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core la connoissance de la langue & de la poésie des Provençaux ; & ceux des Anglois qui s’appliquerent à la Poésie, comme le roi Richard, Savary de Mauléon, & Robert Grossetête, trouvant leur propre langue trop rude, se porterent aisément à se servir de celle de Provence, comme étant plus douce & plus fléxible. Chaucer a pris tous les termes provençaux, françois, & latins, qu’il a pu trouver, & les a mêlés avec l’anglois, après les avoir habilles à l’angloise.

On appelloit les poëtes provençaux, troubadours, jongleurs, & chanterres : ce dernier nom n’est pas étranger dans nos cathédrales. Roger Oveden rend le second par joculatores, ou joueurs, comme on pourroit traduire le premier par trompettes. Mais les troubadours s’appelloient aussi trouverres, comme qui diroit trouve-trésor. Les Italiens les nomment trovatori ; le nom de jongleurs, leur venoit apparemment de quelque instrument de musique (vraissemblablement la harpe) alors en usage, comme les Latins & les Grecs se nommoient poëtes lyriques. Du Verdier, Van Privas, & la Croix du Maine, vous feront connoître les principaux poëtes provençaux ; je n’en indiquerai que deux ou trois d’entre les plus anciens.

Belvezor (Aymeric de) florissoit vers l’an 1203, & fit quantité de vers à la louange de sa maîtresse, qui vivoit à la cour de Rémond comte de Provence. Ensuite il devint amoureux d’une princesse de Provence qui s’appelloit Barbosse ; cette dame ayant été nommée abbêsse d’un monastere, Belvezer en mourut de douleur en 1264, parce qu’il ne lui étoit plus permis de la voir. Il lui envoya peu de tems avant sa mort, un petit ouvrage intitulé las amours de son ingrata.

Arn rud de Meyrveilh, poëte provençal du xiij. siecle, entra au service du vicomte de Beziers, & devint épris de la comtesse de Burlas son épouse. Comme il étoit très-bien fait de sa personne, chantoit bien, & lisoit les romans en perfection, la comtesse le traitoit avec beaucoup de bonté. Enfin, il s’enhardit à lui déclarer son amour par un sonnet intitulé, les chastes prieres d’Arnaud : la comtesse les écouta gracieusement, & fit au poëte des présens considérables. Il mourut l’an 1220 ; Pétrarque a fait mention de lui dans son triomphe de l’Amour.

Arnaud de Coutignac, poëte provençal du xiv. siecle, devint amoureux d’une dame nommée Ysnarde, à la louange de laquelle il fit plusieurs vers ; mais n’ayant rien pu gagner sur son esprit, il alla voyager dans le Levant, afin de se guérir de sa passion par l’absence, & d’oublier une personne qui paroissoit prendre plaisir à ses peines. Il lui adressa un ouvrage intitulé, las suffrensas d’amour, & mourut à la guerre en 1354. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Poésie satyrique, voyez Satyre.

Poésie du style, voyez Style, Poésie du, (Poésie.)

Poésie du vers, (Poésie.) voyez Vers, Poésie du ; car la lettre P est si chargée, qu’il faut permettre ces sortes de renvois, pourvû qu’on n’ait pas oublié de les remplir. (D. J.)

POET, s. m. (Poids.) gros poids dont on se sert en Moscovie, particulierement à Archangel ; il pese quarante livres du pays, qui reviennent à environ trente-trois livres de Paris.

POETE, s. m. (Belles-Lettres.) écrivain qui compose des ouvrages en vers. Le mot grec ποιητὴς, signifie faiseur, inventeur, de ποιέω, facio, fingo : c’est pourquoi l’on appelloit autrefois les poëtes, fatistes ; & nos ancêtres les nommoient troubadours ou trouveurs, c’est-à-dire inventeurs, sans doute à cause des fictions qu’ils imaginent, & pour lesquelles Horace leur accorde les mêmes priviléges qu’aux Peintres :

Pictoribus atque Poetis
Quidlibet audendi semper suit æqua potestas.

