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pluriel à cause de la pluralité des correlatifs, & au genre le plus noble, frater & soror sunt pii ; de même si un verbe se rapporte à des sujets de diverses personnes, on le met au pluriel à cause de la pluralité des sujets, & à la personne la plus noble, ego & tu ibimus. C’est de part & d’autre, non la même raison, si vous voulez, mais une raison toute pareille. Voyez au surplus Personnel & Impersonnel. (B. E. R. M.)

Personnes, gens, (Synon.) le mot de gens, dit l’abbé Girard, a une couleur très-indéfinie qui le rend incapable d’être uni avec un nombre, & d’avoir un rapport marqué à l’égard du sexe. Celui de personnes en a une plus particularisée, qui le rend susceptible de calcul, & de rapport au sexe quand on veut le désigner. Il y a peu d’honnêtes gens à la cour ; les personnes de l’un & de l’autre sexe y sont plus polies qu’ailleurs. Le plaisir de la table n’admet que gens de bonne humeur, & ne souffre pas qu’on soit plus de huit ou dix personnes. Voyez aussi l’article Gens. (D. J.)

Personne, persona, (Théologie.) une substance individuelle, une nature raisonnable ou intelligente. Voyez Substance & Individuel.

Le Pere & le Fils sont réputés en droit une même personne. Un ambassadeur représente la personne de son prince. Voyez Ambassadeur.

En Théologie, la Divinité réside en trois personnes ; mais alors le mot personne emporte une idée particuliere, fort différente de celle que l’on y attache en toute autre circonstance. On ne s’en sert qu’au défaut d’un autre terme plus propre & plus expressif. Voyez Trinité.

On dit que le mot personne, persona, est emprunté de personando, l’action de jouer un personnage ou de le contrefaire ; & l’on prétend que sa premiere signification étoit celle d’un masque. C’est dans ce sens que Boëce dit, in larvâ concavâ sonus velvatur ; c’est pourquoi les acteurs qui paroissoient masqués sur le théâtre, étoient quelquefois appellés larvati, & quelquefois personati. Le même auteur ajoute que, comme les différens acteurs représentoient chacun un personnage unique & individuel, comme Œdipe, Chremès, Hécube, Médée : ce fut pour cette raison que d’autres gens qui étoient aussi distingués par quelque chose dans leur figure ou leur caractere, ce qui servoit à les faire connoître, furent appellés par les Latins personæ, & par les Grecs προσωπα. De plus, comme ces acteurs ne représentoient guere que des caracteres grands & illustres, le mot personne vint enfin à signifier l’esprit, comme la chose de la plus grande importance & de la plus grande dignité dans tout ce qui peut regarder les hommes : ainsi les hommes, les Anges, & la Divinité elle-même, furent appellés personnes.

Les êtres purement corporels, tels qu’une pierre, une plante, un cheval, furent appellés hypostases ou supposita, & non pas personne. Voyez Hypostase, Hypostasis, &c.

C’est ce qui fait conjecturer aux savans que le même nom personne vint à être d’usage pour signifier quelque dignité, par laquelle une personne est distinguée d’une autre, comme un pere, un mari, un juge, un magistrat, &c.

C’est en ce sens que l’on doit entendre ces paroles de Cicéron : « César ne parle jamais de Pompée qu’en termes d’honneur & de respect ; mais il exécute des choses fort dures & fort injurieuses à sa personne ». Voyez Personnalité.

Voilà ce que nous avions à dire sur le nom personne : quant à la chose, nous avons déja défini le mot personne, ce qui signifie une substance individuelle d’une nature raisonnable ; définition qui revient à celle de Boëce.

Maintenant, une chose peut être individuelle de deux manieres : 1°. logiquement, ensorte qu’elle ne puisse être dite de tout autre, comme Cicéron, Platon, &c. 2°. physiquement, en ce sens une goutte d’eau, séparée de l’Océan, peut s’appeller une substance individuelle. Dans chacun de ces sens, le mot personne signifie une nature individuelle : logiquement, selon Boëce, puisque le mot personne ne se dit point des universels, mais seulement des natures singulieres & individuelles ; on ne dit pas la personne d’un animal ou d’un homme, mais de Cicéron & de Platon : & physiquement, puisque la main ou le pié de Socrate ne sont jamais considérés comme des personnes.

Cette derniere espece d’individuel se dénomme de deux manieres : positivement, comme quand on dit que la personne doit être le principe total de l’action ; car les Philosophes appellent une personne, tout ce à quoi l’on attribue quelque action : & négativement, comme quand on dit avec les Thomistes, &c. qu’une personne consiste en ce qu’elle n’existe pas dans un autre comme un être plus parfait.

Ainsi un homme, quoiqu’il soit composé de deux substances fort différentes, savoir de corps & d’esprit, ne fait pourtant pas deux personnes, puisqu’aucune de ces deux parties ou substances, prises séparément, n’est pas un principe total d’action, mais une seule personne ; car la maniere dont elle est composée de corps & d’esprit, est telle qu’elle constitue un principe total d’action, & qu’elle n’existe point dans un autre comme un être plus parfait : de même, par exemple, que le pié de Socrate existe en Socrate, ou une goutte d’eau dans l’Océan.

Ainsi quoique Jesus-Christ consiste en deux natures différentes, la nature divine & la nature humaine, ce n’est pourtant pas deux personnes, mais une seule personne divine ; la nature humaine en lui n’étant pas un principe total d’action, mais existante dans une autre plus parfaite ; mais de l’union de la nature divine & de la nature humaine il résulte un individu ou un tout, qui est un principe d’action : car quelque chose que fasse l’humanité de Jesus-Christ, la personne divine qui est unie la fait aussi ; de sorte qu’il n’y a en Jesus-Christ qu’une seule personne, & en ce sens une seule opération, que l’on appelle théandrique. Voyez Théandrique.

PERSONNEL, LLE, adj. (Gramm.) ce mot signifie qui est relatif aux personnes, ou qui reçoit des inflexions relatives aux personnes. On applique ce mot aux pronoms, aux terminaisons de certains modes des verbes, à ces modes des verbes, & aux verbes mêmes.

On appelle pronoms personnels ceux qui présentent à l’esprit des êtres déterminés par l’idée prise de l’une des trois personnes. Les pronoms personnels dans le système ordinaire des Grammairiens ne sont qu’une espece particuliere, & l’on y ajoute les pronoms démonstratifs, les possessifs, les relatifs, &c. mais il n’y a de véritables pronoms que ceux que l’on nomme personnels ; & les autres prétendus pronoms sont ou des noms, ou des adjectifs, ou même des adverbes. Voyez Pronom.

Les terminaisons personnelles de certains modes des verbes sont celles qui sont relatives à l’une des trois personnes, & qui servent à marquer l’identification du verbe avec un sujet de la même personne déterminée. Ego amo, tu amas, Petrus amat ; voilà le même verbe identifié, par la concordance, avec le sujet ego, qui est de la premiere personne, avec le sujet tu qui est de la seconde, & avec le sujet Petrus qui est de la troisieme.

On peut encore regarder comme des terminaisons personnelles ou comme des cas personnels le nominatif & le vocatif des noms. En effet, dans une proposition on ne considere la personne que dans le sujet,