & sans bornes, de soûtenir comme lui le mercure dans le barometre, & de vaincre des résistances & des poids énormes. Voy. Explosion & Pompe à feu. Plusieurs corps solides même, après avoir été liquéfiés par la chaleur, sont susceptibles d’acquérir aussi l’état de vapeur & d’expansibilité, si l’on pousse la chaleur plus loin : tels sont le soufre, le cinnabre plus pesant encore que le soufre, & beaucoup d’autres corps. Il en est même très-peu qui, si on augmente toûjours la chaleur, ne deviennent à la fin expansibles, soit en tout, soit en partie : car dans la plûpart des mixtes, une partie des principes devenus expansibles à un certain degré de chaleur, abandonnent les autres principes, tandis que ceux-ci restent fixes ; soit qu’ils ne soient pas susceptibles