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bloient & alloient dans les châteaux. Ils venoient, dit Fauchet, aux grandes assemblées & festins donner plaisir aux princes, comme il est expliqué dans ces vers tirés du tournoiement de l’antéchrist, composé au commencement du regne de S. Louis, par Huon de Mery.

Quand les tables oitées furent,
Cil jugleur enprès esturent ;
Sont vielles & harpes prises
Chansons, lais, vers & reprises,
Et de geste chanté nos ont.
Et escuyer, antéchrist font
Rebarder par grand deducit.

Ils ne chantoient pas toujours ; souvent ils récitoient des contes qu’ils avoient composés, & qu’ils appelloient fabliaux. Voyez Fabliau. (D. J.)

TROYE, (Géogr. anc.) Troja, Ilium, voyez Troie.

TROYE-GEWICHT, s. m. (Commerce.) on nomme ainsi en Hollande ce qu’on appelle en France poids de marc. Voyez Poids & Marc. Dictionnaire de Commerce.

TROYES, (Géog. mod.) ville de France en Champagne, dont elle est capitale, sur la Seine, à 26 lieues au midi de Rheims, & à 35 au sud-est de Paris.

Troyes a quatorze paroisses, deux abbayes d’hommes & une de filles, un séminaire gouverné par les prêtres de la mission, & dont le revenu est de quarante-cinq mille livres. Il y a dans cette ville élection, maréchaussée & siege présidial. Il y a aussi une commanderie de Malte, dont le revenu est de douze mille livres ; enfin on y voit plusieurs couvens de religieux & de religieuses. Son commerce a été autrefois très-florissant. Il consiste aujourd’hui en toiles, en blanchissage de cire, en chandelle & en vin. Les statuts des communautés de cette ville doivent être rectifiés à plusieurs égards, sur-tout en fait de maîtrise & de reglemens impossibles dans l’exécution.

Troyes manque de bonne eau à boire, & auroit besoin de fontaines publiques tirées de sources d’eaux vives. Son terroir produit des grains, des vins & des fruits en abondance.

Son premier évêque, S. Amatre, vivoit l’an 340. L’évêché est composé de 372 paroisses & de 98 annexes, divisées en huit doyennés sous cinq archidiacres. Cet évêché vaut vingt à vingt-quatre mille livres de rente. Long. suivant Cassini, 21. 31′. 30″. latit. 48. 15′.

Troyes a pris son nom des peuples Celtes, Tricasses ou Trecasses, que César n’a point connus, mais qu’Auguste a dû établir en corps de peuple ou de cité, puisqu’il est le fondateur de leur ville principale, qu’il appella Augustobona ou Augustomana, nom qui a été en usage jusqu’au cinquieme siecle. Pline fait mention des Tricanes parmi les Celtes, sans nommer leur ville Augustobona ; mais Ptolomée la nomme. Ensuite le nom du peuple a prévalu, & Tricasses a été corrompu en Trecæ, ensorte que les écrivains qui sont venus depuis Grégoire de Tours appellent toujours Troyes, Trecæ.

Après la chûte de l’empire romain, cette ville passa au pouvoir des Francs ; & après la division de la France en Austrasie & Neustrie, Troyes fut de la Neustrie, ensorte que les rois de la Neustrie en ont toujours eu la propriété ou la souveraineté. Lorsqu’on institua une quatrieme lyonnoise sur le déclin de l’empire romain, la ville de Troyes fut mise sous cette province, voilà pourquoi les évêques de Troyes ont toujours jusqu’à présent reconnu celui de Sens pour leur métropolitain.

