L’Encyclopédie/1re édition/EPILEPSIE

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EPILEPSIE, s. f. (Medecine.) est une espece de maladie convulsive qui affecte toutes les parties du corps, ou quelques-unes en particulier, par accès périodiques ou irréguliers, pendant lesquels le malade éprouve la privation ou une diminution notable de l’exercice de tous ses sens & des mouvemens volontaires.

Le mot épilepsie, ἐπιληψία, ἐπίληψις, vient du grec ἐπιλανβάνεσθαι, qui signifie surprendre, à cause que ce mal saisit tout-à-coup ceux qui y sont sujets : les Latins ont appellé cette maladie comitialis morbus, parce que les Romains rompoient leurs assemblées, lorsqu’il arrivoit que quelqu’un y étoit attaqué d’épilepsie ; ce qu’ils regardoient comme de mauvais augure. D’autres l’ont nommée morbus sacer, soit parce qu’ils la regardoient comme une punition du ciel, soit parce que le siége de la cause paroît être dans la tête, qu’ils regardoient comme la partie sacrée du corps, sacra palladis arx ; soit parce que les personnes qui sont surprises par un accès d’épilepsie le sont si subitement, qu’elles semblent frappées de la foudre. On lui a encore donné le nom de morbus herculeus, ou parce qu’Hercule étoit sujet à cette maladie, ou parce qu’elle semble résister avec beaucoup de force à celle des remedes, qui ne peuvent que très-difficilement en surmonter la cause & la détruire. L’on donne aussi communément à l’épilepsie le nom de morbus caducus, mal caduc, à cadendo, & celui de haut mal, parce que les malades ne peuvent s’empêcher ordinairement de tomber de leur haut, s’ils sont debout, lorsque l’accès les surprend ; celui de sonticus, parce que cette maladie nuit beaucoup à l’économie animale : on trouve encore dans plusieurs auteurs cette maladie désignée sous le nom de morbus puerilis, νόσημα παιδίον, selon Hippocrate, parce que les enfans sont très-susceptibles d’être attaqués de cette maladie.

L’épilepsie admet plusieurs différences, ou par les divers accidens qu’elle produit, ou par les différens siéges de sa cause : celles-là consistent en ce que la maladie peut être plus ou moins violente, récente ou invétérée, &c. celles-ci sont plus importantes a établir ; elles consistent en ce que la maladie peut être idiopathique, c’est-à-dire, que la cause réside dans la tête & affecte le cerveau immédiatement ; ou sympathique, dont la cause existe dans toute autre partie que le cerveau, & ne l’affecte que par communication, comme dans l’estomac, la matrice, ou dans toute autre partie du corps.

Les symptomes de cette maladie sont si variés, si extraordinaires & si terribles, qu’on a crû anciennement ne pouvoir les attribuer qu’à des causes surnaturelles, comme au pouvoir des dieux, des démons, aux enchantemens, ou à l’influence des astres, comme à celle de la lune, &c.

Cependant toutes ces variétés ne dépendent que des différens mouvemens des parties qui en sont susceptibles ; par conséquent des muscles : elles consistent principalement, ces variétés, dans les différentes contractions musculaires ; celles-ci ne peuvent être excitées que par la différente distribution, le cours involontaire, irrégulier du fluide nerveux dans les organes du mouvement, cependant qu’il est empêché de se porter aux organes du sentiment ; & par ce qui peut produire ces effets.

Les causes en sont très-nombreuses, telles 1°. que les lésions du cerveau dans ses enveloppes, sa surface, sa substance, ses cavités, par commotion, contusion, blessure, par abcès, effusion ou épanchement de sang, de sanie, de pus, d’ichorosité, de lymphe acrimonieuse, par quelque excroissance osseuse de la surface interne du crane, par enfoncement de quelques-unes de ses parties, par quelque fragment ou quelque esquille d’os, ou quelque corps dur étranger qui blesse les meninges ou la substance de ce viscere ; par un amas de globules mercuriels qui soient portés, par quelque voie que ce soit, dans ses vaisseaux ou ses cavités ; la corruption de la substance même du cerveau par les suites d’une inflammation, de l’érosion de ses membranes ; de la carie de sa boîte osseuse. Ces différentes causes sont rendues plus actives par tout ce qui peut augmenter la quantité des humeurs qui se portent vers le cerveau, comme la pléthore, l’exercice immodéré, la chaleur, l’excès dans l’usage du vin, de la bonne chere, du coït, la contention d’esprit, les profondes méditations, les grands efforts de l’imagination, & sur-tout la crainte & la terreur.

