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faire passer aucune liqueur dans le conduit de l’oreille, mais cette expérience ne prouve rien contre le passage de la fumée ou de l’air. Il imagine pourtant d’avoir trouvé un passage dans un autre endroit du tambour, dans des têtes de personnes mortes de maladie & de mort violente. Cowper assûre qu’on trouve cette ouverture à l’endroit supérieur de cette membrane. Rivinus & quelques autres soutiennent que le tambour est percé dans l’endroit où le manche du marteau s’attache à sa tête, & que c’est par-là que la fumée du tabac passe. Cependant plusieurs anatomistes du premier ordre cherchent en vain ce petit trou oblique dont parle Rivinus, & ce n’est vraissemblablement qu’un jeu de la nature : car Ruysch dit avoir rempli la caisse du tambour de vif-argent par le canal d’Eustachi, & que rien de ce métal fluide ne trouva d’issue vers l’oreille extérieure.

On ne regarde plus la membrane du tambour comme le principal organe de l’ouïe depuis une expérience qu’on fit à Londres sur deux chiens, & qui est mentionnée dans Willis & dans les actes de la société royale. On prit deux chiens, on leur creva le tympan, & ils n’entendirent pas moins bien qu’auparavant la voix de ceux qui les appelloient, cependant peu de tems après ils perdirent l’ouïe. Peut-être cette membrane sert-elle de prélude ou de préparation à l’ouïe même. Derham pense qu’un de ses grands usages est de proportionner les sons à l’organe intérieur ; que par sa tension & son relâchement elle se met à l’unisson avec toutes sortes de sons, comme la prunelle se proportionne aux divers degrés de lumiere. Une preuve de l’usage de cette tension & de ce relâchement de la membrane du tambour pour entendre distinctement les sons, c’est que les sourds entendent plus facilement au milieu d’un grand bruit. Or, suivant Derham, qui a fait sur ce sujet de profondes recherches, voici la maniere dont les impressions du son se communiquent au nerf auditif.

Premierement, elles agissent sur le tympan & sur le marteau, ensuite le marteau agit sur l’enclume, celui-ci sur l’os orbiculaire & sur l’étrier, & enfin l’étrier communique cette action au nerf auditif ; car la base de l’étrier ne couvre pas seulement la fenêtre ovalaire au-dedans de laquelle le nerf est situé, mais une partie de ce nerf même se répand sur cette base. Il est vraissemblable que c’est-là la maniere dont se fait l’ouïe, ajoute-t-il, parce que le tympan étant remué, on peut voir tous les petits osselets se remuer en même-tems, & pousser la base de l’étrier alternativement dehors, dans le trou & dans la fenêtre ovalaire. On le voit dans la taupe, on le peut voir aussi dans les oreilles des autres animaux avec soin, & de maniere que les parties gardent leur situation naturelle.

Le tympan est bandé & relâché par le moyen des petits muscles qui s’attachent au marteau : mais comment cette membrane se bande & se relâche-t-elle si promptement ? comment communique-t-elle sans notre volonté & avec tant de proportion les divers tremblemens de l’air aux autres parties de l’oreille interne ? C’est, répond-on, une membrane seche, mince, transparente, ces conditions la rendent très propre à cet usage ; s’il lui survient quelque altération en ces qualités, il en arrive des duretés d’oreille ; tout cela est vrai, mais tout cela n’explique point une infinité de phénomenes qui concernent l’ouïe, les sons & la musique.

Les usages que quelques anatomistes assignent au tympan, comme les seuls & les principaux, savoir de fermer l’entrée à l’air froid du dehors, à la poussiere & à d’autres choses nuisibles, ne sont que des usages subalternes ou du second ordre : c’est comme si l’on disoit, que la peau d’un tambour ne sert qu’à empêcher qu’il n’entre de l’air & de la poussiere dans

la caisse. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tambour, c’est, dans la Fortification, une traverse dont on se sert pour empêcher les communications du chemin couvert aux redoutes & lunettes d’être enfilées. Voyez Redoute. Voyez aussi Pl. IV. de Fortification, fig. 3. les traverses des communications des places-d’armes R & P, aux lunettes ou redoutes A & B.

Le tambour, outre l’avantage qu’il a de couvrir les communications de l’enfilage, sert encore à les défendre ou à flanquer. (Q)

Tambour, (Marine.) c’est un assemblage de plusieurs planches clouées sur les jettereaux de l’éperon, & qui servent à rompre les coups de mer qui donnent sur cette partie de la proue.

Tambour, s. m. (Hydraul.) est un coffre de plomb, dont on se sert dans un bassin pour rassembler l’eau qu’on doit distribuer à différentes conduites, ou à plusieurs jets. Voyez Marmite.

Ce peut être encore un tuyau triangulaire, fait d’une table de plomb, dont on forme un tuyau de différentes grosseurs par les deux bouts, pour racorder un tuyau de six pouces de diametre sur un de trois. (K)

Tambour, en Architecture, c’est un mot qui se dit des chapiteaux corinthiens & composites, à cause qu’ils ont quelques ressemblances à l’instrument que les François appellent tambour ; quelques-uns l’appellent vase, & d’autres campan, cloche, &c.

On se sert aussi du mot tambour pour exprimer un retranchement de bois couvert d’un plafond ou d’un lambris pratiqué dans le côté d’un porche ou vestibule, ou en face de certaines églises, afin d’empêcher la vue des passans & l’incommodité du vent par le moyen des doubles portes.

Tambour signifie aussi un arrondissement de pierre, dont plusieurs forment le fût d’une colonne qui n’est pas aussi haut qu’un diametre.

On appelle encore tambour chaque pierre, pleine ou percée, dont le noyau d’un escalier à vis est composé. (D. J.)

Tambour, en Méchanique, est une espece de roue placée au-tour d’un axe ou poutre cylindrique, au sommet de laquelle sont deux leviers ou bâtons enfoncés pour pouvoir plus facilement tourner l’axe, afin de soulever les poids qu’on veut enlever. Voyez Axe dans le tambour, Tour & Treuil.

Tambour, maniere de broder au tambour. Le tambour est un instrument d’une forme circulaire, sur lequel, par le moyen d’une courroie & d’une boucle, ou de différens cerceaux qui s’emboîtent les uns dans les autres, on tient tendue une toile ou une étoffe légere de soie, sur laquelle on exécute avec une aiguille montée sur un manche, & qui a sa forme particuliere, le point de chaînette, soit avec un fil de soie nue, ou couvert d’or ou d’argent, & cela avec une vîtesse & une propreté surprenante. Avec ce seul point, on forme des feuilles, des fleurs, des ramages, & une infinité d’objets agréables dont on embellit l’étoffe destinée à des robes & autres usages. Voyez dans nos Planches le tambour & ses détails, l’aiguille, & même la maniere de travailler, qu’elles feront concevoir plus clairement que tout ce que nous en pouvons dire.

Pour broder au tambour lorsque l’étoffe est montée sur le métier, on prend la soie, on y fait un nœud, on la prend de la main gauche, on en étend une portion en prenant le nœud entre le bout du pouce & le bout de l’index, & passant le fil entre le doigt du milieu & le troisieme sous l’étoffe tendue ; on tient l’aiguille de la droite ; on passe l’aiguille à-travers l’étoffe en-dessus ; on accroche la partie de la soie tendue avec le crochet de l’aiguille ; on tire l’aiguille, la soie vient en-dessus & forme une boucle. On retourne