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Valentin, quel qu’il soit, plusieurs ouvrages qui annoncent un Chimiste très-laborieux & très-versé dans la pratique de la Chimie positive, & dirigé dans ses opérations par une méthode raisonnée. La plûpart des procédés connus sur l’antimoine sont exactement décrits dans le traité sur ce minéral qui porte le titre de currus triumphalis antimonii, qui a donné lieu à plusieurs commentaires, entre lesquels on estime sur-tout celui de Pierre Jean Fabre de Castelnaudari, & celui de Théodore Kerkringius ; mais il est tombé dans un excès dangereux lorsqu’il a attribué des vertus medicinales à toutes les préparations qu’il a tirées de l’antimoine. C’est son autorité qui a fondé la vogue qu’eurent les remedes antimoniaux que les charlatans employerent indistinctement & sans précautions, & par conséquent avec toutes les suites funestes de la témérité, jusqu’à ce qu’enfin la fameuse guerre élevée dans le sein de la faculté de Paris à l’occasion de ce demi-métal, toute ridicule qu’on est contraint de la trouver, occasionna un examen plus sérieux des préparations antimoniales, étouffa les préjugés, & détermina la valeur réelle de ceux de ces remedes dont nous tirons le plus de secours, aujourd’hui que nous avons appris à les manier. Voyez Medecine & Pharmacie.

Basile Valentin paroît être l’auteur des trois principes chimiques ; mais on ne sait pas assez jusqu’à quel point il partage cette découverte avec les Hollandus dont on ne connoît pas exactement le tems, non plus que celui de Basile Valentin. On peut pourtant placer le dernier vers la fin du quinzieme siecle, lorsque les maladies vénériennes commençoient à être connues ; car il indique des remedes contre cette maladie.

Isaac, & Jean Isaac Hollandus ou le Hollandois, natifs de Stolk petite ville de Hollande, & que l’on regarde comme à-peu-près contemporains de Basile Valentin, ont été de célebres artistes, comme le prouvent leurs différens ouvrages, dont les plus habiles modernes, M. Stalh lui-même, & sur-tout Kunckel, ont fait un cas singulier. Ils ont particulierement travaillé sur les métaux, & c’est à eux qu’est dûe la maniere de procéder à leur analyse par la réverbération de la flamme, que les Chimistes les plus intelligens ont regardé comme une voie de procéder dont on pouvoit se promettre les avantages les plus marqués. Voyez Réverbere. Ces Chimistes paroissent avoir eu des notions fort distinctes de deux des principes de Becher. Isaac, & Jean Isaac Hollandus, qui passent pour pere & fils auprès de quelques uns, ne sont regardés que comme un seul & même artiste par quelques autres. C’est évidemment de ce ou de ces Hollandus & de Basile Valentin, que Paracelse a tiré une partie de ses connoissances chimiques, & sur-tout sa fameuse doctrine des trois principes.

Paracelse est un des plus singuliers personnages que nous présente l’histoire littéraire : visionnaire, superstitieux, crédule, crapuleux, entêté des chimeres de l’Astrologie, de la cabale, de la magie, de toutes les sciences occultes ; mais hardi, présomptueux, enthousiaste, fanatique, extraordinaire en tout, ayant sû se donner éminemment le relief d’homme passionné pour l’étude de son art (il avoit voyagé à ce dessein, consultant les savans, les ignorans, les femmelettes, les barbiers, &c.), & s’arrogeant le singulier titre de Prince de la Medecine, & de Monarque des Arcanes, &c. Il a été l’auteur de la plus grande révolution qui ait changé la face de la Medecine (Voyez Medecine & Pharmacie), & il a fait en Chimie la même figure qu’Aristote a fait en Philosophie. C’est Paracelse qui a été le propagateur de la fameuse doctrine des trois principes qui ont pris son nom, dont tant de Chi-

mistes manœuvres ont abusé, que tous les Chimistes-philosophes ou les vrais Chimistes ont toûjours restrainte & rectifiée, & que les Physiciens ont toûjours si mal combattue. V. Principes. Les écrits chimiques & physiques de Paracelse sont, excepté son manuel & un petit nombre d’autres qui ne sont pas encore fort clairs, absolument inintelligibles, tant à cause des expressions barbares & purement arbitraires dont il s’est fait un jargon particulier, qu’à cause du fatras, du desordre, de l’inconséquence, & des fréquentes contradictions. Si la sublimité que ce ton peut présenter à certaines têtes, & sur-tout à des têtes chimistes, a dû lui faire un grand nombre de partisans ou de sujets (il s’appelloit monarque, & des Chimistes l’ont appellé leur monarque ou leur roi), elle n’étoit pas si propre, ce semble, à lui faire de célebres ennemis, à l’illustrer magnis odiis. Il a eu pourtant aussi cette source de célébrité. Son disciple Oporinus, Erastus son compatriote & presque son contemporain, Libavius, le savant Conringius plus récent que Paracelse d’un siecle entier, & plusieurs autres, ont été ses ennemis déclarés parmi les Chimistes (car il a été encore plus en butte aux Medecins) & ils l’ont traité même assez injustement à quelques égards.

Philippe Auréole, Théophraste, Paracelse, Bombast d’Hoheneim (car c’est ainsi qu’il se faisoit appeller), naquit en 1493 à Einsiedel, près de Zurich en Suisse, & mourut à Saltzbourg dans un cabaret en 1541.

Quel que soit le mérite réel de Paracelse, il est évident que c’est à lui qu’est dûe la propagation & la perpétuité de la Chimie. C’est le goût pour les remedes préparés par les secours de la Chimie, que Paracelse a singulierement répandus & accrédités, qui a fait passer cet art chez les Medecins comme étude élémentaire ; ce qui a produit une quantité considérable de traités de Chimie pharmaceutique & medicinale, qui ont été pendant un siecle les livres élémentaires & classiques de la Chimie, & sur-tout tant qu’elle n’a été que l’art de préparer des médicamens plus agréables, plus salutaires, & plus sûrs, comme le définit Beguin, un des plus anciens disciples de Paracelse.

Les chaires établies dans les écoles de Medecine vers le milieu du dernier siecle, ont rendu l’étude de la Chimie plus propre encore aux Medecins ; & si cet évenement l’a trop circonscrite, & l’a même exposée à une théorie arbitraire & gratuite, par la licence d’expliquer trop ordinaire aux Medecins, il faut convenir aussi qu’il a été utile pour la Chimie philosophique qu’elle tombât en partage à des gens de lettres munis de toutes les ressources que les études élémentaires peuvent fournir pour se diriger avec goût & intelligence dans l’étude des sciences. Aussi faut-il rendre aux Medecins cette justice : tous les progrès éclatans de la Chimie leur sont dûs, ainsi que la perfection où sont portées aujourd’hui les deux branches les plus avancées de l’histoire naturelle, l’Anatomie & la Botanique. Ce n’est même que depuis que les sciences se sont répandues comme par une sorte de débordement, que la Chimie philosophique est sortie du sein de la Medecine, où sont encore aujourd’hui le plus grand nombre des artistes, les vrais gens du métier : les autres (excepté les directeurs des grands arts chimiques, classe qui ne peut fournir qu’un ou deux Chimistes à chaque nation) n’étant proprement qu’amateurs.

Quant aux avantages que la Chimie fondamentale & élémentaire, peut tirer de toutes ces Chimies pharmaceutiques & medicinales dont nous venons de parler, il est clair que les introductions dont la plûpart sont précédées sont insuffisantes aujourd’hui,