2°. On doit encore placer, parmi les causes des contractions musculaires irrégulieres, tout ce qui affecte violemment le genre nerveux, comme les douleurs fortes & périodiques, la passion hystérique, les irritations & les érosions causées dans les enfans par l’effet des vers, par des humeurs acres ramassées dans les boyaux, par la qualité acre-acide du lait, & par sa coagulation, par le méconium, par la dentition difficile, par le levain de la petite vérole, les violentes douleurs d’estomac, la matiere d’un ulcere renfermée dans quelque partie, la trop grande abstinence de manger, comme aussi la crapule & l’usage des alimens, de boisson acre, de remedes & de poisons de même qualité.

3°. On doit attribuer les mêmes effets aux causes suivantes ; savoir, à la suppression de certaines évacuations qui se faisoient auparavant, comme des menstrues, des lochies, des hémorrhoïdes, de la sanie, du pus, d’urine ; à la répercussion de la galle, d’une dartre.

4°. On doit encore ranger parmi les causes des convulsions épileptiques, certaine vapeur dont le foyer a ordinairement son siége dans quelque partie des extrémités du corps, d’où elle semble s’élever au commencement de l’accès, en excitant le sentiment d’une espece d’air ou vapeur qui monte vers les parties supérieures jusqu’à ce qu’il soit parvenu au cerveau ; ce qui est souvent l’effet d’un nerf comprimé par quelque cicatrice ou quelque tumeur, comme un skirrhe, un ganglion. Il n’est pas facile de rendre raison de ce phénomene ; il est cependant vraissemblable qu’il est produit par une contraction spasmodique qui resserre les vaisseaux des parties mentionnées (où se fait sentir cette espece d’aura frigida), y arrête le cours du sang, d’où le sentiment de froideur, & fait refluer les humeurs vers les parties supérieures ; d’où s’ensuit que la maladie, dans son commencement, ressemble souvent à une attaque d’apoplexie. Voyez une observation à ce sujet dans le recueil de celles de la société d’Edimbourg, tome IV. Voyez Vapeur.

5°. La plûpart de ces causes (I. II. III. IV.) peuvent être l’effet d’une mauvaise conformation des solides, d’un vice héréditaire transmis du pere ou de la mere, ou de quelques ancêtres ; en sorte qu’il arrive quelquefois que le fils n’en éprouve aucun mauvais effet, mais bien le petit-fils : peut-être peuvent-elles être aussi l’effet de l’imagination de la mere, qui ayant eu occasion de voir un épileptique pendant sa grossesse, en a eu l’esprit frappé.

Toute cette exposition des différentes causes de l’épilepsie, tirée de Boerhaave, est le résultat de ce qu’ont appris à cet égard l’observation des symptomes de cette maladie, & l’inspection des cadavres de ceux qui en ont été atteints ; en sorte qu’on peut en conclure que la cause prochaine dépend de la disposition du cerveau, dans laquelle les voies qui servent à distribuer le fluide nerveux aux organes du sentiment. sont fermées totalement, ou considérablement embarrassées, pendant que celles qui servent à distribuer le même fluide aux organes du mouvement, restent ouvertes & le reçoivent en abondance, avec beaucoup de célérité & sans ordre.