Jarchi ou Jarhi (Salomon), autrement nommé Isaacites, rabbin célebre du xij. siecle, étoit de Troyes, selon R. Ghédalia & la plûpart des autres chronolo-

gistes juifs. Il commença à voyager à l’âge de trente

ans. Il vit l’Italie, ensuite la Grece, Jérusalem & toute la Palestine ; puis il alla en Egypte, & s’aboucha avec le rabbin Maimonides. Il passa en Perse, en Tartarie, en Moscovie, en d’autres pays septentrionaux, & enfin en Allemagne, d’où il revint dans sa patrie, ayant employé six années à ce grand voyage. Il se maria, & eut trois filles, qui épouserent de savans rabbins.

Les commentaires de Jarchi sur l’Ecriture sont fort estimés des juifs, & quelques-uns ont été traduits en latin par des chrétiens. Genebrard a publié à Paris en 1563 la version du commentaire sur Joël, & en 1570 celle du commentaire sur le cantique des cantiques. Arnaud de Pontac est l’auteur de la traduction latine des commentaires de Jarchi sur Abdias, sur Jonas & sur Sophonie, qui ont été imprimés à Paris l’an 1566, in-4°. Henri d’Aquin publia dans la même ville en 1522 le commentaire de Jarchi sur Esther, avec des notes. On a inséré finalement tous les commentaires de ce rabbin sur l’Ecriture dans les bibles de Venise & de Bâle. Enfin on a imprimé, avec le corps du thalmud, ses glosses sur ce grand livre. On met sa mort l’an 1173. Il est bon de remarquer que le rabbin Jarchi, Jarhi, Isaaki, Isaacites & Rasci sont le seul & même homme.

Parlons à présent de quelques-uns de nos savans chrétiens nés à Troyes.

Caussin (Nicolas), jésuite & confesseur de Louis XIII. s’est fait de la réputation par un ouvrage qu’il intitula, la cour sainte, imprimé en 1625, in-8°. ensuite en 1664 en deux volumes in-4°. enfin en 1680 en deux volumes in-fol. On a traduit cet ouvrage en latin, en italien, en espagnol, en portugais, en allemand & en anglois. Le p. Caussin favorisa la liaison du roi pour mademoiselle de la Fayette, liaison qui pouvoit servir à faire rappeller la reine-mere, & disgracier le cardinal de Richelieu ; mais le ministre l’emporta sur la maîtresse & sur le confesseur. Mademoiselle de la Fayette fut obligée de se retirer dans un couvent, & bientôt après en 1637 le p. Caussin fut arrêté, privé de son emploi, & relégué en basse Bretagne. Il ne revint à Paris qu’après la mort de son éminence, & mourut dans la maison-professe en 1651, âgé de 71 ans.

Cointe (Charles le), prêtre de l’oratoire, naquit en 1611, & mourut en 1681, à 70 ans, après avoir publié en latin les annales ecclésiastiques de France, en huit volumes in-fol. imprimés au Louvre par ordre du roi. Ces annales commencent à l’an 235, & finissent à l’an 835. Elles contiennent les decrets des conciles de France, avec des explications, le catalogue des évêques & leurs vies, les fondateurs, les privileges des monasteres, les vies des saints, les questions de doctrine & de discipline. C’est un ouvrage d’un prodigieux travail, d’une recherche singuliere, mais dénué de tout ornement, & qui ne se fait point lire avec plaisir. Le premier volume parut en 1666, & M. Colbert protégea l’auteur tant qu’il vécut.

Henrion (Nicolas), né en 1663, mort en 1720, s’attacha à l’étude des médailles, & à la connoissance des langues orientales. Il fut aggrégé en 1701 à l’académie des Inscriptions ; cependant il n’y a rien sous son nom dans les mémoires de cette académie, & fort peu de choses dans son histoire.

Noble (Eustache le) naquit en 1643, & fit quantité de petits ouvrages en prose & en vers, qui eurent un grand cours. Il devint procureur général au parlement de Metz, où sa mauvaise conduite lui ayant attiré des affaires fâcheuses, il fut détenu plusieurs années en prison, & perdit sa charge. Il mourut à Paris en 1711, à 68 ans, si pauvre, que la charité de la paroisse de S. Severin fut obligée de le faire enter-