L’Encyclopédie/1re édition/PRYTANE

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PRYTANE, s. m. (Antiq grecq.) on nommoit prytanes chez les Athéniens, cinquante sénateurs tirés successivement par mois de chaque tribu, pour présider dans le conseil de ladite tribu. Ils convoquoient l’assemblée, les proëdres en exposoient le sujet, & l’épistate demandoit les avis.

On ouvroit l’assemblée par un sacrifice à Cérès, & par une imprécation. L’on sacrifioit à cette déesse un jeune porc pour purifier le lieu que l’on arrosoit du sang de la victime ; l’imprécation mêlée aux vœux se faisoit en ces mots : « Périsse maudit des dieux, lui, & sa race, quiconque agira, parlera, ou pensera contre la république. » C’étoit trop que de porter l’imprécation jusque sur la pensée, dont l’homme n’est pas le maître.

Les prytanes avoient l’administration de la justice en chef, la distribution des vivres, la police générale de l’état & particuliere de la ville, la déclaration de la guerre, la conclusion & publication de la paix, la nomination des tuteurs & des curateurs, & enfin le jugement de toutes les affaires, qui après avoir été instruites dans les tribunaux subalternes, ressortissoient à ce conseil.

Le tems de leur exercice se nommoit prytanie, & le lieu de leur assemblée étoit appellé prytanée. Voyez Prytanie & Prytanée.

Les prytanes tenoient toujours leurs assemblées au prytanée, où ils avoient un repas de fondation, mais un repas simple & frugal, soit afin que par leur exemple ils préchassent aux autres citoyens la tempérance, soit afin qu’en cas d’accidens inopinés, ils fussent en état de prendre sur le champ des résolutions convenables. Ce fut dans un de ces repas, dit Démosthènes, que les prytanes reçurent la nouvelle de la prise d’Elatée par Philippe.

Dans les tems difficiles de la république, les prytanes, après avoir assemblé le peuple, & lui avoir exposé les besoins pressans de la patrie, exhortoient chaque citoyen à vouloir bien se cottiser pour y subvenir. Le citoyen zélé se présentoit au prytane, & disoit : je me taxe à tant. Le citoyen avare ne disoit mot, ou se déroboit de l’assemblée. Phocus, homme plongé dans une vie molle & voluptueuse, se levant un jour dans une assemblée pareille, s’avisa de dire en bon citoyen : ἐπιδίδωμι κἀγώ, moi je contribue aussi du mien : oui, s’écria tout d’une voix le peuple malin & spirituel, oui, εἰς ἀκολασίαν.

Toutes les grandes villes grecques avoient, à l’exemple d’Athènes, plusieurs prytanes qu’on tiroit successivement des différentes tribus. L’histoire nous a conservé le nom de Luccius Vaccius Labéon, premier prytane de Cumes, à qui cette ville décerna des honneurs extraordinaires ; mais les prytanes de Cyzique sont encore plus célebres dans l’histoire : leur conseil devoit être composé de six cens membres. Il paroit qu’ils étoient tirés d’une tribu, & quelquefois de deux tribus pour chaque mois, d’où il résulteroit que les tribus cyzicéniennes étoient en plus grand nombre que les tribus athéniennes. Nous connoissons six tribus de Cyzique, & nous devons cette connoissance aux inscriptions des marbres. Leur prytanée étoit d’une grande splendeur, comme nous le dirons à la fin du mot Prytanée. (D. J.)