Les personnes qui sont sujetes aux attaques d’épilepsie, sentent qu’ils sont sur le point d’en souffrir une par les signes suivans : ils éprouvent d’abord une chaleur extraordinaire ; la vûe se trouble ; ils sentent des sursauts dans les tendons ; la mémoire est affoiblie. Des vertiges, des ébloüissemens, de mauvaises odeurs, du bruit dans les oreilles, des douleurs & des pesanteurs de tête, la pâleur du visage, un mouvement irrégulier dans la langue, une tristesse profonde, des ardeurs d’entrailles, sont aussi les avant-coureurs de cette maladie ; & lorsque l’accès commence, le malade est le plus souvent renversé tout-à-coup, ou, s’il est couché, les extrémités inférieures se plient & sont ramenées involontairement vers le tronc. Il fait d’abord de grands cris, & ensuite il respire avec peine & avec bruit, comme si on l’étrangloit ; il grince des dents ; il rend de l’écume par la bouche ; il fait des grimaces horribles ; il est agité par des convulsions dans tout son corps, & il éprouve des secousses violentes, qu’il n’est pas en son pouvoir d’empêcher ; il perd ordinairement l’usage de tous ses sens ; il se vuide involontairement des matieres fécales, de l’urine ; il se fait de même quelquefois un écoulement de semence, & il ne peut appercevoir rien de ce qui se présente autour de lui, pendant le paroxysme, dont il puisse se rappeller le souvenir après qu’il est fini : quelquefois cependant, lorsque l’attaque n’est pas forte, il n’a pas toutes les parties du corps en convulsion, & il ne tombe pas toûjours ; il n’a que quelques parties agitées ; sa tête, par exemple, éprouve des secousses, ou les yeux lui tournent, ou il jette ses bras & ses jambes de côté & d’autre, ou il tient opiniâtrement les poings fermés, ou il marche en tournant & court çà & là, sans parler cependant, sans rien entendre & sans rien sentir, ensorte qu’il ne se souvient aucunement de tout cela après l’accès. Marcellus Donatus a observé une épilepsie dans laquelle le malade ne tomboit point ; Antoine Benivenius & Sennert rapportent avoir vû un épileptique qui restoit debout pendant l’accès : Dodonée dit en avoit vû un qui restoit assis ; Eraste un autre qui couroit ; & Brunner parle d’un épileptique qui entendoit ce qu’on lui disoit & ce qu’on faisoit auprès de lui, dont il se ressouvenoit après le paroxysme : mais ce sont-là des cas très-rares.

On distingue l’épilepsie en général du spasme, en ce que celui-ci & toutes ses especes consistent dans une contraction des muscles constante & opiniâtre ; au lieu que dans l’épilepsie la contraction musculaire ne subsiste pas continuellement, & se fait par intervalles & comme par secousses. On la distingue aussi de la convulsion, parce que dans celle-ci il n’y a pas d’altération dans l’usage des sens, & dans celle-là il y a presque toûjours en même tems lésion des fonctions pour le mouvement & pour le sentiment.

Outre les signes ci-dessus rapportés qui caractérisent l’épilepsie en général, il y en a aussi pour connoître les différentes especes qui leur sont particulieres ; ainsi celle dans laquelle le cerveau est immédiatement affecté, se connoît parce que le malade n’a ordinairement point de pressentiment de l’attaque qu’il va essuyer : il en est surpris comme d’un coup de foudre ; il n’a pas le moindre sentiment de douleur dans aucune partie de son corps avant l’accès, & il ne se porte aucune autre impression des parties inférieures vers les supérieures ; il est habituellement sujet à des symptomes qui indiquent que le cerveau est affecté, tels que la pesanteur de tête, la pâleur du visage, les vertiges, l’obscurcissement de la vûe, le sommeil inquiet, agité, l’affoiblissement considérable de l’exercice des fonctions animales, l’engourdissement des sens. Les paroxysmes qui proviennent du vice du cerveau sont plus violens & plus longs, il sort de la bouche une plus grande quantité d’écume.

