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ou injustice en particulier ; les actions sur lesquelles le droit naturel a prononcé ou implicitement ou explicitement, sont bonnes ou mauvaises en elles-mêmes, naturellement & relativement à toute l’espece humaine.

Le droit considéré comme une puissance morale relative à une regle commune & constante à un grand nombre d’hommes, s’appelle droit naturel. Le droit positif est relatif à une regle qui varie.

Le droit de la nature oblige même ceux qui ont des opinions erronnées de la divinité.

Ni la volonté divine, ni la sainteté du droit naturel, ni sa conformité avec la volonté divine, ni son accord avec un état parfait, ni la paix, ni les pactes, ni la sécurité, ne sont point les premiers fondemens du droit naturel.

Sa premiere proposition, c’est qu’il faut faire tout ce qui contribue le plus à la durée & au bonheur de la vie.

Veux-toi à toi-même ce que tu desires des autres, voilà le premier principe de l’honnête : rends aux autres ce que tu exiges d’eux ; voilà le premier principe du décent : ne fais point aux autres ce que tu crains d’eux ; voilà le premier principe du juste.

Il faut se repentir ; tendre à son bonheur par des moyens sages ; reprimer l’exces de ses appétits, par la crainte de la douleur, de l’ignominie, de la misere ; fuir les occasions périlleuses ; se refuser au désespoir ; vivre pour & avec ceux même qui n’ont pas nos mœurs ; éviter la solitude ; dompter ses passions ; travailler sans délai & sans cesse à son amendement : voilà les conséquences de la regle de l’honnête. Céder de son droit ; servir bien & promptement les autres ; ne les affliger jamais sans nécessité ; ne point les scandaliser ; souffrir leur folie : voilà les suites de la regle du décent. Ne point troubler les autres dans leur possession ; agir avec franchise ; s’interdire la raillerie, &c. voilà les conclusions de la regle du juste.

Il y a moins d’exceptions à la regle du juste & de l’honnête, qu’à celle du décent.

Le sage se fait de l’autorité, par ses discours & ses actions.

Le sage sert par l’exemple, & par le châtiment qu’il ne sépare pas.

Il faut punir & récompenser ceux qui le méritent.

Celui qui suit la regle de la sagesse mérite récompense : celui qui l’enfreint, châtiment.

Le mérite consiste dans le rapport d’une action volontaire, à la récompense & au châtiment.

Imputer, c’est traduire comme cause morale d’un effet moral.

Dans les cas de promesse, il faut considérer l’inspiration relativement à la volonté de celui qui a promis, & à l’aptitude de celui qui a reçu.

La méthode de traiter du droit naturel qu’Hobbs a présentée est très-bonne ; il faut traiter d’abord de la liberté ; ensuite de l’empire, & finir par la religion.

Voilà l’extrait de la philosophie de Thomasius dont on fera quelque cas, si l’on considere le tems auquel il écrivoit. Il a peut-être plus innové dans la langue que dans les choses ; mais il a des idées qui lui appartiennent.

Il mourut en 1628 à Halle, après avoir vécu d’une vie très-laborieuse & très-troublée. Son penchant à la satyre fut la source principale de ses peines ; il ne se contenta pas d’annoncer aux hommes des vérités qu’ils ignoroient, mais il acheva de révolter leur amour-propre, en les rendant ridicules par leurs erreurs.

THOMISME, s. m. (Théologie.) doctrine de saint Thomas d’Aquin & de ses disciples, appellés Thomistes,

principalement par rapport à la prédestination & à la grace.

On ne sait pas positivement quel est le véritable Thomisme : les dominicains prétendent enseigner le Thomisme dans toute sa pureté ; mais il y a des auteurs qui font une distinction entre le Thomisme de S. Thomas & celui des dominicains. Voyez Dominicains.

D’autres soutiennent que le Thomisme n’est qu’un Jansénisme déguisé ; mais on sait que le Jansénisme a été condamné par les papes, & que le pur Thomisme ne l’a jamais été. Voyez Jansénisme.

En effet les écrits d’Alvarez & de Lémos, chargés par leurs supérieurs d’exposer & de défendre devant le saint siege la doctrine de leur école, ont passé depuis ce tems-là pour la regle du pur Thomisme.

L’école moderne a abandonné les sentimens de plusieurs anciens thomistes, dont les expressions avoient parti trop dures à Lémos & à Alvarez ; & les nouveaux thomistes qui passent les bornes prescrites par ces deux docteurs, ne peuvent pas donner leurs opinions pour les sentimens de l’ecole de S. Thomas, comme ayant été défendues & censurées par le pape.

Le Thomisme reçu ou approuvé est celui d’Alvarez & de Lémos : ces deux auteurs distinguent quatre classes de thomistes : la premiere qu’ils rejettent, détruit le libre arbitre ; la seconde & la troisieme ne different point de la doctrine de Molina. Voyez Molinistes.

La derniere embrassée par Alvarez est celle qui admet une prémotion physique, ou une prédétermination qui est un supplément du pouvoir actif qui, par le moyen de ce supplément, passe du premier acte au second, c’est-à-dire d’un pouvoir complet & prochain à l’action. Voyez Prédétermination.

Les Thomistes soutiennent que cette prémotion est offerte à l’homme dans la grace suffisante ; que la grace suffisante est donnée à tout le monde, & que tous les hommes ont un pouvoir complet, indépendant & prochain, non pas pour agir, mais pour rejetter la grace la plus efficace. Voyez Suffisant & Grace.

THOMISTES, s. m. pl. (Théolog.) nom que l’on donne aux théologiens d’une école catholique, qui font profession de suivre la doctrine de S. Thomas d’Aquin.

Quoique les Thomistes soient opposés aux Scotistes sur plusieurs points, tels que la distinction des attributs de Dieu, la maniere dont les sacremens operent, l’immaculée conception, &c. cependant ce qui les caractérise particulierement, & ce qui les distingue des autres théologiens molinistes, augustiniens, congruistes, &c. c’est leur système sur la grace, dont nous allons donner une idée.

La base de leur système est que Dieu est cause premiere & premier moteur à l’égard de toutes ses créatures ; comme cause premiere, il doit influer sur toutes leurs actions ; parce qu’il n’est pas de sa dignité d’attendre la détermination de la cause seconde ou de sa créature. Comme premier moteur, il doit imprimer le mouvement à toutes les facultés ou les puissances qui en sont susceptibles ; de-là ils concluent :

1°. Que dans quelque état qu’on suppose l’homme, soit avant, soit après sa chûte, & pour quelque action que ce soit, la prémotion de Dieu est nécessaire. Ils appellent cette prémotion prédétermination physique, lorsqu’il s’agit des actions considérées dans l’ordre naturel, & ils la nomment grace efficace par elle-même, quand il s’agit des œuvres surnaturelles ou méritoires du salut.

2°. Que la grace efficace par elle-même a été nécessaire aux anges & à nos premiers parens pour les œuvres surnaturelles.