Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/803

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dite, & ils se dépouillerent pour courir. La défense de porter la ceinture, fut quelquefois chez les anciens une tache d’ignominie & la punition de quelque faute ; d’où il s’ensuit que cette partie du vêtement marquoit quelque dignité parmi eux. La ceinture n’étoit pas moins à l’usage des femmes que des hommes ; elles s’en servoient soit pour relever leurs robes, soit pour en fixer les plis. Il y avoit de la grace à soûtenir à la hauteur de la main le lais du côté droit, ce qui laissoit le bas de la jambe découvert ; & une négligence outrée à n’avoir point de ceinture & à laisser tomber sa tunique ; de-là les expressions Latines discincti, altè cincti, pour désigner un homme indolent ou alerte. Mecene ayant témoigné peu d’inquiétude sur les derniers devoirs de la vie, persuadé que la nature prend soin elle-même de notre sépulture, Seneque dit de lui, alte cinctum dixisse putes, vous croiriez que celui qui a dit ce mot portoit sa ceinture bien haut. Gardez-vous, dit Sylla en parlant de César, d’un homme dont la ceinture est trop lâche. Il y avoit chez les Celtes une ceinture qui servoit, pour ainsi dire, de mesure publique de la taille parmi les hommes. Comme l’état veilloit à ce qu’ils fussent alertes, il punissoit ceux qui ne pouvoient la porter. L’usage des ceintures a été fort commun dans nos contrées : mais les hommes ayant cessé de s’habiller en long, & pris le juste-au-corps & le manteau court, l’usage s’en est restraint peu-à-peu aux premiers magistrats, aux gens d’église, aux religieux, & aux femmes. Encore les femmes n’en portent-elles presque plus, aujourd’hui, que les paniers & les robes lâches sont devenues communes, malgré les ecclésiastiques, qui se recrierent beaucoup contre cette mode, qui laissant aux femmes, à ce qu’ils croyoient, la liberté de cacher les suites de leurs fautes, prognostiquoit un accroissement de dissolution. Nous avons jadis attaché, ainsi que les anciens, une marque d’infamie à la privation de la ceinture. Les banqueroutiers & autres débiteurs insolvables étoient contraints de la quitter. La raison de cet usage est que nos ancêtres attachant à leur ceinture une bourse, des clefs, &c. la ceinture étoit un symbole d’état ou de condition, dont la privation de cette partie du vêtement indiquoit qu’on étoit déchû. L’histoire rapporte que la veuve de Philippe premier duc de Bourgogne, renonça au droit qu’elle avoit à sa succession, en quittant sa ceinture sur le tombeau du duc. Voy. Investiture.

La distinction des étoffes & des habits subsista en France jusqu’au commencement du xv. siecle. On a un arrêt du parlement de 1420, qui défend aux femmes prostituées la robe à collet renversé, la queue, les boutonnieres, & la ceinture dorée : mais les femmes galantes ne se soûmirent pas long-tems à cette défense ; l’uniformité de leur habillement les confondit bientôt avec les femmes sages ; & la privation ou l’usage de la ceinture n’étant plus une marque de distinction, on fit le proverbe, bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée.

L’usage des ceintures parmi nous n’étant point passé, mais seulement restreint, comme nous l’avons dit, nous avons une communauté de Ceinturiers. Les Ceinturiers s’appelloient autrefois Courroyers. Voyez Ceinturiers.

Ceinture de virginité des anciens : c’étoit la coûtume chez les Grecs & les Romains, que le mari dénoüoit la ceinture de sa femme le premier soir de ses nôces.

Homere, liv. XI. de son Odyssée, appelle cette ceinture παρθενίην ζώνην, ceinture virginale.

Festus rapporte qu’elle étoit de laine de brebis, & que le mari la délioit lorsqu’il étoit dans le lit avec sa femme. Il ajoûte qu’elle étoit noüée d’un nœud singulier, qu’on appelloit le nœud d’Hercule,

& que le mari le défaisoit comme un présage qui lui promettoit autant d’enfans qu’Hercule en avoit laissé en mourant.