Les attaques d’épilepsie sympathique sont distinguées de celle de l’idiopathique, parce qu’il précede ordinairement quelques signes qui annoncent celles-là, tels que la douleur de quelque partie inférieure, & le sentiment d’une vapeur qui s’éleve en même tems vers la tête. Les paroxysmes sont moins violens à tous égards ; ceux qui sont occasionnés par le vice de l’estomac s’annoncent par un sentiment d’agitation, d’érosion & de morsure dans ce viscere, de pesanteur, de tension dans la région épigastrique. Lorsque la corruption du lait dans l’estomac des enfans donne lieu à l’épilepsie, ils éprouvent auparavant des douleurs d’entrailles, & ils rendent des matieres fécales saffranées, & quelquefois ressemblantes au verd-de-gris : d’ailleurs dans tous les cas où la cause de l’épilepsie a son siége dans l’estomac, on apperçoit les signes qui annoncent la lésion de ce viscere, tels que le défaut d’appétit, les digestions imparfaites, les rots, &c. Lorsque les vers sont la cause de l’épilepsie, on le connoît par les signes qui indiquent leur existence & leurs effets. Voyez Vers.

Lorsque la matrice est le siége de la cause de cette maladie, on s’en assûre par les symptomes qui sont connoître la lésion de cet organe. Voyez Matrice.

On peut juger si l’épilepsie provient d’une cause qui soit fixée dans une partie externe, en examinant si elle a été précédemment affectée de quelque blessure, ou abcès, ou ulcere, de la morsure de quelque bête venimeuse : s’il y ressent quelque douleur avant l’accès, on s’en assûre, si l’on peut en arrêter les progrès, ou au moins les modérer, en appliquant une ligature au membre d’où l’on soupçonne que vient le mal, au-dessus de l’endroit que l’on en croit le siége, & en faisant des frictions à la partie qui est au-dessous.

L’énumération de tous les signes des différentes especes d’épilepsie se trouve plus circonstanciée dans les œuvres de Sennert, d’où on a tiré ce qui vient d’en être rapporté. Le même auteur entre dans un détail bien exact, pour recueillir tous les phénomènes qui peuvent servir à établir les signes prognostics de cette maladie. Nous allons en dire quelque chose ; on ne peut mieux faire que de le consulter, de même que Nicolas Pison, Lommius, pour ce qui peut manquer ici à cet égard.

L’épilepsie, de quelle espece qu’elle soit, est toûjours dangereuse ; elle est cependant ordinairement une maladie de long cours, à moins que les accès ne soient si violens, si fréquens, & de si longue durée, qu’ils occasionnent bien-tôt la mort : celle dans laquelle les fonctions animales sont abolies, les mouvemens convulsifs sont très-forts & durent long-tems, les excrémens sont rendus par le malade sans qu’il s’en apperçoive, & où il tombe ensuite dans l’inaction & le repos, en sorte qu’il semble mort, doit faire craindre un évenement fâcheux, sur-tout lorsqu’elle est invétérée : celle au contraire qui est récente, & dont les accès sont courts, sans convulsions violentes, est presque exempte de danger & susceptible de guérison, sur-tout si la respiration est libre.

L’épilepsie héréditaire, de quelque espece qu’elle soit, est presque toûjours incurable ; ni l’âge plus avancé, ni l’art, ne peuvent en détruire la cause. Selon Hippocrate, l’épilepsie qui survient avant l’âge de puberté peut être guérie ; celle qui attaque après l’âge de vingt-cinq ans ne cesse guere, qu’avec la vie, de produire ses effets : c’est-là ce qui arrive ordinairement, mais non pas toûjours ; car il n’est pas sans exemple d’avoir vû des personnes d’un âge avancé qui ont été délivrées des accès d’épilepsie. « Les jeunes personnes attaquées de cette maladie, en sont guéries par le changement d’air, de résidence & de régime », dit encore le pere de la Medecine.

Les enfans qui sont sujets à l’épilepsie dès leur naissance, sont plus en danger d’en périr, à proportion qu’ils sont moins avancés en âge : ceux qui prennent de la gale à la tête en sont rarement attaqués, selon la remarque de Baglivi. De quelque espece que soit cette maladie, il est plus ordinaire d’en voir les hommes attaqués que les femmes, les enfans que les vieillards : lorsqu’elle survient à ces derniers elle est presque incurable.

