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avec la lentille du microscope. Il y a lieu de croire que chacune de ces petites lentilles répond à une branche distincte des nerfs optiques, & que les objets n’y paroissent qu’un à un, tout comme nous ne voyons pas un objet double, quoique nous ayons deux yeux.

Tous ceux qui ont un microscope, se sont amusés à considerer ces petits yeux ; mais il y en a peut-être peu qui en ayent consideré la nature ou le nombre. M. Hook a trouvé quatorze mille hémispheres dans les deux yeux d’un bourdon, c’est-à-dire, sept mille dans chacun. M. Leeuwenhoek en a compté six mille deux cens trente-six dans les deux yeux d’un vers à soie, lorsqu’il est dans l’état de mouche ; trois mille cent quatre-vingt-un dans chaque œil de l’escarbot ; & huit mille dans les deux yeux d’une mouche ordinaire. Mais la mouchedragon est encore plus remarquable par la grandeur & la finesse de ses yeux à réseau. Voyez Mouche-dragon.

Si l’on coupe l’œil d’une mouche-dragon, d’un bourdon, d’une mouche commune ; qu’avec un pinceau & un peu d’eau claire on en ôte tous les vaisseaux ; qu’on examine ces vaisseaux au microscope, leur nombre paroîtra prodigieux. M. Leeuwenhoek ayant préparé un œil de cette maniere, le plaça un peu plus loin de son microscope qu’il ne faisoit, lorsqu’il vouloit examiner un objet ; ensorte qu’il fit concourir le foyer de sa lentille avec le foyer antérieur de cet œil ; alors regardant à-travers ces deux lentilles qui formoient un telescope, le clocher d’une église qui avoit 300 piés de hauteur, & à la distance de 750 piés, lui parut à-travers de chaque petite lentille renversé, mais pas plus grand que la pointe d’une aiguille fine ; ensuite dirigeant sa vûe vers une maison voisine à-travers ce grand nombre de petits hémispheres, il vit non seulement le devant de la maison, mais encore les portes & les fenêtres ; & il fut en état de distinguer si les fenêtres étoient ouvertes ou fermées.

On ne peut pas douter que les poux, les mites & plusieurs autres animaux encore plus petits, n’ayent des yeux façonnés de maniere à distinguer des objets quelques milliers de fois plus petits qu’ils ne sont eux-mêmes ; car les petites particules qui les nourrissent, & plusieurs autres choses qu’il leur importe de distinguer, doivent certainement être de cette petitesse. Combien donc leurs yeux ne doivent-ils pas grossir les objets ; & quelle découverte ne feroit-on pas, s’il étoit possible d’avoir des lentilles de cette force, pour découvrir par leur moyen ce que ces petits animaux découvrent clairement.

Jean-Baptiste Hodierna a fait un examen trés-curieux des yeux des insectes dans son traité italien : l’occhio della mosca, o discorso fisico intorno all anatomia del occhi di tutti gli animali annulosi detti Jasetti, recentemente scoverta Panormi 1644.

On peut voir aussi de belles observations curieuses sur les yeux des insectes, par l’abbé Catelan dans le journal des Savans, 1680 & 1681, &c. (D. J.)

Œil, (Critiq. sacrée.) dans le langage de l’Ecriture, l’œil mauvais, oculus nequam, πονήρος, signifie l’envie & l’avarice, an oculus tuus nequam est, quia ego sum bonus ? Matth. xx. 15. Marc, vij. 22. Luc, xj. 24. Etes-vous envieux de ce que je suis bon ? Oculus malus ad mala, l’homme avare ne tend qu’au mal, Eccl. xiv. 10. L’œil simple, ἀπλοῦς, l’œil bon, marque au contraire la libéralité, l’inclination à la bénéficence, vir boni oculi, une ame liberale, Prov. Mettre ses yeux sur quelqu’un, indique quelquefois la colere ; ponam oculos meos super eos, souvent aussi ces mots désignent les bienfaits ; oculi ejus super gentes respiciunt, Ps. 65. 7. Joseph dit à ses freres de lui amener Benjamin, afin qu’il mette les yeux sur lui,

