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Elle n’a pas lieu pour le payement des droits utiles, ni pour la prestation de l’aveu & dénombrement.

La souffrance est nécessaire ou volontaire ; nécessaire quand l’empêchement du vassal est tel que le seigneur ne peut lui refuser le délai ; comme en cas de minorité, maladie, ou autre empêchement légitime ; elle est volontaire, lorsque le seigneur l’accorde librement, & pour faire plaisir à son vassal.

La souffrance, même nécessaire, n’a point lieu de plein droit, elle doit être demandée au seigneur dominant, par le tuteur en personne, si le vassal est mineur, ou si le vassal est majeur, par une fondé de procuration spéciale.

Le tems pour demander la souffrance est de quarante jours, depuis l’ouverture du fief ; ces quarante jours sont francs, de maniere qu’on ne compte pas celui de l’ouverture du fief, ni le quarantieme jour.

Faute de demander la souffrance dans les quarante jours, le seigneur peut faire saisir le fief, & faire les fruits siens, sauf le recours des mineurs contre leur tuteur ; mais si les mineurs n’avoient pas de tuteur, la saisie n’emporteroit pas perte de fruits contre eux, jusqu’à ce qu’ils fussent en âge de faire la foi.

Le tuteur, en demandant souffrance pour ses mineurs, doit à peine de nullité déclarer leurs noms & leur âge, afin que le seigneur sache quand chacun d’eux sera en état de faire la foi.

Si le tuteur, en demandant la souffrance, ne payoit pas les droits, le seigneur pourroit la lui refuser, & saisir.

La souffrance peut s’accorder en justice, ou devant notaire, & même par un écrit sous seing privé : quand il s’agit d’un fief mouvant du roi, on obtient des lettres de souffrance en la petite chancellerie.

Il n’est pas besoin d’obtenir nouvelle souffrance, pour une portion du même fief, qui échet ensuite au mineur.

Il est de maxime que souffrance vaut foi tant qu’elle dure, c’est-à-dire que pendant ce délai, le seigneur ne peut saisir, faute de foi & hommage.

Dès que la souffrance est finie, à l’égard d’un des mineurs, il doit aller à la foi, quand même les autres n’auroient pas l’âge. Voyez les commentateurs sur l’article 41. de la coutume de Paris ; les auteurs qui ont traité des fiefs ; & les mots Foi, Hommage, Aveu, Dénombrement, Droits seigneuriaux. (A)

Souffrance s. f. terme de compte, ce mot se dit des articles de la dépense d’un compte qui n’étant pas assez justifiés pour être alloués, ni assez peu pour être rayés, restent comme en suspens pendant un tems, afin que pendant ce délai, le comptable puisse chercher & rapporter des quittances, ou autres pieces pour sa décharge. Les articles en souffrance, se rayent après le délai fini, s’ils ne sont pas justifiés, ou s’allouent s’ils le sont. Dict. du Comm. (D. J.)

SOUFFRIR, SUPPORTER, (Synonym.) souffrir se dit d’une maniere absolue : on souffre le mal dont on ne se venge point. Supporter regarde proprement les défauts personnels : on supporte la mauvaise humeur de ses proches.

L’humilité chrétienne fait souffrir les mépris, sans ressentiment. L’usage du monde fait supporter dans la société, une infinité de choses qui déplaisent. On souffre avec patience, on supporte avec douceur.

Quand souffrir signifie permettre, il veut après soi un que, avec le subjonctif ; ainsi Larrey a fait une faute en disant dans l’épitaphe d’Edouard VI.

Urne où ses cendres reposent,
Souffrez-nous de graver ces vers sur son tombeau.

Il falloit dire, souffrez que nous gravions. Supporter signifie quelquefois protéger & soutenir : les financiers sont supportés à la cour, à cause de leur fortune ;

quelques escadrons ne peuvent pas supporter le choc de toute une armée. (D. J.)

SOUFRE pierre de, (Hist. nat.) on trouve en Franche-Comté des cailloux qui sont d’une forme arrondie irréguliere, & lorsqu’on vient à les briser, on trouve que ces cailloux formoient une espece de croute, qui sert d’enveloppe à du soufre natif.

Soufre, s. m. (Hist. nat. Minéralogie & Chimie.) sulphur ; c’est une substance solide, mais friable, d’un jaune clair lorsqu’il est pur, très-inflammable, & qui en se brûlant répand une flamme bleuâtre accompagnée d’une odeur pénétrante & suffocante. Il se fond très-aisément lorsque le feu ne lui est point immédiatement appliqué, & pour lors il ne s’enflamme point.

La nature nous présente le soufre de deux manieres : ou il est pur & sous la forme qui lui est propre, ou il est combiné avec d’autres substances du regne minéral, qui par leur union avec lui le rendent méconnoissable ; c’est ainsi qu’il est dans les mines où il est combiné avec les métaux.

Le soufre pur que l’on nomme aussi soufre fossile, soufre natif, ou soufre vierge, se trouve abondamment dans quelques endroits de la terre ; ce n’est que dans le voisinage des volcans & des endroits sujets aux embrasememens souterreins que ce soufre se rencontre ; & par-tout où on le voit, on doit supposer qu’il a été produit & sublimé par les feux de la terre ; ils l’ont dégagé des substances avec lesquelles il étoit combiné ; ils l’ont sublimé comme auroit pû faire un fourneau, & ils l’ont porté à la surface de la terre.

M. Rouelle, dans ses savantes leçons de chimie, enseigne la façon dont le soufre se forme par le feu des volcans ; ses idées sont fondées sur la nature du soufre, qui n’est autre chose que de l’acide vitriolique combiné avec le phlogistique ou la matiere inflammable. Suivant ce savant chimiste, ce sont les bitumes qui servent d’aliment aux feux souterreins ; par leur embrasement ces bitumes se décomposent, & l’acide vitriolique, si abondant dans le sein de la terre, s’unit au phlogistique des matieres grasses qui brulent, & produit du soufre ; d’où M. Rouelle conclut que le soufre pur n’est qu’une production secondaire de la nature ; puisque sans les embrasemens souterreins, on n’en trouveroit jamais sous la forme qui lui est propre ; tout celui qui est dans la terre est dans un état de combinaison, comme toutes les mines ; & la terre renferme les parties dont il peut être produit.

Les environs des volcans sont donc toujours remplis de soufre ; il est aisé de sentir qu’il n’est point communément fort pur, comme on peut en juger par sa couleur ; ainsi le parti le plus sûr, tant pour les opérations de la Chimie que pour les usages médicinaux, est de ne se servir de ce soufre, qu’après l’avoir purifié ; alors on est certain qu’il est parfaitement dégagé des matieres métalliques & arsénicales, avec lesquelles les feux souterreins peuvent l’avoir combiné ; on sent aussi que ce soufre est souvent mélangé avec des terres, des pierres, &c. Les échantillons de ce que l’on nomme soufre natif, sont plus ou moins purs, suivant les circonstances ; celui que l’on nomme soufre de Quito, & soufre de la Guadeloupe, est d’un jaune clair & transparent ; il vient des parties de l’Amérique qui éprouvent le plus de ravages de la part des volcans ; on en rencontre aussi de plus ou moins pur aux environs des monts Ætna, Vésuve, Hecla, &c. Certaines eaux thermales, telles que celles d’Aix-la-Chapelle, & de plusieurs autres endroits, déposent une assez grande quantité de soufre.

Le soufre entre dans la combinaison d’un très-grand nombre de mines ; il s’y trouve dans des proportions différentes, & fait prendre aux métaux des formes