Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/571

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caves des maisons, & abat quelquefois par sa pesanteur, les murs qu’il trouve sur sa route. Mais il faut lire les détails curieux que M. Wright a donnés de ce déluge sec, dans les Transact. philos. n°. 37.

La portion du pays de Suffolk exposée à cette étrange submersion, est non-seulement sablonneuse par elle-même, mais située est-nord-est d’une partie d’un vaste terrein plat, exposé à des vents impétueux, qui emportent tout le sable qu’ils trouvent sur leur passage, & qui continuent d’agir avec leurs forces entieres, en parcourant sans être brisés ni interrompus, une grande étendue de terres.

On n’a point encore trouvé de meilleur secret pour garantir les habitations précieuses de cette submersion, que de les environner de haies de genêts épineux, qu’on plante serrés par gradation les uns au-dessus des autres. Ceux qui ont eu le courage de faire ces sortes de plantations, ont eu le bonheur d’arrêter & de détourner le progrès du ravage, après avoir vû auparavant dans ces mêmes terres le sable élevé jusqu’à la hauteur de vingt piés.

Près de Thetford, ville de la province de Norfolk, plusieurs villages ont été entierement détruits depuis plus de cent ans par les déluges de sable de Suffolk, & une branche de la riviere de l’Ouse, appellée depuis la riviere de Thetford, en a été tellement bouchée, qu’il n’y a plus que de petits bâtimens qui puissent y passer, au-lieu qu’auparavant les grands vaisseaux y navigeoient. Il est vrai que ce déluge de sable en se jettant dans la riviere, a préservé une partie de la province de Norfolk de la submersion sablonneuse, qui n’eût pas manqué d’y ruiner une grande quantité de son terrein plat, si fertile en blé.

Aux environs de Saint-Paul de Léon en basse Bretagne, il y a sur le bord de la mer un canton, qui avant l’an 1666 étoit habité, & ne l’est plus, à cause d’un sable qui le couvre jusqu’à une hauteur de plus de vingt piés, & qui d’année en année gagne du terrein A compter de l’époque marquée, il a gagné plus de six lieues, & il n’est plus qu’à une demi-lieue de Saint-Paul ; de sorte que, selon toutes les apparences, il faudra abandonner la ville. Dans le pays submergé on voit encore quelques pointes de clochers & de cheminées qui sortent de cette mer de sable : les habitans des villages enterrés ont eu du moins le loisir de quitter leurs maisons pour aller mandier.

C’est le vent d’est ou de nord-est qui avance cette calamité ; il éleve ce sable qui est très-fin, & le porte en si grande quantité & avec tant de vîtesse, que M. Deslandes, à qui on doit cette observation, dit qu’en se promenant en ce pays-là pendant que le vent charrioit, il étoit obligé de secouer de tems-en-tems son chapeau & son habit, parce qu’il les sentoit appesantis. De plus, quand le vent est violent, il jette ce sable par-dessus un petit bras de mer, jusque dans Roscofe, petit port assez fréquenté par les vaisseaux étrangers : le sable s’éleve dans les rues de cette bourgade jusqu’à deux piés, & on l’enleve par charretées.

Ce désastre est nouveau, parce que la plage qui fournit ce sable, n’en avoit pas encore une assez grande quantité pour s’élever au-dessus de la surface de la mer, ou peut-être parce que la mer n’a abandonné cet endroit, & ne l’a laissé découvert que depuis un certain tems. Elle a eu quelque mouvement sur cette côte ; elle vient présentement dans le reflux une demi-lieue au-delà de certains rochers qu’elle ne passoit pas autrefois. Ce malheureux canton inondé d’une façon si singuliere, ainsi que les déluges de sable de la province de Suffolk, dont nous avons parlé au commencement de cet article, ne justifient que trop ce que les anciens & les modernes rapportent des tempêtes excitées en Afrique, qui ont fait périr par des déluges de sable, des villes, & même

des armées. Histoire de l’académie des Sciences, 1722. (D. J.)

SUBORDINATION, s. f. (Gramm.) est un terme relatif qui exprime les degrés d’infériorité entre une chose & une autre.

Il y a dans l’Eglise différens degrés de subordination, comme des diacres aux prêtres, des prêtres aux évêques, & des évêques au pape, à cause de sa primauté d’honneur & de jurisdiction. Voyez Primauté. L’assemblage de tous ces ordres se nomme hiérarchie. Voyez Hiérarchie.

Subordination, la, c’est, dans l’état militaire, l’obéissance & la soumission que doit l’officier inférieur au supérieur pour toutes les choses qui concernent ses fonctions ou son emploi. C’est dans la subordination, renfermée dans ses justes bornes, que consiste principalement la discipline militaire, si importante dans les armées. Voyez Discipline militaire & Officiers. (Q)

SUBORNATION, (Grammaire & Jurisprud.) est l’action de corrompre quelqu’un, soit par flatterie & caresses, soit par promesses ou par menaces ; ce crime est mis dans la classe des différentes especes de faux.

Il y a deux sortes de subornation.

L’une est celle par laquelle on entraîne une personne dans la débauche.

L’autre est celle par laquelle on engage une personne à faire ou dire quelque chose contre la justice ou la vérité, comme lorsque l’on corrompt un juge ou autre officier public, pour lui faire faire quelque acte faux ou injuste.

La loi Cornelia de falsis, prononçoit la peine de faux contre ceux qui subornent les juges, & contre les juges qui se laissent suborner : parmi nous ces peines dépendent de l’arbitrage du juge & des circonstances.

Le terme de subornation est principalement usité pour exprimer la corruption des témoins que l’on engage à certifier ou déposer quelque chose contre la vérité.

La preuve de ce crime est difficile à acquérir, parce que l’on ne fait pas ordinairement de convention par écrit pour corrompre quelqu’un : c’est pourquoi deux témoins qui accusent un tiers de les avoir voulu suborner, suffisent pour faire décreter l’accusé, même pour le faire condamner à la question, on peut même le condamner quand il n’avoueroit rien, si les deux dépositions sont uniformes & sur un même fait.

La peine de la subornation chez les Romains, tant pour le suborneur que pour les témoins subornés, étoit la peine ordinaire du faux, ff. ad leg. Corn. de fals.

Les ordonnances de France, notamment celle de 1531, prononcent la peine de mort contre ceux qui subornent les témoins, & contre les temoins qui se laissent suborner.

Le subornement des témoins, sur-tout si c’est pour faire périr un innocent, mérite une mort plus rigoureuse que les autres, telle que le supplice de la roue.

Suivant le droit canon le suborneur est excommunié, & celui qui se laisse suborner est déclaré incapable de porter témoignage, & est noté d’infamie. Voyez le Traité des crimes par M. de Vouglans. (A)

SUBREDAURADE, s. f. (Hist. nat.) on donne ce nom à la daurade lorsqu’elle a pris tout son accroissement. Voyez Daurade.

SUBREPTICE, adj. (Gram. & Jurisprud.) est ce qui tend à ôter la connoissance de quelque fait ou de quelque piece que l’on a intérêt de dissimuler.

Des lettres de chancellerie sont subreptices, lorsque l’on a déguisé quelque fait essentiel qui eût empêché d’accorder les lettres.