principe étant ainsi déterminée, voici l’histoire chimique de cette substance.
L’eau concourt comme principe essentiel à la formation des sels, des huiles, des esprits ardens, & de toutes les matieres inflammables, de toutes les substances végétales & animales, & vraissemblablement des pierres proprement dites, & de tous les fossiles, excepté des substances métalliques.
L’eau constitue la base de toutes les humeurs animales ; de la seve & de tous les sucs végétaux, des vins, des vinaigres ; de la rosée, & de toutes les matieres connues en Physique sous le nom de météores aqueux. L’eau est essentielle à toute fermentation. Voyez Sel, Huile, Esprit, Flamme, Pierre, Fossile, Substances animales, Végétal, Substances métalliques, Humeur, Seve, Vin, Vinaigre, Rosée, Pluie, Neige, Grêle, Fermentation.
Boerhaave, & plusieurs autres physiciens, disent que l’eau est cachée dans un grand nombre de corps où il est merveilleux de la trouver, & cela (car Boerhaave s’explique) parce que ces corps n’ont aucune des qualités extérieures de l’eau, qu’ils ne sont ni mous ni humides, mais au contraire très-secs & très-compactes, tels que le plâtre employé, le vieux mortier, les parties très-dures des animaux, les bois les plus durs gardés dans des lieux secs & chauds pendant des siecles entiers, &c. Ceci est admirable en effet, comme tous les phénomenes naturels sont admirables, comme l’existence de l’univers est admirable, mais non pas étonnant, unique, incroyable ; puisque c’est au contraire un fait dérivé très-naturellement de cette observation générale, que les principes constituans des corps ne sont jamais sensibles, tant qu’ils sont actuellement combinés, & que l’eau ne se manifeste pas plus par ses caracteres sensibles dans l’esprit-de-vin rectifié, ou dans une huile, que dans le tartre ou la stalactite, quoique les premieres substances soient liquides & humides, & que les dernieres soient seches & consistantes : en un mot, que l’eau puisse être renfermée dans des corps secs & durs, cela n’est un phénomene isolé, un objet d’admiration, stupendum, mirabile, (Boerhaave, el. chem. de aqua, t. l. p. 314. ed. de Cavelier) que pour quiconque ne sait envisager un corps que sous l’image d’une masse revêtue de qualités sensibles, pour qui l’eau est toûjours une substance molle & fluide (sous une certaine température), un corps physique, un aggregé. Nous insistons sur les inconvéniens de cette mauvaise & très-peu philosophique acception, toutes les fois que l’occasion s’en présente, parce qu’on ne sauroit trop rappeller aux amateurs de la Chimie (lectori philochimico), que la façon de concevoir contraire, est absolument propre & nécessaire au chimiste. Voyez la partie dogmatique de l’article Chimie.
Nous disons donc, mais sans annoncer cette vérité par une formule d’admiration, que l’eau est un des matériaux de la composition de plusieurs corps très-secs & très-durs. Nous savons ceci très-positivement, soit parce que quelques-uns de ces corps se forment sous nos yeux, que nous disposons nous-mêmes leurs principes à la combinaison, comme lorsque nous gachons le plâtre, que nous préparons le mortier, &c. (voyez Platre, Mortier) ; soit parce que nous savons retirer cette eau de ces produits de l’art, & de plusieurs corps naturels, par le moyen du feu, & que nous en retirons en effet du plus grand nombre des corps secs & solides, à la formation desquels nous avons avancé que l’eau concouroit comme principe essentiel ; soit enfin parce que nous établissons par des analogies très-séverement déduites, l’origine de certains composés dont la Nature nous cache la formation, sur leur rapport
avec d’autres corps dont l’eau est un principe démontré ; c’est ainsi que nous sommes fondés à admettre l’eau pour un des principes constituans de toutes les pierres qui ne sont pas produites ou altérées par le feu, par les phénomenes qui leur sont communs avec certaines substances salines. Voyez Sel & Pierre.
Si l’on ne peut pas établir démonstrativement que l’eau fait dans ces corps consistans, la fonction d’une espece de mastic, qu’elle est le vrai moyen d’union de leurs autres matériaux, qu’elle soûtient & lie leur aggrégation ; on peut au moins se représenter assez exactement, sous cette image, sa maniere de concourir à la formation de ces corps. Quoi qu’il en soit, c’est à ce titre que nous l’employons dans la préparation du plâtre, du mortier, des colles, &c.
Secondement, l’eau appartient à la Chimie comme menstrue ou dissolvant. Voyez Menstrue.
L’eau est le dissolvant de tous les sels, des extraits des végétaux, des gommes, des mucilages, des corps muqueux, de certaines couleurs végétales telles que celle des fleurs de violette, du bois de Brésil, &c. d’une partie des gommes-résines, des esprits ardens, des savons, des sucs gélatineux & lymphatiques des animaux, & même de leurs parties solides, si on l’applique à ces dernieres substances dans la machine de Papin. Voyez Machine de Papin ou Digesteur.
Quoique l’eau ne dissolve pas le corps entier des terres, cependant elle prend quelques parties dans la plûpart des matieres terrestres, & sur-tout dans les terres & pierres calcaires ; elle agit très-efficacement sur la chaux (V. Chaux) ; elle se charge de beaucoup de parties des terres & pierres gypseuses, calcinées ou non calcinées ; elle a aussi quelque prise sur les chaux métalliques, & même sur les substances métalliques inaltérées, principalement sur le fer, le mercure, & l’antimoine, ce qui est prouvé par les vertus médicinales des décoctions de ces substances. Tous les métaux triturés avec l’eau, passent pour fournir un certain sel ; l’or même, le plus fixe des métaux, par une longue trituration avec l’eau pure, fournit un sel jaune, selon la prétention de plusieurs habiles chimistes. M. Pott propose le doute suivant sur l’origine de ce produit, de l’existence duquel on pourroit peut-être douter aussi légitimement : an hic effectus tantum diutino triturationis motui, sali etiam ut vocane insipido in aquâ contento attribuendus sit, adhuc hæreo. (Pott, historia particular. corporum solutionis, §. 3.) Bécher dit que l’eau distillée un grand nombre de fois devient si corrosive, qu’elle dissout les métaux. Phys. subt. sect. V. cap. xj. L’auteur de la chimie hydraulique a des prétentions singulieres sur cet effet de la trituration avec l’eau. Voyez Hydraulique, (Chimie).
Quoique l’eau ne dissolve pas proprement le soufre, les huiles, les baumes, les résines, les graisses, les beurres, les bitumes, &c. elle extrait pourtant quelque chose de toutes ces substances, & principalement des huiles par expression, des baumes, & des bitumes. Voyez Huile.
Les pierres vitrifiables, comme le vrai sable, le caillou, &c. le bon verre, les émaux, les terres argilleuses bien cuites, le charbon, ne donnent absolument rien à l’eau.
Il faut observer sur ce que nous venons de dire de l’eau considérée comme menstrue, 1°. que selon la loi la plus générale de la dissolution (voyez Menstrue), l’eau ne dissout que des quantités déterminées de tous les corps consistans, que nous avons dit être entierement solubles par ce menstrue ; elle s’en charge jusqu’à un terme connu dans l’art sous le nom de saturation, & au-delà duquel la dissolution n’a plus lieu, tout étant d’ailleurs égal. Voyez Saturation.