L’Encyclopédie/1re édition/PRÉDÉTERMINATION

PRÉDÉTERMINATION, s. f. (Théolog.) voyez Prémotion physique.

Prédétermination, terme de Philosophie & de Théologie, qui signifie en général une détermination antérieure, du latin præ, devant, & determinare, déterminer.

Les scholastiques appellent prédétermination physique ou prémotion le concours de Dieu qui fait agir les hommes, & qui les fait déterminer dans toutes leurs actions bonnes ou mauvaises, mais ils observent que Dieu n’a point de part au péché, parce qu’il ne prête son concours qu’à ce qu’il y a de physique dans l’action, & non pas à ce qu’il y a de moral, ou, comme ils s’expriment en terme d’école, parce qu’il concourt au matériel, & non au formel de l’action. Voyez Matériel & Formel.

La prédétermination ou prémotion physique est l’action par laquelle Dieu fait agir la cause seconde, ou par laquelle antérieurement à toute opération de la créature, il la meut réellement & efficacement, & lui fait produire ses actions : ensorte que dans cette hypothese tout ce que fait la créature est proprement l’effet de l’opération de Dieu sur elle : jusques-là la créature n’est que patiente par rapport à l’action, d’où il s’en suit que sans cette prédétermination elle resteroit immanquablement dans un état perpétuel d’inaction, & qu’au moyen de cette prédétermination elle ne peut manquer d’agir.

On dispute avec chaleur dans les écoles, savoir si cette prédétermination physique est nécessaire pour l’action des causes naturelles. Les Scotistes prétendent que non, & apportent pour raison que toutes les causes naturelles sont déterminées par leur nature même à une certaine action ; qu’ainsi il ne paroît pas, par exemple, que le feu ait besoin pour brûler celui qui s’en approche de trop près d’une nouvelle détermination de la part de Dieu ; car, disent-ils, qu’est-il besoin d’une cause nouvelle pour faire agir le feu d’une maniere conforme à sa nature ? En chercher une, c’est vouloir multiplier les êtres sans nécessité.

Plusieurs philosophes croyent que cette prédétermination est encore moins nécessaire pour produire les actes de la volonté ; car, disent-ils, on peut tout-au-moins accorder à l’ame la même puissance & le même privilege qu’aux autres causes secondes, & par conséquent elle est aussi capable qu’aucun autre agent naturel de produire ses actions par elle-même. Voyez Volonté.

Les Thomistes d’un autre côté soutiennent de tout leur pouvoir la prédétermination physique. Un de leurs principaux argumens est tire de la subordination nécessaire des causes secondes à la cause premiere. Lorsqu’il y a, disent-ils, plusieurs agens subordonnés, les agens inférieurs ne produisent aucun acte qu’il n’ayent été mûs & déterminés par le premier, car c’est en cela que consiste l’essence de la subordination.

Il en est de même, ajoutent-ils, du domaine de Dieu sur les créatures. Il est de l’essence de son domaine qu’il meuve & dirige dans leurs actions tous les êtres qui y sont sujets ; moralement, si son domaine n’est que moral, & même physiquement, si son domaine est aussi physique. Or, ajoutent-ils, il n’est pas douteux que Dieu a l’un & l’autre domaine sur ses créatures.

La grande difficulté contre ce dernier sentiment est qu’il paroît anéantir la liberté de l’homme, & que d’ailleurs le concours immédiat de Dieu semble suffire pour que la créature agisse, sans avoir recours à cette prédétermination. Voyez Concours.