Rien ne dispose tant les enfans qui en sont atteints à en guérir, que d’avancer en âge, car les garçons s’en délivrent par le coït, & les filles par l’éruption des regles.

On a observé sort justement que si une femme devient épileptique pendant sa grossesse, elle s’en délivre par l’accouchement. Cependant il est très-dangereux qu’une femme grosse ait des attaques d’épilepsie ; il y a lieu de craindre l’avortement, & des suites encore plus fâcheuses.

L’épilepsie idiopathique est toûjours plus dangereuse & plus difficile à guérir que la sympathique ; & celle-ci est cependant très-pernicieuse, lorsque le vice de la partie qui affecte le cerveau par communication est invétéré.

Si le délire & la paralysie succedent à l’épilepsie, il n’y a plus de remede à tenter, le mal est incurable.

La mélancolie produit souvent l’épilepsie, comme l’épilepsie produit aussi la mélancolie, selon Hippocrate. L’apoplexie est quelquefois une suite très funeste de celle-là : on prétend que c’est presque un remede assûré qu’il survienne une longue fievre à l’épilepsie, & sur-tout la fievre quarte.

Il est facile de conclure, de tout ce qui vient d’être dit de l’épilepsie, des différentes causes qui peuvent l’établir, de celles qui en déterminent les effets des diverses parties du corps où peut être fixé le siége du mal, que l’on ne peut pas proposer une méthode générale pour le traitement de cette maladie ; il faut avoir égard à toutes les différences du vice dominant, efficient, & de celui qui est occasionnel, pour appliquer les remedes qui conviennent au caractere bien connu de ces différentes causes ; on doit examiner si elles sont susceptibles d’être détruites, ou si elles ne le sont pas : dans le premier cas on peut entreprendre la cure radicale de la maladie, & dans le second on ne peut s’occuper que de la cure palliative. On doit aussi distinguer dans le traitement le tems & l’intervalle des paroxysmes : ainsi le medecin appellé (ce qui arrive rarement) pour un malade qui est actuellement dans un accès d’épilepsie, doit d’abord le faire placer étendu sur le dos, la tête un peu relevée, plûtôt dans un lieu bien éclairé que dans un endroit obscur ; lui faire ensuite ouvrir la bouche, & lui faire mettre entre les machoires quelque corps qui résiste à l’action des dents, sans risque de les rompre, pour empêcher qu’il ne la ferme, afin de donner un écoulement à la salive & à l’écume qui se ramasse, de rendre la respiration libre en conséquence, & de prévenir l’effet des convulsions par lequel il pourroit se mordre la langue, comme il est arrivé souvent au point qu’il en a été entierement coupé des portions, selon l’observation de Galien & de Forestus : il faut en même tems disposer le malade, de maniere qu’il ne puisse pas se blesser par les différentes agitations de son corps.

Ces préalables remplis, quelques auteurs recommandent en général d’employer divers remedes spiritueux, volatils, dont on frote les narines, les tempes, dont on verse quelques gouttes dans la bouche du malade ; de lui faire sentir des odeurs fortes, de lui souffler des poudres sternutatoires dans les narines, de lui donner des lavemens acres, irritans ; de lui faire des frictions aux extrémités, & d’y appliquer de tems en tems des ligatures, & les relâcher. Mais il faut observer que dans l’épilepsie habituelle il vaut mieux laisser le malade en repos, que de lui administrer tous ces remedes, qui ne font le plus souvent qu’augmenter la fatigue que lui causent les convulsions ; ils ne peuvent être utiles que dans le cas où il paroît que la circulation est rallentie, que la chaleur naturelle est considérablement diminuée, & qu’il y a lieu de craindre quelque défaillance mortelle, ou qu’une attaque d’apoplexie ne succede à celle d’épilepsie, ou que celle-ci ne dégénere en paralysie.

