L’Encyclopédie/1re édition/MADRIGAL

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Madrigal, s. m. (Littér.) dans la poésie moderne italienne, espagnole, françoise, signifie une petite piece ingénieuse & galante, écrite en vers libres, & qui n’est assujettie ni à la scrupuleuse régularité du sonnet, ni à la subtilité de l’épigramme, mais qui consiste seulement en quelques pensées tendres exprimées avec délicatesse & précision.

Menage fait venir ce mot de mandra, qui en latin & en grec signifie une bergerie, parce qu’il pense que ç’a été originairement d’une chanson pastorale que les Italiens ont formé leur mandrigal, & nous à leur imitation. D’autres tirent ce mot de l’espagnol madrug, se lever matin, parce que les amans avoient coutume de chanter des madrigaux dans les sérénades qu’ils donnoient de grand matin sous les fenêtres de leurs maîtresses. Voyez Sérénade.

Le madrigal, selon M. le Brun, n’a à la fin ou dans sa chûte rien de trop vif ni de trop spirituel, roule sur la galanterie, mais d’une maniere également bienséante, simple, & cependant noble. Il est plus simple & plus précis de dire avec un auteur moderne, que l’épigramme peut être polie, douce, mordante, maligne, &c. pourvû qu’elle soit vive, c’est assez. Le madrigal au contraire, a une pointe toujours douce, gracieuse, & qui n’a de piquant que ce qu’il lui en faut pour n’être pas fade. Cours de belles Lettres, tome II. pag. 268.

Les anciens n’avoient pas le nom de madrigal, mais on peut le donner à plusieurs de leurs pieces, à quelques odes d’Anacréon, à certains morceaux de Tibulle & de Catulle. Rien en effet ne ressemble plus à nos madrigaux que cette épigramme du dernier.

Odi & amo, quare id faciam fortasse requiris :
Nescio ; sed fieri sentio & excrucior.

L’auteur du cours des belles Lettres, que nous avons déja cité, rapporte en exemple ce madrigal de Pradon, qui réussissoit mieux en ce genre là qu’en tragédies. C’est une réponse à une personne qui lui avoit écrit avec beaucoup d’esprit.

Vous n’écrivez que pour écrire,
C’est pour vous un amusement,
Moi qui vous aime tendrement,
Je n’écris que pour vous le dire.

On regarde le madrigal comme le plus court de tous les petits poëmes. Il peut avoir moins de vers que le sonnet & le rondeau ; le mélange des rimes & des mesures dépend absolument du goût du poëte. Cependant la briéveté extrème du madrigal interdit absolument toute licence, soit pour la rime ou la mesure, soit pour la pureté de l’expression. M. Despreaux en a tracé le caractere dans ces deux vers :

Le madrigal plus simple & plus noble en son tour,
Respire la douceur, la tendresse & l’amour.

Art poét. c. 2. (G)

Madrigal, (Géogr.) Madrigala, petite ville d’Espagne dans la vieille Castille, abondante en blé & en excellent vin, à quatre lieues de Medina-del-Campo. Long. 13. 36. lat. 41. 25.

Madrigal est célebre en Espagne par la naissance d’Alphonse Tostat, évêque d’Avila, qui fleurissoit dans le quinzieme siecle ; il mourut en 1454 à l’âge de quarante ans, & cependant il avoit déja composé des commentaires sur l’Ecriture-sainte, qui ont vû le jour en vingt sept tomes in-folio. Il est vrai aussi qu’on ne les lit plus, & qu’on songe encore moins à les réimprimer. (D. J.)