Les poëtes donnent à Venus une espece de ceinture appellée cestus, à laquelle ils attribuent le pouvoir d’inspirer de l’amour. Voyez Ceste. (G)

* Ceinture de virginité des modernes ; elle n’a rien de commun avec celle des anciens. Chez les anciens l’époux ôtoit à sa femme la ceinture virginale la premiere nuit de ses nôces ; & chez les modernes c’est un présent qu’un mari jaloux lui fait quelquefois dès le lendemain. Cette ceinture est composée de deux lames de fer très-fléxibles, assemblées en croix : ces lames sont couvertes de velours. L’une de ces lames fait le tour du corps au-dessus des reins ; l’autre passe entre les cuisses, & son extrémité vient rencontrer les deux extrémités de la premiere lame ; elles sont toutes trois tenues réunies par un cadenat, dont le mari seul a le secret. V. Cadenat. La lame qui passe entre les cuisses est percée de maniere à assûrer un mari de la sagesse de sa femme, sans géner les autres fonctions naturelles. On dit que cet instrument si infame, si injurieux au sexe, a pris naissance en Italie ; c’est peut-être une calomnie : ce qu’il y a de certain, c’est que l’Italie n’est pas le seul pays où l’on en ait fait usage.

Chrétien de la ceinture. Molaraekkel, dixime calife de la famille des Abassides, ordonna l’an 235 de l’hégyre, de Jesus-Christ 856, aux Juifs & aux Chrétiens de porter une grande ceinture de cuir pour marquer leur profession, ce qu’ils pratiquent encore aujourd’hui dans tout l’orient. Depuis ce tems-là les Chrétiens d’Asie, & sur-tout ceux de Syrie & de la Mésopotamie, qui sont presque tous Nestoriens ou Jacobites, sont appellés Chrétiens de la ceinture. (G)

Ceinture de la reine, (Hist. mod.) ancien impôt ou taxe qu’on leve à Paris de trois ans en trois ans, sur le pié de trois deniers pour chaque muid de vin, & de six pour chaque queue, pour l’entretien de la maison de la reine. On l’a depuis augmenté & mis sur quelques autres denrées ou provisions, comme le charbon, &c. On l’appelloit aussi la taille du pain & du vin, comme il paroît par des registres de la chambre des comptes. Vigenere suppose que le nom de ceinture a été donné à cet impôt, parce qu’autrefois la ceinture servoit de bourse. Mais il ajoûte qu’on levoit il y a deux mille ans, en Perse, une pareille taxe & sous le même nom, & cite pour le prouver l’Alcibiade de Platon, Cicéron, & Athenée.

Il y a en Angleterre, pour la même destination, un impôt à-peu-près semblable, qu’on appelle aurum reginæ, or de la reine, (queen-gold) ; c’étoit originairement un don qui se faisoit librement & sans être exigible. On en a fait depuis une dette, au payement de laquelle les particuliers sont contraints. (H)

Ceinture de vif argent, terme de Medecine ; c’est une espece de ceinture couverte & remplie de mercure. Voyez Mercure.

Elle est de cuir, de linge, de drap, de coton, ou d’autre étoffe, qui enveloppe du mercure préparé ou éteint avec la salive d’une personne à jeun, de la graisse ou autre matiere, qui en amortit la trop grande vivacité. On l’attache en forme de topique autour des reins, quelquefois avec succès, quelquefois aussi au préjudice du malade ; car elle est souvent dangereuse aux personnes qui sont d’un tempérament foible ou sujettes aux convulsions : on s’en sert pour guérir la gale, pour tuer la vermine, &c. (N)

Ceinture du four, en terme de Boulanger, & d’autres ouvriers ; c’est le tour intérieur du four, ou la partie du mur qui le forme, & sur laquelle la voute est appuyée.

Ceinture ou Peignon ; voyez Peignon & Corderie.