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son foible, & à le mettre en compromis avec les lois de la probité : l’honneur est à couvert, l’impunité est assurée, la passion est vive, le plaisir est piquant, la fortune est brillante, le chemin est court, il ne m’en coûtera qu’un peu de stabilité & de mauvaise foi pour surprendre la simplicité & séduire l’innocence ; qu’un peu de médisance pour écarter un rival dangereux & supplanter un concurrent redoutable ; qu’un peu de complaisance pour m’assurer un protecteur injuste & me ménager un criminel appui ; qu’un peu de détour & de dissimulation pour parvenir au comble de mes desirs ; ferai-je ce pas ? ne le ferai-je point ? Non me dit la probité, non me dit l’honneur, non me dit la sagesse. Ah ! foible voix au milieu de tant d’attraits, de tant de fortes tentations, seriez-vous écoutées, si la religion ne vous appuie point de ses oracles ? Qui de nous voudroit être alors à la discrétion d’un sage sans religion ? Honnête homme tant qu’il vous plaira, s’il n’a de la religion sa probité m’est suspecte dans ces circonstances délicates. Combien d’autres occasions, moins frapantes à la vérité, mais aussi plus fréquentes, où l’intérêt humain n’est pas assez pressant pour obtenir de moi tout ce que le prochain a droit d’en attendre ; car il faut bien de la fidélité, bien de l’attention pour rendre à chacun ce que l’on doit, & bien de la constance pour ne manquer jamais à ce que l’on doit. Ceux qui vous environnent & qui vous pressent sont quelquefois des étrangers, peut-être des fâcheux, peut-être même des ennemis, n’importe. Ces ennemis, ces fâcheux, ces étrangers ont sur vous par leurs rapports de légitimes droits, & vous avez à leur égard, par vos emplois, par vos charges, par votre état, des devoirs indispensables ; ce qu’ils vous demandent se réduit souvent à de médiocres attentions, à de légeres bienséances, à de véritables minuties, à de simples bagatelles ; mais minuties, bagatelles, superficies tant qu’il vous plaira, ce sont toujours des assujettissemens réels dont dépendent le bon ordre ; assujettissemens pour lesquels on a d’autant plus de répugnance qu’elle est causée par un ton d’imagination, par un trait d’humeur chagrine, par une situation bisarre d’esprit, qui peuvent être l’effet du tempérament ou de quelques conjonctures indépendantes de la liberté. Enfin c’est presque toujours à contre-tems que les devoirs sociables reviennent ; c’est par exemple, lorsque le chagrin vous ronge, que l’ennui vous abat, que la paresse vous tient ; c’est lorsque occupés à des interêts chers ou à des amusemens piquans, un peu de solitude vous plairoit ; faut-il donc tout quitter alors, vaincre sa répugnance & la disposition actuelle de son humeur ? En doutez-vous ? Eh ! d’où viennent, je vous prie, les murmures des enfans, les plaintes des parens, les cris des cliens, les mécontentemens des domestiques ? Ne sont-ils pas tous les jours les victimes d’une humeur, d’un caprice qu’il faudroit vaincre pour les agrémens de la société ? Or quel est l’incrédule honnête homme, qui par les seuls principes de la sagesse mondaine, consentira à les sacrifier de la sorte au bonheur de la société ? On fera ce personnage, si vous voulez, en public ; mais on saura s’en dédommager en particulier, & on fera payer bien cher aux siens tout le reste du jour quelques momens de contrainte qu’on a passés avec d’autres ; c’est donc un principe constant que ce n’est que dans la religion qu’on peut trouver une justice exacte, une probité constante, une sincérité parfaite, une application utile, un desintéressement généreux, une amitié fidele, une inclination bienfaisante, un commerce même agréable, en un mot tous les charmes & les agrémens de la société. Ces principes sont applicables à tous cultes, ou ils ne le sont à aucun.

PROBLEMATIQUE, adj. (Gramm.) incertain,

douteux ; il se dit de tout ce qui souffre le pour & le contre avec une presque égale vraissemblance.

PROBLÈME, en terme de Logique, signifie une question douteuse, ou une proposition qui paroît n’être ni absolument vraie, ni absolument fausse ; mais dont le pour & le contre sont également probables, & peuvent être soutenus avec une égale force.

Ainsi c’est un problème que de savoir si la lune & les planetes sont habitées par des êtres qui soient en quelque chose semblables à nous. Voyez Pluralité des mondes. C’est un problème que de savoir si chacune des étoiles fixes est le centre d’un système particulier de planetes & de cometes. Voyez Planete, Etoile, &c.

Problème, signifie aussi une proposition qui exprime quelqu’effet naturel, dont on cherche à découvrir la cause ; tels sont les problèmes d’Aristote.

Un problème logique ou dialectique, disent les philosophes de l’école, est composé de deux parties ; savoir, le sujet, ou la matiere sur laquelle on doute, & l’attribut, ou prédicat, qui est ce qu’on doute si on doit affirmer du sujet ou non. Voyez Sujet & Attribut.

Il y a quatre prédicats topiques ; savoir, genus, definitio, proprium & accidens, ce qui constitue quatre especes de problèmes dialectiques.

Les premiers sont ceux où la chose attribuée au sujet est un genre ; comme quand on demande si le feu est un élément, ou non. Voyez Genre.

Les seconds sont ceux où la chose attribuée renferme une définition ; comme quand on demande si la Rhétorique est l’art de parler, ou non. Voyez Définition.

Les troisiemes sont ceux où l’attribut emporte une propriété ; par exemple, s’il est de la justice de rendre à chacun ce qui lui est dû. Voyez Propriété.

Enfin les derniers sont ceux où l’attribut est adventice & accidentel ; par exemple, si Pierre est vertueux, ou non. Voyez Accident.

On peut encore diviser les problèmes en problèmes de morale, qui se rapportent à ce qu’on doit faire ou éviter ; problèmes de Physique, qui concernent la connoissance de la nature, & problèmes métaphysiques, qui ont rapport aux choses spirituelles.

Problème, en terme de Géométrie, signifie une proposition dans laquelle on demande quelque opération ou construction ; comme de diviser une ligne, de faire un angle, de faire passer un cercle par trois points qui ne soient pas en ligne droite, &c. Voyez Proposition.

Messieurs de Port-royal définissent le problème géométrique, une proposition qu’on donne à démontrer, & dans laquelle on demande aussi qu’on fasse quelque chose, & qu’on prouve ensuite que l’on a fait ce qui étoit demandé.

Un problème, selon Wolf, est composé de trois parties ; la proposition, qui exprime ce qu’on doit faire, voyez  ; la résolution, ou solution, dans laquelle on expose par ordre les différens pas que l’on doit faire pour venir à bout de ce qu’on demande, voyez Solution ; enfin la démonstration, dans laquelle on prouve que par les moyens dont on s’est servi dans la solution, on a réellement trouvé ce que l’on cherchoit.

L’Algebre est la plus merveilleuse méthode que l’esprit de l’homme ait découverte pour la résolution des problèmes ; voyez Algebre & Analyse.

Le problème de Kepler dans l’Astronomie, est un problème qui consiste à trouver le lieu d’une planete dans un tems donné ; on l’appelle problème de Kepler, parce que cet astronome est le premier qui l’ait proposé. Voyez Planete & Lieu.

Voici à quoi se réduit ce problème. Trouver la position d’une ligne droite, qui passant par un des foyers