Après que l’accès épileptique a cessé, on doit s’appliquer à employer les moyens qui peuvent en empêcher le retour, ou au moins le rendre plus rare, en attendant que l’on puisse parvenir à détruire entierement la cause efficiente du mal, si elle en est susceptible ; & quoiqu’elle soit de différente nature, il y a cependant des indications à suivre, communes à toutes les especes de cette maladie : ainsi, comme il peut y avoir des signes de plethore après la fin de l’accès, de quelque cause qu’il provienne, on doit d’abord y remédier par les évacuations générales, mesurées & réglées sur les forces du malade, c’est-à-dire par la saignée & les purgations. Si la foiblesse du malade paroît être le symptome qui exige le remede le plus pressant, on a recours aux cordiaux & à la diete analeptique.

Dès que le malade est en disposition de soûtenir les remedes convenables contre le vice que l’on est assûré être la cause principale de l’épilepsie, on ne doit rien négliger pour le corriger ou pour empêcher ses funestes effets, avant que le mal ait jetté de plus profondes racines : ainsi lorsque l’épilepsie est idiopathique, & qu’elle est l’effet de quelque conformation vicieuse dans les solides du cerveau, ou de quelque tumeur osseuse, skirrheuse, ou de quelque autre cause de cette nature ; comme on ne peut pas savoir positivement le point où réside cette cause, & que quand on le pourroit connoître, il ne seroit souvent pas possible d’y atteindre pour la détruire, on doit se borner dans de semblables cas à prévenir ou à faire cesser l’effet des causes occasionnelles qui pourroient augmenter l’engorgement des vaisseaux du cerveau dans la partie comprimée par plénitude ou par irritation : on obtiendra cet effet par les remedes propres contre la plethore & l’acrimonie des humeurs. Si la maladie est causée par la pression ou l’irritation occasionnée par quelque corps étranger, soit solide, soit liquide, on doit tâcher d’en faire l’extraction par le trépan, ou par tout autre moyen que l’art peut fournir. Les autres maladies du crane & du cerveau, qui peuvent donner lieu à l’épilepsie, doivent être traitées par les remedes appropriés, si elles sont de nature à en admettre quelqu’un, car le plus souvent elles sont incurables, sur-tout dans les adultes. Les causes déterminantes des paroxysmes, qui sont telles qu’elles peuvent se renouveller continuellement, doivent être soigneusement recherchées, pour employer les moyens propres à empêcher qu’elles n’ayent lieu, ou à les détruire. Lorsqu’elles sont formées elles sont très-nombreuses, ainsi il faut avoir bien distingué le caractere de chacune, avant que de lui opposer des remedes, tant préservatifs que curatifs. Le régime sert beaucoup en ces deux qualités, & l’usage réglé des six choses nécessaires, que l’école appelle non-naturelles, fournit aussi des secours efficaces pour remplir cette double indication.

Pour ce qui est des médicamens, ils doivent être choisis de nature à combattre le vice dominant des solides ou des fluides. Si les premiers pechent par trop de rigidité, de sécheresse, on doit employer les relâchans, les humectans intérieurement, extérieurement, tels que les tisannes appropriées, les eaux minérales froides, les lavemens, les bains tiedes. S’ils pechent par trop de tension, d’érétisme, comme dans les douleurs quelconques, on doit faire usage des anodyns, des narcotiques, des antispasmodiques, & travailler ensuite à emporter la cause connue : si elle dépend des acres irritans, comme des matieres pourries, des vers dans les premieres voies, ce qui a presque toûjours lieu dans les enfans épileptiques, les vomitifs, les purgatifs, les amers, les mercuriels, les anthelmintiques, sont les moyens que l’on doit employer pour la détruire : si elle est occasionnée par la dentition ; les remedes en sont indiqués en son lieu (voyez Dentition) ; ainsi des autres vices qui peuvent occasionner la douleur, contre lesquels on doit user des moyens proposés dans les différens articles où il en est traité. Voyez Douleur, &c.