c’est-à-dire, qu’il veut lui faire du bien. Oculo cæco esse dans Job. xxjx. 15. c’est une expression qui signifie généralement prendre soin des affligés & les secourir dans leurs besoins. Eruere oculos alterius, num. vj. 14. se dit métaphoriquement de ceux avec qui on traite comme avec des aveugles. Josephus ponet manus suas super oculos tuos, Genes. xlvj. 4. Joseph vous fermera les yeux à votre mort ; cérémonie en usage chez les anciens. Ad oculum servire, Colos. iij. 22. servir à l’œil, c’est ne servir un maître avec soin que quand on en est vû. La hauteur des yeux désigne l’orgueil, Eccles. xxiij. 5. Enfin, oculi pleni adulterii, oculi fornicantes, & autres façons de parler semblables de l’Ecriture, viennent de ce que les yeux sont les organes des passions. (D. J.)

Œil artificiel, (Optiq.) cette machine qu’on peut voir, Pl. d’Optique, fig. 9. n°. 2. est une espece de petit globe, à-peu-prés comme celui de l’œil, & traversé dans sa longueur par un tuyau FC qui est garni d’un verre lenticulaire à son extremité F. A l’autre extrémité C est adapté un papier huilé, qu’on place à-peu-prés au foyer du verre, & sur lequel viennent se peindre dans l’obscurité les images renversées des objets extérieurs ; cet œil artificiel est une espece de chambre obscure. Voyez Chambre obscure, & il représente la maniere dont les images des objets extérieurs se peignent au fond de l’œil, qui est lui-même une chambre obscure naturelle. Voyez Vision. (O)

Œil, s. m. (Botan. & Jardin.) est un petit point rond qui vient le long des branches des arbres d’où sortent les jeunes pousses, qui produisent les fleurs & les fruits ; il n’y a de différence entre œil & bourgeon, qu’en ce que l’œil demeure long-tems en repos jusqu’à l’arrivée de la séve, au lieu qu’alors le bourgeon s’enfle & se manifeste ; de sorte qu’on peut dire qu’il est un œil animé.

On appelle œil rond, celui qui est enflé & propre à former une branche à fruit.

Œil plat est celui qui ne donne que du bois ; on dit encore œil poussant, œil dormant.

Le premier est employé quand on greffe, dans la pousse ou dans le tems de la seve.

Le second veut dire qu’on greffe entre les deux séves, tems où les yeux ne sont point animés. (K)

Œil de bœuf, s. m. (Hist. nat. Bot.) buphthalmum, genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de plusieurs fleurons, séparés les uns des autres par une feuille pliée en gouttiere ; la couronne de cette fleur est composée de demi-fleurons, placés sur des embryons, & soutenus par un calice formé de plusieurs feuilles disposées en écailles. Lorsque la fleur est passée, les embryons deviennent des semences qui sont le plus souvent menues & anguleuses. Ajoutez aux caracteres de ce genre, le port entier de la plante. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Œil, (Conchyol.) terme d’usage en parlant du centre de la volute d’une coquille. (D. J.)

Œil de bouc, nom que l’on a donné à une espece de patelle ou de lepas. Voyez Lepas & Coquille.

La coquille de ce poisson, dit Tournefort, dans son voyage du levant, est un bassin d’une seule piece, d’environ un pouce ou deux de diametre, presque ovale, haut de huit ou neuf lignes, retréci en pavillon d’entonnoir, terminé en pointe, rempli par un poisson qui présente d’abord un grand muscle pectoral gris-brun, roussâtre sur les bords, & légerement ondé. La surface de ce muscle se remue de telle sorte, qu’on s’apperçoit de certains points ou petits grains qui s’élevent & même s’élancent, comme on le remarque, sur les liqueurs qui commencent à frémir avant que de bouillir. D’ailleurs, cette