Art poétique.

Les Romains les appelloient vates, c’est-à-dire prophetes, hommes inspirés : aussi Cicéron rapporte-t-il comme un mot de Démocrite & de Platon, qu’on ne sauroit être poëte sine afflatu furoris, c’est-à-dire sans un grain de folie, & Horace atteste que Démocrite bannissoit de l’Hélicon tous les gens sages :

Excludit sanos helicone
Poetas Democritus. Art poétique.

Malgré cette prévention, les Poëtes ont été estimés & honorés dans tous les siecles ; ils ont été les premiers historiens. Anciennement ils récitoient ou chantoient leurs ouvrages ou sur les théatres, ou dans les jardins & les jeux publics, ou dans les thermes ; & ils étoient en même tems acteurs & musiciens. On a même regardé leurs noms comme synonymes à ceux de néocore & de panégyriste des dieux. Voyez Néocore. On regarde même les premiers d’entre eux, tels qu’Homere, Hésiode, &c. comme les théologiens du paganisme. Presque tous se sont proposé d’envelopper sous leurs fictions & leurs allégories, des vérités ou de morale ou de physique ; les autres n’ont eu en vue que l’amusement. Il y avoit à Delphes des poëtes en titre d’office, dont l’emploi étoit de mettre en vers les oracles que les prêtres recueilloient de la bouche de la Pithie ; mais ces vers n’étoient pas toujours dignes d’Apollon, le dieu de la Poésie.

M. Spanheim prétend que les auteurs arabes sont beaucoup plus poëtes que ceux des autres peuples, & qu’il y a plus de vers écrits dans leur langue seule, que dans celles de toutes les autres nations.

La Grece décernoit des statues & des couronnes aux Poëtes ; on n’en faisoit pas moins de cas à Rome ; Horace & Virgile tenoient un rang distingué à la cour d’Auguste ; mais soit que les Poëtes se fussent avilis par la suite, soit qu’on ne les regardât point comme des gens fort utiles, on voit par une loi de l’empereur Philippe, insérée dans le code, lib. X. tit. 152, que les Poëtes sont exclus des immunités accordées aux autres professeurs des Sciences. Les modernes semblent les avoir dédommagés de ce mépris, en introduisant l’usage de couronner avec pompe les grands poëtes. On nommoit poëtes lauréats, ceux à qui l’on accordoit cet honneur ; tels ont été Pétrarque, Enéas Sylvius, Arias Montanus, Obrecht, le chevalier Perfetti ; & en Angleterre Jean Kay, Jean Gower, Bernard André, Jean Skelton, Dryden, Cyber. On peut voir sur cette matiere une dissertation de M. l’abbé du Resnel, dans les mém. de l’académie des Belles Lettres, tome X.

On distingue les Poëtes, 1°. par rapport au tems où ils ont vécu, en deux classes, les anciens & les modernes ; 2°. par rapport aux climats qui les ont produits, & où ils ont vécu, ou par rapport à la langue dans laquelle ils ont écrit, en poëtes grecs, latins, italiens, espagnols, françois, anglois, &c. 3°. par rapport aux objets qu’ils ont traités ; en poëtes épiques, tels qu’Homere & Virgile, le Tasse, & Milton, &c. poëtes tragiques, comme Sophocle, Eurypide, Shakespear, Otwai, Corneille, & Racine, &c. poëtes comiques, Aristophane, Ménandre, Plaute, Térence, Fletcher, Jonhson, Moliere, Renard ; poëtes lyriques, comme Pindare, Horace, Anacréon, Cowley, Malherbe, Rousseau, &c. poëtes satyriques, Juvenal, Perse, Regnier, Boileau, Dryden, Oldham, &c. poëtes élégiaques, &c. Voyez Epique, Comique, Lyrique, &c.

Poete bucolique, (Poésie.) les poëtes bucoliques sont ceux qui ont décrit en vers la vie champêtre, ses amusemens & ses douceurs. L’essence de leurs ouvra-