Si les fluides pechent par épaississement ou par acrimonie, on employe avec succès contre le vice de la premiere espece, les purgatifs aloétiques, hydragogues, les fondans antimoniaux, les apéritifs martiaux & mercuriels ; & contre celui de la seconde, les spécifiques, qui changent la nature des acres acides ou alkalis, en substances neutres qui sont moins nuisibles. Voyez Acide & Alkali. Les bouillons de poulet, de tortue ; l’usage du lait, la diete blanche même, produisent de bons effets dans la cure de l’épilepsie qui provient de l’acrimonie des humeurs. S’il y a lieu de soupçonner que cette cause soit compliquée avec des obstructions, avec l’épaississement, on peut unir utilement le lait avec les apéritifs, en le faisant prendre coupé, avec des décoctions de plantes apéritives, avec les eaux minérales ferrugineuses. Le petit-lait rendu médicamenteux, conformément à l’indication, est aussi très-convenable.

Si le vice des fluides est particulier, & qu’il consiste, par exemple, en ce que certaines évacuations naturelles ou contre nature, devenues habituelles, sont supprimées ou diminuées, on ne doit s’occuper qu’à les rétablir par les remedes convenables. C’est dans cette vûe que l’on employe souvent avec succès contre l’épilepsie, dans ces cas, les emmenagogues, les diurétiques, les sudorifiques, &c. contre la suppression des regles, des urines, de la transpiration, &c. les vesicatoires, les caustiques, les sétons, pour faire des ulceres artificiels qui suppléent à d’autres, nécessaires pour donner issuë à de mauvaises humeurs. Les Indiens appliquent dans cette vûe des caustiques au bas des jambes.

Si le vice qui produit l’épilepsie, dépend d’une tumeur, d’une cicatrice, ou de toute autre cause qui agit en comprimant, en irritant un nerf principal dans quelque partie externe, on doit tâcher de le détruire par toute sorte de moyen convenable à sa nature, en diminuant la sensibilité des nerfs en général, en les fortifiant par les remedes appropriés, par l’exercice, par le régime ; en appliquant des ligatures au membre affecté, pour arrêter la propagation du mal vers le cerveau, lorsque l’accès épileptique peut être prévenu ; & s’il résiste, & que le siége en soit connu, on n’a d’autre ressource que d’y pénétrer avec le fer ou le feu, & d’y former un ulcere dont on entretienne la suppuration, pour emporter le foyer du mal.

On propose en général bien de différens remedes contre l’épilepsie, tels que le cinnabre naturel, qui peut être employé avec d’autant plus de succès, qu’il a la propriété de dissoudre les concrétions sanguines & lymphatiques, & de produire cet effet dans des vaisseaux moins petits que ceux dans lesquels agit le mercure, sans agiter autant les humeurs. Le cinnabre n’est pas si pénétrant, parce qu’il est d’une moindre gravité spécifique Les praticiens font aussi grand usage du gui de chêne, de l’ongle d’élan, qui sont particulierement recommandés par Baglivi ; la pivoine mâle, la valériane sauvage, la rue, le castoreum, le camphre, le succin, les vers de terre diversement préparés ; la poudre de guttete, qui est un composé de ceux-là, &c. mais il n’en est aucun que l’on puisse regarder comme spécifique contre toutes les différentes causes de cette maladie. La propriété de ces diverses drogues étant connue, on doit en faire l’application contre le vice dominant auquel elles sont opposées : on peut dire cependant qu’il est peu de cas dans lesquels elles ne puissent convenir, parce qu’elles peuvent toûjours produire l’effet essentiel de régler le cours du fluide nerveux, par l’analogie qu’ont leurs parties subtiles, intégrantes, avec celles de la matiere qui coule dans les nerfs. Voyez Remedes antispasmodiques.

On ne doit pas omettre ici de faire mention du kinkina, qui peut être employé avec succès dans toutes les especes d’épilepsie périodique.

Boerhaave, qui avoit d’abord pensé, à la suite de quelques expériences favorables, que le sel d’étain pouvoit être un remede assûré contre cette maladie en général, s’est convaincu par des observations ultérieures, qu’il n’est bon que contre celle qui provient de l’acidité dominante dans les premieres voies.

