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nateurs étoient interrogés suivant l’ancienneté de leur âge ; cette méthode étoit généralement observée pendant l’année, jusqu’à l’élection des consuls suivans, qui se faisoit d’ordinaire vers le mois d’Août. De ce moment jusqu’au premier Janvier, en conséquence d’un usage constamment suivi, on demandoit aux consuls désignés leurs avis, avant de le demander aux autres sénateurs.

Comme ils étoient sollicités de parler suivant leur rang, il n’étoit aussi permis à personne de le faire avant son tour, à l’exception des magistrats, qui semblent avoir eu le droit de parler dans toutes les occasions, & toutes les fois qu’ils le croyoient nécessaire ; c’est par cette raison sans doute qu’ils n’étoient pas interrogés en particulier par le consul. Cicéron dit, à la vérité, que dans certaines occasions il fut interrogé le premier de tous les sénateurs privés ; ce qui veut dire que quelqu’un des magistrats avoit été interrogé avant lui ; mais alors ils l’étoient par le tribun du peuple qui avoit convoqué l’assemblée, & qui donnoit naturellement cette préférence aux magistrats supérieurs qui s’y trouvoient présens. Mais on ne trouve point qu’un consul interrogeât d’abord quelqu’autre qu’un sénateur consulaire, ou les consuls désignés.

Quoique chaque sénateur fût obligé de dire son avis, lorsque le consul le lui demandoit, il n’étoit cependant pas restreint à la seule question qui se discutoit alors ; il pouvoit passer à quelqu’autre matiere, la traiter aussi longuement qu’il vouloit ; & quoiqu’il pût dire librement son avis, lorsque c’étoit son tour, le sénat ne s’occupoit point à le réfuter, & ne traitoit pas cette question épisodique, à moins que quelqu’un des magistrats ne la proposât dans la même assemblée. Ils avoient seuls le privilege de demander qu’on opinât sur quelque question, ainsi que le droit de renvoyer celle qui se traitoit. Toutes les fois qu’un sénateur donnoit son avis, il se levoit de son siege, & demeuroit debout jusqu’à ce qu’il eût achevé de parler ; mais quand il ne faisoit que se ranger à l’avis des autres, il demeuroit à sa place.

Les magistrats, dans la même séance, avoient la liberté de proposer des avis différens, & de traiter différentes questions dans le sénat. Si par hasard on vouloit remettre sur le tapis quelque affaire d’importance, & que les consuls eussent négligé de la proposer, ou qu’ils fussent éloignés de le faire, l’usage étoit que le sénat, par certaine acclamation, & qui devenoit générale, excitoit à la proposer, & lorsqu’ils refusoient de le faire, les autres magistrats avoient ce droit, même malgré eux.

Si quelque opinion proposée à l’assemblée du sénat renfermoit différens chefs, dont les uns pouvoient être approuvés & les autres rejettés, c’étoit encore l’usage de demander qu’elle fût divisée ; quelquefois d’un accord unanime, & par un cri général de l’assemblée exprimé par ces mots, divide, divide ; ou si dans la discussion des affaires il y avoit eu différens avis, si chacun de ces avis avoit été appuyé par un nombre considérable de sénateurs, le consul, sur la fin, étoit dans l’usage de les rappeller tous, pour que le sénat traitât séparément chacune de ces opinions ; mais en même tems ce magistrat préféroit, selon qu’il lui paroissoit convenable, l’opinion la plus favorable à la sienne ; il supprimoit alors, ou ne parloit pas de celle qu’il desapprouvoit. Dans le cas toutefois où il ne paroissoit ni difficulté ni opposition, on rendoit le decret sans demander & sans donner les avis à cet égard.

