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Il résulte de tout ce détail, que le meilleur poëme est celui dont la lecture nous touche davantage ; & que c’est celui qui nous séduit au point de nous cacher la plus grande partie de ses fautes, & de nous faire oublier volontiers celles mêmes que nous avons vues, & qui nous ont choqués. Or c’est à-proportion des charmes de la poésie du style qu’un poëme nous intéresse. Du Bos, réflexions sur la poésie. (D. J.)

Style, (Peint.) le style appartient en peinture à la composition & à l’exécution ; il y a des peintres qui travaillent dans un style héroïque, & d’autres, dans un style champêtre. Pour ce qui concerne l’exécution, un tableau peut être d’un style ferme, ou d’un style poli. Le style ferme est une touche hardie, qui donne de la force & de l’action à l’ouvrage, tels sont les tableaux de Michel-Ange. Le style poli finit & termine toutes choses : c’est à quoi se sont le plus attachés les peintres hollandois. Le style ferme est quelquefois trop dur, & le style poli trop composé, trop travaillé, mais leur union fait les délices des amateurs. (D. J.)

Style, en Musique, est la maniere de composer, d’exécuter & d’enseigner. Cela varie beaucoup selon les pays, le caractere des peuples & le génie des auteurs ; selon les matieres, les lieux, les tems, les sujets & les expressions, &c.

On dit le style de Handel, de Rameau, de Lully, de Destouches, &c. le style des Italiens, des François, des Espagnols, &c.

Le style des musiques gaies & enjouées est bien différent du style des musiques graves ou sérieuses. Le style des musiques d’église n’est pas le même que celui des musiques pour le théâtre ou pour la chambre. Le style des compositions italiennes est piquant, fleuri, expressif : celui des compositions françoises est naturel, coulant, tendre, &c.

De-là viennent les diverses épithetes qui distinguent ces différens styles ; on dit style ancien & moderne ; style italien, françois, allemand, &c. style ecclésiastique, dramatique, de la chambre, &c. style gai, enjoué, fleuri ; style piquant, pathétique, expressif ; style grave, sérieux, majestueux ; style naturel, coulant, tendre, affectueux ; style grand, sublime, galant ; style familier, populaire, bas, rampant.

Style dramatique ou récitatif, c’est un style propre pour les passions. Voyez Récitatif.

Style ecclésiastique, c’est un style plein de majesté, grave & sérieux, & capable d’inspirer la piété.

Stile de motet, c’est un style varié, fleuri, & susceptible de tous les ornemens de l’art ; propre par conséquent à remuer les passions, mais sur-tout à exciter l’admiration, l’étonnement, la douleur, &c. Voyez Motet.

Style de madrigal ; c’est un style affecté à la tendresse, à l’amour, à la compassion & aux autres passions douces. Voyez Madrigal.

Style hyporchematique, c’est le style qui convient au plaisir, à la joie, à la danse, &c. & plein par conséquent de mouvemens prompts, vifs, gais & bien marqués.

Style symphonique ; c’est le style des instrumens. Comme chaque instrument a sa destination particuliere, il y a aussi son style. Le style des violons, par exemple, est ordinairement gai ; celui des flûtes est triste, languissant, &c. celui des trompettes, animé, gai, martial, &c.

Style mélismatique, c’est un style naturel, & sur lequel on chante presque sans avoir appris ; il est propre pour les ariettes, les vilanelles, les vaudevilles, &c.

Style de phantaisie, ou phantaisie, stylo phantastico ; c’est un style d’instrument ou une maniere de com-

poser & d’exécuter, libre de toute contrainte, &c.

Style de danse, stylo choraico ; il se divise en autant de branches différentes qu’il y a de différens caracteres de danse. Il y a donc le style des sarabandes, des menuets, des passepiés, des gavottes, des rigaudons, des bourées, des gaillardes, des courantes, &c. Voyez ces mots.

Les anciens avoient aussi leurs styles différens dont nous avons parlé aux mots, Modes, Mélopée, &c. (S)

Style, (Littérat.) stylus, c’étoit, comme je viens de dire, un poinçon, ou une grosse aiguille, avec la pointe de laquelle les anciens écrivoient sur des tablettes enduites de cire. Voyez Tablette en cire.

Quintilien conseille pour apprendre aux enfans à écrire, de faire graver toutes les lettres sur une planche, afin que la trace des caracteres dirigeât le style, & que la main trouvant une égale résistance aux extrémités, ne sortît point de son modele ; par cette méthode l’enfant, à force d’imiter des caracteres fixes, ne pouvoit manquer de rendre promptement sa main sûre, sans aucun besoin de maître pour la conduire ; car, ajoute notre judicieux critique, c’est une chose fort importante de savoir écrire bien, & vîte ; & c’est ce que les personnes de condition négligent un peu trop. Si Quintilien vivoit parmi nous, il auroit dit négligent au point, qu’on reconnoit un homme de qualité à son écriture illisible, & aux fautes d’ortographe. (D. J.)

Style, en Chronologie, (Hist. mod.) signifie une maniere particuliere de supputer le tems par rapport au retranchement de dix jours du calendrier dans la réformation qui en fut faite sous Grégoire XIII.

Le style est ancien ou nouveau.

Le vieux style est la maniere de compter selon le calendrier Julien, qu’on suit en Angleterre & dans quelques autres états protestans, qui ont refusé d’admettre la réformation. Voyez Julien.

Le nouveau style est la maniere de compter suivant le calendrier Grégorien, qui est suivi par les catholiques & par d’autres, en conséquence de la réformation. Voyez Grégorien.

Ainsi il y a une différence de dix jours entre le vieux style & le nouveau ; le dernier avance beaucoup devant le premier, de façon que quand les catholiques, par exemple, comptent le 21 de Mai, nous ne comptons que le 11.

Cette différence de dix jours est accrue d’un jour en 1707, & est maintenant de 11 jours ; par la raison que cette année n’étoit pas bissextile dans le vieux style, & qu’elle l’étoit dans le nouveau ; de sorte que le dixieme de l’un répondoit au vingt-unieme de l’autre.

Cependant il y a différens endroits, même parmi les protestans, où on a commencé à admettre le nouveau style ; & il est assez vraissemblable qu’avec le tems le vieux style sera tout-à-fait abandonné. A la diette de Ratisbonne, en 1700, il a été résolu par le corps des protestans de l’empire, qu’on retrancheroit onze jours du vieux style pour l’ajuster à l’avenir au nouveau : le même réglement a été fait depuis en Suede & en Danemark ; l’Angleterre est presque le seul état qui retienne le vieux style. Voyez Calendrier.

Style de chasse, voyez Chasse.

Style, (Jurisprud.) en terme de pratique signifie la maniere dont on a coutume de rédiger les actes ; les notaires ont leur style, c’est-à-dire un certain ordre de discours, de certaines expressions qui leur sont propres. Il y a des clauses de style, c’est-à-dire qui se trouvent ordinairement dans tous les actes de même espece ; quelques-unes de ces clauses ne sont que de pur style sans rien ajouter aux conventions, comme le promettant, obligeant, renonçant des notai-