Il seroit trop long de rapporter ici tous les autres remedes que l’on a mis en usage contre l’épilepsie & ses différentes especes ; ceux dont on a fait mention, sont les plus usités dans la pratique, on n’en connoît point d’assûré jusqu’à présent : il n’y a que des charlatans qui disent en donner de tels, sans craindre la honte de manquer le succès, que l’on ne peut presque jamais se promettre dans le traitement de l’épilepsie les adultes. (d)

Epilepsie, (Manége, Maréchall.) maladie non moins redoutable dans les chevaux que dans les hommes, & dont le siége & les causes physico-méchaniques sont sans doute les mêmes. Ses symptomes varient. Cette agitation violente & convulsive saisit en effet certains chevaux tout-d’un-coup ; ils tombent, ils frissonnent, ils écument, & le paroxysme est plus ou moins long. Il en est d’autres en qui l’accès s’annonce par des borborygmes, par un battement de flanc, par un flux involontaire d’urine, par un froid qui glace toutes leurs extrémités ; à peine sont-ils tombés, que leurs yeux semblent tourner dans les orbites ; leurs membres se roidissent : quelquefois aussi leurs articulations sont attaquées d’un tremblement extraordinaire. J’en ai vû qui se relevoient un instant après leur chûte, qui prenoient le fourrage qu’on leur présentoit sur le champ, & qui mangeoient aussi avidement que s’ils joüissoient d’une santé entiere. Un étalon atteint de ce mal, tomboit, sans qu’aucun signe précédât l’attaque ; il écumoit, mordoit sa langue, & la déchiroit avec ses dents : au bout d’un demi-quart d’heure son membre entroit, en érection, il éjaculoit une quantité considérable de semence ; il se relevoit aussitôt, se secoüoit, & hennissoit pour demander du fourrage. Une jument n’avoit des accès épileptiques que lorsqu’elle étoit trop sanglée, & seulement des les premiers pas qu’elle faisoit sous le cavalier. Un cheval de tirage, après avoir cheminé trente pas étant attelé ; un cheval napolitain, estrapassé, & gendarmé pendant long-tems dans les piliers ; un cheval limousin, naturellement timide, & qu’on effrayoit indiscretement pour l’accoûtumer au feu ; un poulain dont une multitude de vers rongeoient les tuniques des intestins, étoient affligés de cette maladie, ainsi qu’un cheval sujet à une fluxion périodique sur les yeux, & dont on le guérit.

Les remedes convenables, selon les idées que nous nous formons de l’épilepsie, sont nombreux ; mais leur multiplicité n’en garantit pas le succès. Il paroît qu’on doit débuter par l’administration des médicamens généraux. Les saignées à la jugulaire sont propres à dégorger les sinus de la dure-mere ; on peut en pratiquer au plat de la cuisse, pour opérer une révulsion. On purgera plusieurs fois, & on fera entrer l’aquila alba dans le breuvage purgatif : on aura recours aux lavemens émolliens : on mettra enfin en usage la décoction des bois de gayac, de sassafras, de santaux, de racine de pivoine, dont on humectera le son que l’on donnera tous les matins à l’animal : dans la journée on mêlera dans cette même nourriture des poudres anti-épileptiques, telles que celles de vers de terre, de gui de chêne, d’ongle de cheval, de castoreum, de semence de pivoine, de grande valériane. On pourra & il sera bon d’employer le cinnabre ; on tentera des sétons à l’encolure, ou dans d’autres parties du corps. J’avoue néanmoins que j’ai éprouvé, relativement à cinq ou six chevaux que j’ai traités de cette maladie, l’insuffisance de tous ces médicamens ; leur plus grande efficacité s’est bornée à éloigner simplement les accès, mais nul d’entr’eux n’en a opéré la cure radicale. Cet aveu me coûte d’autant moins, que je trouverois, si mon amour propre pouvoit en être blessé, dans la sincérité de quelques medecins, & dans l’impuissance des secours qu’ils entreprennent de fournir aux hommes en pareil cas, de quoi me consoler de l’inutilité de mes soins & de mes efforts. (e)