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égaux aux angles que les lignes de leurs projections respectives font entr’elles sur le plan de projection.

Nous avons expliqué à l’article Stéréographique les avantages & les inconvéniens de cette projection.

Projection de mercator. Voyez Carte.

Projection des ombres. Voyez Ombre. Chambers.

Projection, (Chimie & Alchimie.) opération chimique, qui consiste à jetter ordinairement par portions, ou à différentes reprises une matiere réduite en poudre dans un vaisseau placé sur le feu, soit que ce vaisseau contienne d’autres matieres déja échauffées, ou que le corps même du vaisseau soit convenablement échauffé, & qu’il ne contienne point d’autres matieres.

La projection se fait ordinairement au moyen d’une cuilliere emmanchée d’un long manche ; c’est dans un creuset ou dans une cornue tubulée que se font ordinairement les projections.

Ses usages sont presque bornés aux altérations soudaines qui se font par le moyen du feu dans des matieres inflammables, & qui sont accompagnées de détonation. Voyez Détonation, Nitre, Clissus.

Si l’artiste n’a en vue que le produit fixe de cette opération, comme dans la préparation de l’antimoine diaphorétique, &c. il les exécute dans un creuset. S’il veut retenir aussi leurs produits volatils, connus sous le nom de clissus, voyez Clissus, il les exécute dans des cornues tubulées, auxquelles est adapté un appareil convenable de récipiens.

La prétendue transmutation des métaux, la transmutation soudaine, le grand œuvre par excellence se fait par une projection ; en jettant dans un creuset, qui contient un métal ignoble ou moins noble en belle fonte, une petite quantité d’une poudre qui est appellée par les Alchimistes poudre de projection. Voyez Pierre philosophale. (b)

Projection, (Géog.) on entend par projection en Géographie la courbure des méridiens, selon laquelle ces lignes se rapprochent l’une de l’autre, à mesure qu’elles s’écartent de l’équateur pour s’approcher de l’un & de l’autre des deux poles.

Ceux qui auront lu avec attention ce qui a été dit aux mots Equateur, Méridien & Parallele, n’auront pas de peine à comprendre que l’équateur est un cercle perpendiculaire à un axe, que l’on suppose passer par le centre de la terre, & par les deux poles. Par conséquent chaque point de l’équateur est à égale distance du point central de chaque pole. Donc toutes les lignes droites que l’on peut tirer de l’équateur à ce point central sont égales. Cela est exactement vrai sur un globe fait avec une extrème justesse. Il n’en est pas de même de la mappemonde & des cartes, tant générales que particulieres, pour peu qu’elles contiennent un grand pays. C’est l’usage que dans les cartes le méridien du milieu est droit. Les autres ont une inclinaison vers lui, à proportion de leur éloignement de l’équateur. L’optique demande ce changement : comme toutes ces lignes sont terminées par deux paralleles, il s’ensuit que la ligne droite, qui est celle du milieu, est plus courte que toutes celles qui sont des deux autres côtés, puisqu’elles sont courbes, cela n’a pas besoin d’être prouvé.

Sur l’équateur, qui est de trois cens soixante degrés, il est libre de marquer chacun de ces degrés séparément, ou de ne les marquer que de dix en dix, pour ne pas faire un hémisphere trop noir & trop confus. Or que du point final de chaque dixieme degré de l’équateur, on tire une ligne jusqu’au point central du pole, il arrivera que chaque espace, enfermé entre ces lignes, sera un triangle, dont le côté commun avec l’équateur sera de dix degrés, & les deux autres côtés, chacun de nonante degrés, se termineront à un point qui est le pole, selon la suppo-

sition faite. Il y a donc depuis l’équateur jusqu’au

pole une diminution progressive dans chacun de ces triangles. Ce rapprochement des deux méridiens, comme je viens de dire, est égal dans la réalité & sur le globe ; mais l’optique demande que le méridien du milieu d’une carte, étant une ligne droite, le rapprochement des autres lignes ne se fasse que par une courbure que l’œil leur prête en cette occasion ; & c’est ce rapprochement que nous appellons ici projection. Cette projection doit être très-exacte, sans quoi la carte est très-vicieuse.

Il faut encore remarquer, que plus une carte contient de degrés de latitude, plus la projection devient sensible. Elle ne l’est presque pas dans une carte qui a moins de cinq de ces degrés. (D. J.)

PROJECTURE, voyez Saillie.

PROJET, s. m. (Morale.) plan qu’on se propose de remplir ; mais il y a loin du projet à l’exécution, & plus loin encore de l’exécution au succès ; combien l’homme forme-t-il de folles entreprises !

Combien perd-il de pas,
S’outrant pour acquérir des biens ou de la gloire !
Si j’arrondissois mes états ;
Si je pouvois remplir mes coffres de ducats ;
Si j’apprenois l’hébreu, les sciences, l’histoire

Projet, Dessein, (Synonymes.) Le projet est un plan, ou un arrangement de moyens, pour l’exécution d’un dessein : le dessein est ce qu’on veut exécuter.

On dit ordinairement des projets, qu’ils sont beaux ; des desseins, qu’ils sont grands.

La beauté des projets dépend de l’ordre & de la magnificence qu’on y remarque. La grandeur des desseins dépend de l’avantage & de la gloire qu’ils peuvent procurer ; il ne faut pas toujours se laisser éblouir par cette beauté, ni par cette grandeur ; car souvent la pratique ne s’accorde pas avec la spéculation ; l’ordre admirable d’un système, & l’idée avantageuse qu’on s’en est formée, n’empêche pas quelquefois que les projets n’échouent, & qu’on ne se trouve dans l’impossibilité de venir à-bout de son dessein.

L’expérience de tous les siecles nous apprend que les têtes à grands desseins & les esprits féconds en beaux projets sont sujets à donner dans la chimere.

Le mot de projet se prend aussi pour la chose même qu’on veut exécuter, ainsi que celui de dessein. Mais quoique ces mots soient alors encore plus synonymes, on ne laisse pas d’y trouver une différence, qui se fait sentir à ceux qui ont le goût fin & délicat. La voici telle que l’abbé Girard a pu la développer. Il lui semble que le projet regarde alors quelque chose de plus éloigné ; & le dessein quelque chose de plus près. On fait des projets pour l’avenir : on forme des desseins pour le tems présent. Le premier est plus vague ; l’autre est plus déterminé.

Le projet d’un avare est de s’enrichir, son dessein est d’amasser. Un bon ministre d’état n’a d’autre projet que la gloire du prince & le bonheur des sujets. Un bon général d’armée a autant d’attention à cacher ses desseins, qu’à découvrir ceux de l’ennemi.

L’union de tous les états de l’Europe dans un seul corps de république, pour le gouvernement général ou la discussion des intérêts, sans rien changer néanmoins dans le gouvernement intérieur & particulier de chacun d’eux, étoit un projet digne de Henri IV. plus noble, mais peut-être aussi difficile à exécuter que le dessein de la monarchie universelle, dont l’Espagne étoit alors occupée. Synon. de l’abbé Girard.

Projet, (Architecture.) c’est une esquisse de la distribution d’un bâtiment, établie sur l’intention de la personne qui desire faire bâtir. C’est aussi un mémoire en gros de la dépense à laquelle peut monter la construction de ce bâtiment, pour prendre ses résolutions suivant le lieu, les tems & les moyens.