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Le genre démonstratif est celui qui se propose la loüange ou le blâme. Telle est la fin qu’on se propose dans les panégyriques, les oraisons funebres, les discours académiques, les invectives, &c.

On tire les loüanges de la patrie, des parens, de l’éducation, des qualités du cœur & de l’esprit, des biens extérieurs, du bon usage que l’on a fait du crédit, des richesses, des emplois, des charges. Au contraire la bassesse de l’extraction, la mauvaise éducation, les défauts de l’esprit & les vices du cœur, l’abus du crédit, de l’autorité, des richesses, &c. fournissent matiere à l’invective. Les catilinaires de Ciceron & les philippiques sont de ce dernier genre, mais non pas uniquement ; car à d’autres égards, elles rentrent dans le genre délibératif & dans le judiciaire. (G)

Parmi les sources de la loüange & de l’invective dont on vient de faire l’énumération, il en est où la justice & la raison nous défendent de puiser : on peut en loüant un homme recommandable rappeller la gloire & les vertus de ses ayeux ; mais il est ridicule d’en tirer pour lui un éloge. L’on peut & l’on doit démasquer l’artifice & la scélératesse des méchans, lorsqu’on est chargé par état de défendre contre eux la foiblesse & l’innocence ; mais c’est eux-mêmes, non leurs ancêtres que l’on est en droit d’attaquer, & il est absurde & barbare de reprocher aux enfans les malheurs, les vices, ou les crimes des peres. Le reproche d’une naissance obscure ne prouve que la bassesse de celui qui le fait. L’éloge tiré des richesses, ou le blâme fondé sur la pauvreté, sont également faux & lâches. Les noms, le crédit, les dignités exigent le mérite & ne le donnent pas. En un mot, pour loüer ou blâmer justement quelqu’un, il faut le prendre en lui-même, & le dépouiller de tout ce qui n’est pas lui. Article de M. Marmontel.

Le genre démonstratif comporte toutes les richesses & toute la magnificence de l’art oratoire. Ciceron dit à cet égard que l’orateur, loin de cacher l’art, peut en faire parade, & en étaler toute la pompe ; mais il ajoute en même tems qu’on doit user de réserve & de retenue ; que les ornemens qui sont comme les fleurs & les brillans de la raison, ne doivent pas se montrer par-tout, mais seulement de distance en distance. Je veux, dit-il, que l’orateur place des jours & des lumieres dans son tableau ; mais j’exige aussi qu’il y mette des ombres & des enfoncemens, afin que les couleurs vives en sortent avec plus d’éclat. Habeat igitur illa in dicendo admiratio ac summa laus, umbram aliquam ac recessum, quo magis, id quod erit illuminatum, extare atque eminere videatur. Orat. n°. 38. (G)

Démonstratif, (Jurisprud.) est ce qui sert à désigner une chose. Bartole, sur la loi demonstratio, au digeste de conditionibus & demonstrationibus, définit la démonstration, quædam ex instantibus vel præteritis accidentibus notitia, &c.

On dit un assignat démonstratif, un legs démonstratif, une disposition démonstrative.

Ce qui est simplement démonstratif, est fort différent de ce qui est limitatif ; par exemple, un assignat est démonstratif, lorsqu’en constituant une rente à prix d’argent, on dit à prendre sur un tel héritage, cela n’empêche pas le créancier de se pourvoir sur les autres biens du débiteur ; au lieu que si un homme legue une rente à prendre sur un tel fonds, cet assignat est limitatif.

Les principes en fait de démonstration & de clauses démonstratives, sont qu’une fausse démonstration ne vitie pas la disposition lorsque l’objet de celle-ci est d’ailleurs certain ; par exemple, si le testateur dit, je legue ma maison de Paris que j’ai achetée, le legs de la maison est valable, quoique la maison

n’ait pas été achetée : il en est de même si l’erreur est dans les qualités que l’on donne à l’héritier, au légataire ou autre personne, la disposition est toûjours valable, pourvû qu’il paroisse constant de quelle personne on a entendu parler. Voyez au ff. 28. tit. v. liv. XLVIII. & liv. XXXII. tit. j. liv. XXXV. §. 2. & liv. VI. ff. de rei vindicatione ; Ricard, des dispositions démonstratives ; Le Prêtre, 4. cent. chap. ij. Voyez aussi Assignat & Legs. (A)

DÉMONSTRATION, TEMOIGNAGE d’amitié, syn. (Gramm. & Morale.) Ces deux mots sont synonymes, avec cette différence d’un usage bisarre, que le premier dit moins que le second. Le P. Bouhours en a fait autrefois la remarque, & le tems n’a point encore changé l’application impropre de ces deux termes. En effet, les démonstrations en matiere d’amitié tombent plus sur l’extérieur, l’air du visage, les caresses ; elles designent seulement des manieres, des paroles flateuses, un accueil obligeant. Les témoignages, au contraire, vont plus à l’intérieur, au solide, à des services essentiels, & semblent appartenir au cœur. Ainsi un faux ami fait des démonstrations d’amitié ; un véritable ami en donne des témoignages. Ce sont des démonstrations d’amitié d’embrasser les personnes avec qui l’on vit, de les accueillir obligeamment, de les flater, de les caresser. Ce sont des témoignages d’amitié de les servir, de prendre leurs intérêts, & de les secourir dans leurs besoins. Rien de plus commun à la cour que des démonstrations d’amitié ; rien de plus rare que des témoignages. En un mot, les démonstrations d’amitié ne sont que de vaines montres d’attachement, d’affection ; les témoignages en sont des gages ; mais l’union des cœurs constitue seule la parfaite amitié. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DÉMONSTRATION, s. f. (Philos.) est un raisonnement qui contient la preuve claire & invincible de la vérité d’une proposition. Voyez Vérité, Proposition, &c.

Une démonstration est un argument convainquant, par lequel on prouve que les deux premieres propositions d’un syllogisme sont certaines ; d’où résulte nécessairement la certitude de la conclusion qu’on veut en tirer. Voyez Syllogisme.

Une démonstration est ordinairement composée de trois parties : l’explication, la préparation, & la conclusion.

Dans l’explication, on expose & on fait connoître les choses qui sont données ou accordées, & dont on se servira pour arriver à la démonstration.

Dans la préparation, on fait quelques remarques ou opérations préliminaires, nécessaires à la démonstration. Voyez Préparation.

Enfin dans la conclusion on établit par des argumens invincibles, la vérité de la proposition qu’on s’est proposé de prouver. Voyez Conclusion.

La méthode de démontrer des Mathématiciens, est la même que celle des Logiciens, pour tirer des conclusions des principes. En effet, les démonstrations des Mathématiques ne sont autre chose que des suites d’enthymèmes, ou de syllogismes dont on omet les prémisses, soit en les sous-entendant, soit en les rappellant par des citations. Pour qu’une démonstration soit parfaite, il faut que les prémisses de chaque syllogisme soient prouvées par de nouveaux syllogismes, jusqu’à ce qu’enfin on arrive en remontant à un syllogisme dont les prémisses soient ou des définitions, ou des axiomes. Voyez Définition & Axiome.

En effet, on pourroit prouver qu’on ne sauroit faire une bonne démonstration, à moins qu’on ne suive exactement les regles des syllogismes. Cla-