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une telle autorité, qu’au lieu que les plébiscites n’avoient eu jusqu’alors force de loi, qu’après avoir été ratifiées par le sénat, les décisions du sénat n’eurent elles-mêmes force de sénatusconsultes, qu’après avoir été confirmées par les tribuns.

Les contestations qui s’éleverent entre le sénat & les tribuns sur l’étendue de leur pouvoir respectif, furent cause que pendant plusieurs années on ne suivit aucun droit certain. On s’accorda enfin à former un nouveau corps de lois, comme le peuple l’avoit demandé ; & pour cet effet l’on envoya dans les principales villes de Grece dix députés, qui au bout de deux années rapporterent une ample collection de lois.

A leur retour on supprima les consuls, & l’on créa dix magistrats qui furent appellés decemvirs, & que l’on chargea de rédiger ces lois. Ils les arrangerent en dix tables, qui furent d’abord gravées sur des planches de chêne, & non sur des tables d’ivoire, comme quelques-uns l’ont crû. On y ajoûta l’année suivante encore deux tables pour suppléer ce qui avoit été omis dans les premieres. Toutes ces tables furent gravées sur l’airain ; & ce fut ce qui forma cette fameuse loi appellée la loi des douze tables.

La plus grande partie de ces tables ayant été consumées dans l’incendie de Rome qui arriva peu de tems après, les lois qu’elles contenoient furent rétablies, tant sur les fragmens qui avoient échappé aux flammes, que sur les copies que l’on en avoit tirées. On craignoit tant de les perdre encore, que pour prévenir cet inconvénient, on les faisoit apprendre de mémoire aux enfans. Elles subsistoient encore peu de tems avant Justinien ; mais elles furent perdues quelque tems après, aussi-bien que les commentaires que Caïus & quelques autres jurisconsultes avoient faits sur cette loi. On croit que cela arriva lors de l’invasion des Goths.

Ces fragmens, que Denis d’Halicarnasse, Tite-Live, Pline, Cicéron, Festus, & Aulugelle, nous ont conservés des lois qui étoient comprises dans ces douze tables, ont été recueillis & commentés par plusieurs jurisconsultes : tels que Rivallius, Obdendorp, Forster, Baudoüin, Contius, Hotman, Denis & Jacques Godefroi, & autres. M. Terrasson, loc. cit. donne le projet d’une nouvelle compilation de ces fragmens, où il rassemble 105 lois, qu’il rapporte chacune à leur table. Nous aurons occasion d’en parler plus amplement au mot Loi.

Les décemvirs qui s’étoient rendus odieux au peuple, ayant été destitués, on créa de nouveau des consuls, qui firent quelques nouvelles lois ; on dressa des formules appellées legis actiones, dont l’objet étoit de fixer la maniere de mettre les lois en pratique, principalement pour les contrats, affranchissemens, émancipations, adoptions, cessions, & dans tous les cas où il s’agissoit de stipulation ou d’action. Ces formules étoient un mystere pour le peuple ; mais Cnæus Flavius les ayant publiées avec la table des fastes, ce recueil fut appellé le droit flavien. Voy. ci-devant Droit Flavien.

Les nouvelles formules que les patriciens inventerent encore, furent aussi publiées par Sextus Ælius ; ce qui fut appellé droit ælien. Voyez ci-dev. Droit Ælien.

Ces compilations, appellées droit flavien & droit ælien, ne sont point parvenues jusqu’à nous ; les formules qu’elles renfermoient, & celles que les jurisconsultes y avoient ajoûtées, tomberent peu-à-peu en non usage du tems des empereurs. Théodose le jeune les abrogea entierement. Plusieurs savans en ont rassemblé les fragmens. Celui qui a le plus approfondi cette matiere est le président Brisson, en son ouvrage de formulis & solemnibus populi romani verbis.

Outre les lois & les plébiscites, les Romains avoient encore d’autres réglemens ; savoir les édits de leurs préteurs, & ceux de leurs édiles : les premiers formoient ce que l’on appelloit le droit prétorien. Voyez ci-devant Droit prétorien, & ci-après Edits des Ediles, Edits du Prêteur, & Préteur.

Les senatusconsultes, c’est-à-dire les decrets & décisions du sénat, faisoient aussi partie du droit romain. Ils n’acquéroient d’abord force de loi, que du consentement exprès ou tacite du peuple ; mais sous l’empire de Tibere, ils commencerent à avoir par eux-mêmes force de loi, étant considérés comme faits sous l’autorité du prince, & en son nom. Voyez Senatusconsulte.

Enfin les réponses des jurisconsultes qui avoient permission de décider les questions de droit, appellées responsa prudentum, firent encore une grande partie de la jurisprudence romaine. Voy. Réponses des Jurisconsultes.

Dans les derniers tems de la république, trois personnes différentes entreprirent chacune séparément une compilation des lois romaines, savoir Cicéron, Pompée, & Jules César.

L’ouvrage de Cicéron étoit déjà commencé, car Aulugelle cite un livre de lui sur cette matiere.

Pompée avoit formé le même dessein pendant son consulat. Il étoit lui-même auteur de plusieurs lois ; mais les guerres civiles, la crainte qu’il eut que ses ennemis ne regardassent cet ouvrage avec envie, le lui firent abandonner, comme le remarque Isidore.

Jules César, auteur de plusieurs excellentes lois, la plûpart surnommées de son nom Julia, commença aussi une compilation générale des lois, dans laquelle il avoit dessein de faire entrer les meilleures de celles qui avoient été publiées avant lui, ou de son tems ; mais la mort prématurée de ce grand homme l’empêcha aussi d’exécuter ce projet.

Auguste étant demeuré maître de l’empire, le sénat & le peuple lui déférerent d’abord la puissance tribunicienne, que l’on rendit perpétuelle en sa personne ; & au bout de son onzieme consulat, on lui accorda le droit de proposer dans le sénat toutes les lois qu’il voudroit. Enfin par une loi qui fut appellée regia, apparemment parce qu’elle donnoit à l’empereur un pouvoir égal à celui des rois, on donna à Auguste le pouvoir de corriger les anciennes lois, & d’en faire de nouvelles. Tous ces réglemens & autres que le sénat & le peuple firent en faveur d’Auguste, furent dans la suite renouvellés en faveur de la plûpart des empereurs.

En vertu de ce pouvoir législatif, Auguste fit un très-grand nombre de bonnes lois qui furent surnommées Julia, comme celles de César. Ce fut aussi de son tems que furent faites plusieurs lois célebres, telles que les lois falcidie, papia-poppæa, furia caninia, &c.

Tibere au lieu d’user du pouvoir législatif qui lui avoit été décerné de même qu’à ses prédécesseurs, le remit au sénat comme un droit qui lui étoit à charge.

Sous les empereurs suivans, il y eut aussi différentes lois, faites soit par eux ou par le sénat. L’empereur Claude publia jusqu’à vingt édits en un seul jour ; mais aucune des lois faites jusqu’au tems de l’empereur Adrien, ne se trouve rapportée dans le code de Justinien.

Quoique le pouvoir législatif eût été donné aux empereurs à l’exclusion de toutes autres personnes, on ne laissa pas de suivre encore long-tems les édits que les préteurs & les édiles avoient faits. Le jurisconsulte Offilius avoit même commencé du tems de Jules César à rassembler & commenter les édits des préteurs ; mais cet ouvrage ne fut point revêtu de