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Trop aveugles humains, quelle erreur vous enivre !
Vous n’avez qu’un instant pour penser & pour vivre,
Et cet instant qui fuit est pour vous un fardeau.
Avare de ses biens, prodigue de son être,
Dès qu’il peut se connoître,
L’homme appelle la mort & creuse son tombeau.

L’un courbé sous cent ans est mort dès sa naissance,
L’autre engage à prix d’or sa venale existence ;
Celui-ci la tourmente à de pénibles jeux ;
Le riche se délivre au prix de sa fortune
Du
tems qui l’importune ;
C’est en ne vivant pas que l’on croit vivre heureux.

Abjurez, ô mortels, cette erreur insensée.
L’homme vit par son ame, & l’ame est la pensée.
C’est elle qui pour vous doit mesurer le
tems.
Cultivez la sagesse : apprenez l’art suprême
De vivre avec soi-même,
Vous pourrez sans effroi compter tous vos instans.

Si je devois un jour pour de viles richesses
Vendre ma liberté, descendre à des bassesses ;
Si mon cœur par mes sens devoit être amolli ;
O
tems, je te dirois, préviens ma derniere heure ;
Hâte-toi, que je meure !
J’aime mieux n’être pas, que de vivre avili.

Mais si de la vertu les généreuses flâmes
Peuvent de mes écrits passer dans quelques ames ;
Si je puis d’un ami soulager les douleurs ;
S’il est des malheureux dont l’obscure innocence
Languisse sans défense,
Et dont ma foible main doive essuyer les pleurs.

O
tems, suspens ton vol, respecte ma jeunesse,
Que ma mere long-tems témoin de ma tendresse,
Reçoive mes tributs de respect & d’amour !
Et vous, gloire, vertu déesses immortelles,
Que vos brillantes aîles
Sur mes cheveux blanchis se reposent un jour.


(D. J.)

Tems des maladies, (Médec. Patholog.) les Pathologistes prennent ce mot tems dans diverses acceptions en l’appliquant au cours des maladies ; quelquefois ils l’emploient pour mesurer leur durée & en distinguer les jours remarquables ; d’autres fois ils s’en servent pour désigner les périodes & les états différens qu’on y a observés.

Dans la premiere signification, la longueur du tems a donné lieu à la division générale des maladies en aiguës & chroniques ; la durée de celle-ci s’étend au-delà de quarante jours, celles-là sont toujours renfermées dans cet espace de tems limité ; mais elles peuvent varier en durée d’autant de façons qu’on compte de jours différens. Car, suivant les observations répétées, il y a des maladies qui se terminent dans un jour, connues sous le nom d’éphémeres ; d’autres sont décidées dans deux, dans trois, dans quatre, & ainsi de suite jusqu’à quarante. Cependant, suivant ce qui arrive le plus ordinairement, on a distingué quatre ou cinq tems principaux dans la durée des maladies qui en décident la briéveté, (acuties). Dans la premiere classe, on a compris les maladies qui sont terminées dans l’espace de quatre jours, on les a appellées perper-aiguës ; telles sont l’apoplexie, la peste, la sueur angloise, &c. La seconde comprend celles qui durent sept jours, qu’on a nommé très aiguës ou per-aiguës, de ce nombre sont la fievre ardente & les maladies inflammatoires, légitimes, exquises. La troisieme classe renferme les maladies appellées simplement aiguës, qui s’étendent jusqu’à quatorze ou vingt-un jours, comme la plûpart des fievres continues ; enfin les autres, connues sous le nom d’aiguës par décidence, traînent depuis le vingt-unieme jour jusqu’à quelqu’un des jours intermédiai-

res entre le quarantieme, au-delà duquel, si elles

persistent, elle prennent le titre de chroniques ; & dans cette acception, lorsqu’on demande à quel tems le malade est de sa maladie, on répond qu’il est, par exemple, au septieme jour depuis l’invasion de la maladie, tems qu’il est assez difficile de connoître au juste.

En second lieu, les anciens ont distingué trois périodes ou états dans le courant d’une maladie aiguë, qu’ils ont désigné sous le nom de tems. Le premier tems est celui qu’ils ont appellé de crudité, alors la nature & la maladie sont, suivant leur expression, engagées dans le combat, la victoire ne panche d’aucun côté, le trouble est considérable dans la machine, les symptomes sont violens, & les bonnes humeurs sont confondues avec les mauvaises, ou sont crues. M. Bordeu a appellé ce tems tems d’irritation, parce qu’alors le pouls conserve ce caractere ; il est tendu, convulsif, & nullement développé. Le second tems est le tems de coction ; il tire cette dénomination de l’état des humeurs qui sont alors cuites, c’est-à-dire que les mauvaises sont, par les efforts de la nature victorieuse, séparées du sein des bonnes, & disposées à l’excrétion critique, qui doit avoir lieu dans le troisieme tems, qu’on nomme en conséquence tems de crise. Pendant les tems de la coction, les symptomes se calment, les accidens disparoissent, l’harmonie commence à se rétablir, le pouls devient mol, développé & rebondissant, les urines renferment beaucoup de sédiment. Le tems de crise est annoncé par une nouvelle augmentation des symptomes, mais qui est passagere, le pouls prend la modification critique appropriée ; & les évacuations préparées ayant lieu, débarrassent le corps de toutes les humeurs de mauvais caracteres ou superflues, & la machine revient dans son assiette naturelle. Voyez Crudité, Coction, Crise & Pouls. Les modernes ont admis une autre division qui pourroit se réduire à celle des anciens, & qui est bien moins juste, moins avantageuse, & moins exacte ; ils distinguent quatre tems ; 1°. le tems de l’invasion ou le commencement qui comprend le tems qui s’écoule depuis que la maladie a commencé jusqu’à celui où les symptomes augmentent ; 2°. le tems d’augmentation, qui est marqué par la multiplicité & la violence des accidens ; 3°. l’état où les symptomes restent au même point sans augmenter, ni diminuer ; 4°. la déclinaison, tems auquel la maladie commence à baisser & paroît tendre à une issue favorable : ce dernier tems répond à ceux de coction & de crise des anciens, & les trois autres assez inutilement distingués ne sont que le tems de crudité ; lorsque les malades se terminent à la mort, elles ne parcourent pas tous ces périodes, & ne parviennent pas aux derniers tems.

Troisiemement, dans les maladies intermittentes & dans les fievres avec redoublement, on observe deux états, dont l’un est caractérisé par la cessation ou la diminution des symptomes, & l’autre par le retour ou leur augmentation ; on a distingué ces deux états sous le nom de tems, appellant le premier tems de la remission, & l’autre tems de l’accès ou du redoublement ; le médecin, dans le traitement des maladies, ne doit jamais perdre de vue toutes ces distinctions de tems, parce qu’il peut en tirer des lumieres pour leur connoissance & leur pronostic, & sur-tout parce que ces tems exigent des remedes très différens. Voyez Fievre exacerbante, intermittente, Paroxisme, Epilepsie, Goutte, Hystérique, passion, &c.

Il est aussi très-important de faire attention aux tems de l’année, c’est-à-dire aux saisons ; voyez Printems, Automne, Été, Hiver, Saisons, (Médecine) ; & aux tems de la journée, voyez Matin & Soir, (Médecine), parce que les maladies varient