rens airs sur un instrument ; & lorsqu’il a rencontré celui qui plaît au malade, on voit aussi-tôt celui-ci faire un petit mouvement : ses doigts commencent à se remuer en cadence, ensuite ses bras, puis ses jambes & tout le corps successivement. Enfin il se leve sur ses piés & se met à danser, devenant toujours plus fort & plus actif. Quelques-uns continuent à danser pendant six heures sans relâche.
On met ensuite le malade au lit ; & quand on juge qu’il est suffisamment reposé de sa danse, on le fait lever en jouant le même air pour danser de nouveau.
On continue cet exercice pendant plusieurs jours, c’est-à-dire pendant six ou sept au plus. Alors le malade se trouve excessivement fatigué & hors d’état de danser plus long-tems, ce qui est la marque de la guérison ; car tant que le poison agit sur lui, il danseroit, si l’on vouloit, sans discontinuer jusqu’à ce qu’il mourût de foiblesse.
Le malade se sentant fatigué, commence à revenir à lui-même, & se réveille comme d’un profond sommeil, sans aucun souvenir de ce qui lui est arrivé dans son paroxysme, & pas même d’avoir dansé.
Quelquefois il est entierement guéri après un premier accès. Si cela n’est pas, il se trouve accablé de mélancolie, il évite la vue des hommes & cherche l’eau ; & si on ne veille exactement sur lui, il se jette dans quelque riviere. S’il ne meurt pas de cette fois, il retombe dans son accès au bout de douze mois, & on le fait danser de nouveau. Quelques-uns ont régulierement ces accès pendant vingt ou trente ans.
Chaque malade aime particulierement un certain air de musique ; mais les airs qui guérissent sont tous en général très-vifs & très-animés. Voyez Air & Ton.
Ce que nous venons de rapporter fut communiqué en 1702 à l’académie royale des Sciences, par M. Geoffroy, à son retour d’Italie, & fut confirmé par les lettres du P. Gouye. Baglivi nous donne la même histoire dans une dissertation composée exprès sur la tarentule, & publiée en 1696.
Il n’est pas étonnant qu’on ait ajouté quelques fables à des faits si extraordinaires ; comme par exemple, que la maladie ne dure que tant que la tarentule vit ; & que la tarentule danse elle-même pendant tout ce tems-là le même air que la personne mordue.
Théorie des effets de la morsure de la tarentule, par M. Geoffroy. Cet auteur conçoit que le suc empoisonné que transmet la tarentule, peut donner aux nerfs un degré de tension plus grand que celui qui leur est naturel, ou qui est proportionné à leurs fonctions ; de-là vient la perte de connoissance & de mouvement. Mais en même tems cette tension se trouvant égale à celle de quelques cordes d’un instrument, met les nerfs à l’unisson avec certains tons, & fait qu’ils vont ébranlés & agités par les ondulations & les vibrations de l’air qui sont propres à ces tons. De-là cette guérison merveilleuse qu’opere la musique : les nerfs étant par ce moyen rétablis dans leur mouvement naturel, rappellent les esprits qui auparavant les avoient abandonnés. Voyez Unisson & Accord.
On peut ajouter, avec quelque probabilité & sur les mêmes principes, que l’aversion du malade pour certaines couleurs vient de ce que la tension de ses nerfs, même hors du paroxysme, étant toujours différente de ce qu’elle est dans l’état naturel, les vibrations que ces couleurs occasionnent aux fibres du cerveau sont contraires à leur disposition, & produisent une dissonnance qui est la douleur.
Théorie des effets de la morsure de la tarentule, par le D. Mead. La malignité du venin de la tarentule consiste dans sa grande force & sa grande activité
par laquelle il excite aussi-tôt dans tout ce fluide artériel une fermentation extraordinaire qui altere considérablement son tissu ; en conséquence de quoi il arrive nécessairement un changement dans la cohésion des particules de ce liquide ; & par ce moyen les globules de sang qui auparavant se pressoient les uns les autres avec une égale force se trouvent avoir une action irréguliere & fort différente ; ensorte que quelques-uns sont si fortement unis ensemble qu’ils forment des molécules, & comme de petits pelotons. Sur ce pié-là, comme il y a alors un plus grand nombre de globules enfermés dans le même espace qu’il n’y avoit auparavant, & que l’impulsion de plusieurs d’entre eux, lorsqu’ils sont unis ensemble, varie suivant le degré de leur cohésion, suivant leur grosseur, leur figure, &c. l’impétuosité avec laquelle ce sang artériel est poussé vers les parties, ne sera pas seulement plus grande quelquefois qu’à l’ordinaire ; mais encore la pression sur les vaisseaux sanguins sera nécessairement irréguliere & fort inégale ; ce qui arrivera particulierement à ceux qui se distendent le plus aisément, tels que ceux du cerveau, &c.
En conséquence le fluide nerveux doit subir divers mouvemens ondulatoires, dont quelques-uns seront semblables à ceux que différens objets agissant sur les organes du corps ou sur les passions de l’ame excitent naturellement. De-là s’ensuivent nécessairement certains mouvemens du corps qui sont les suites ordinaires de la tristesse, de la joie, du désespoir, & d’autres passions de l’ame. Voyez Passions.
Il y a alors un certain degré de coagulation du sang, laquelle étant accompagnée d’une chaleur extraordinaire, comme il arrive dans le pays où les tarentules abondent, produira encore plus sûrement les effets dont nous avons parlé : car les esprits séparés du sang ainsi enflammé & composé de particules dures, fines & seches, ne sauroient manquer d’avoir part à cette altération, c’est-à-dire qu’au-lieu que leur fluide est composé de deux parties, l’une plus active & plus volatile, l’autre plus visqueuse & plus fixe, qui sert en quelque façon de véhicule à la premiere, leur partie visqueuse se trouvera alors trop semblable à la partie active ; par conséquent ils auront plus de volatilité & de force qu’à l’ordinaire ; c’est pourquoi à la moindre occasion ils se porteront irrégulierement à chaque partie.
De-là s’ensuivront des sauts, de la colere, ou de la crainte pour le moindre sujet ; une extrême joie pour des choses triviales, comme des couleurs particulieres, & choses semblables ; & d’un autre côté de la tristesse dès qu’une chose ne plaît pas à la vue ; des ris, des discours obscenes & des actions de même nature, & d’autres pareils symptomes qui surviennent aux personnes mordues par la tarentule ; parce que dans la disposition où est alors le fluide nerveux, la plus légere cause le fait refluer avec ondulation vers le cerveau, & produit des images aussi vives, que pourroit faire la plus forte impression dans l’état naturel de ce fluide. Dans une telle confusion, les esprits ne peuvent manquer, même sans aucune cause manifeste, de se jetter quelquefois avec précipitation sur les organes vers lesquels ils se portoient le plus souvent en d’autres tems ; & l’on sait quels sont ces organes dans les pays chauds.
Les effets de la musique sur les personnes infectées du venin de la tarentule, confirment la doctrine précédente. Nous savons que le mouvement musculaire n’est autre chose qu’une contraction des fibres, causée par le sang arteriel, qui fait une effervescence avec le fluide nerveux, lequel par la légere vibration & le trémoussement des nerfs, est déterminé à se porter dans les muscles. Voyez Musculaire.
Ainsi la musique a un double effet, & agit égale-