Quand une question avoit été décidée par le scrutin, on séparoit les parties opposées dans les différens côtés de la curie ou lieu d’assemblée ; ce que le consul ou magistrat qui présidoit en son absence, faisoit de cette maniere : « Que ceux qui sont de tel

avis, passent de ce côté ; & que ceux qui pensent différemment, passent de celui-ci ». L’avis que le plus grand nombre de sénateurs approuvoit s’exprimoit dans un decret qui d’ordinaire étoit conçu dans les termes dictés par le premier de ceux qui avoient traité la question, ou par le principal orateuren faveur de cette opinion ; lequel, après avoir dit tout ce qu’il croyoit propre à la rendre agréable au sénat, terminoit son discours dans la forme du decret qu’il vouloit obtenir. Ce decret qu’on nommoit senatusconsulte, étoit toujours souscrit par un nombre considérable de sénateurs, en témoignage de leur approbation particuliere. Voyez Senatusconsulte.

La république ayant été opprimée par Jules-César, il formoit tout seul les sénatusconsultes, & les souscrivoit du nom des premiers sénateurs qui lui venoient dans l’esprit. Le sénat se vit sans fonctions, sans crédit & sans gloire. Ensuite sous le regne des empereurs, ce même sénat, jadis si respectable, tomba dans la servitude la plus basse. Il porta l’adulation jusqu’à encenser les folies de Caligula, & jusqu’à décerner des honneurs excessifs à Pallas affranchi de Claude. Pline le jeune parlant de l’état de ce corps immédiatement avant le regne de Trajan, avoue qu’il étoit toujours muet ; parce qu’on ne pouvoit y dire sans péril ce qu’on pensoit & sans infamie ce qu’on ne pensoit pas. Mais j’ai cru devoir me borner à crayonner l’histoire du sénat dans le tems de ses beaux jours ; le lecteur peut consulter les savans qui ont le mieux approfondi cette matiere, Manuce, Sigonius, Hotman, Zamoléus, & récemment MM. Midleton & Chapman, dans de petits ouvrages pleins de goût, de recherches & de précision. (Le chevalier de Jaucourt)

Sénat des cinq cens, (Hist. d’Athènes.) sénat d’Athènes, lorsque cette ville eut été divisée en dix tribus. On élisoit tous les ans dans chaque tribu cinquante hommes qui tous ensemble composoient le sénat des cinq cens. Ce fut Solon qui l’institua, & qui établit que chaque tribu auroit tour-à-tour la préséance dans l’assemblée, & la céderoit successivement à la suivante. Ce sénat étoit composé de prytanes, de proëdres & d’un épistate. Voyez Epistate, Proedre & Prytane. (D. J.)

Sénat des quatre cens, (Hist. d’Athènes.) ancien sénat d’Athènes, lorsque cette ville n’étoit divisée qu’en quatre tribus. On élisoit dans chaque tribu cent hommes qui tous ensemble composoient le sénat des quatre cens. Ce sénat dura jusqu’à Solon qui institua le sénat des cinq cens dont nous avons parle. (D. J.)

Sénat de Venise, (Hist, de Venise.) Voyez Prégadi. (D. J.)

SÉNATEUR romain, (Gouvernem. de Rome.) membre du sénat de Rome, c’est-à-dire, de ce corps auguste qui étoit l’appui, le défenseur & le conservateur perpétuel de la république. On est avide de savoir quel étoit le nombre des membres d’un corps qui tenoit dans ses mains les rênes d’un si puissant empire, qui régloit toutes les affaires avec les étrangers, & qui dans son lustre présidoit à toute la terre. On demande à quel âge on pouvoit devenir sénateur, quelle qualité de biens ils devoient avoir aux termes de la loi, quels étoient leurs devoirs, les honneurs de leur charge, & leurs privileges ; tâchons de satisfaire à toutes ces questions curieuses.

Quant au nombre des sénateurs, l’opinion générale est qu’il fut borné à 300, depuis le tems des rois jusqu’à celui des Gracques ; mais on ne doit pas prendre cette fixation à la rigueur, parce que quelquefois ce nombre peut avoir été moindre ; & dans le cas d’une grande diminution imprévue, on completoit de nouveau les places vacantes par une promotion extraordinaire. Ainsi, comme le nombre