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seront rendus en payant le loyer pour leur occupation. (A)

Occupation est aussi un moyen d’acquérir du droit des gens, suivant lequel les choses appellées nullius, c’est-à-dire, qui n’ont point de maîtres, & les choses appartenantes aux ennemis sont au premier occupant.

Il y a, suivant le droit romain, cinq manieres d’acquérir ainsi par occupation ; savoir, venatus, la chasse aux bêtes fauves ; aucupium, qui est la chasse à l’oiseau ; piscatio, la pêche ; inventio, comme quand on trouve des perles sur le bord de la mer, des choses abandonnées, ou un trésor ; enfin, præda bellica, c’est-à-dire, le butin que l’on fait sur les ennemis. Voyez les instit. liv. II. tit. 1.

Ces manieres d’acquérir n’ont pas toutes également lieu dans notre usage. Voyez Chasse, Pêche, Invention, Trésor, Ennemis, Butin. (A)

OCCURRENCE, s. f. (Gram.) il est synonyme à conjoncture ; il marque seulement un peu plus de hasard. S’il est prudent, il n’est pas toujours honnête de changer de conduite selon les occurrences.

OCÉAN, s. m. (Géog.) c’est cette immense étendue de mer qui embrasse les grands continens du globe que nous habitons. Les Grecs nous ont donné le mot Océan, Ὠκεανὸς, formé d’Ὠκέως, rapidement, & de ναίω, couler.

On dit la mer simplement pour signifier la vaste étendue d’eaux qui occupent une grande partie du globe. L’Océan a quelque chose de plus particulier, & se dit de la mer en général par opposition aux mers qui sont enfermées dans les terres. L’Océan n’environne pas moins le nouveau monde que l’ancien ; mais dans les mers resserrées dans de certains espaces de terre, le nom d’Océan ne convient plus.

L’Océan lui-même se partage en diverses mers, non qu’il soit divisé par aucune borne, comme les mers enfermées entre des rivages, & où l’on entre par quelques détroits, mais parce qu’une aussi grande étendue de mer que l’Océan est parcourue par des navigateurs qui ont besoin de distinguer en quel lieu ils se sont trouvés, on a imaginé des parties que l’on distingue par des noms plus particuliers.

Mais en général plusieurs géographes ont divisé l’Océan principal en quatre grandes parties, dont chacune est appellée aussi Océan, & qui répondent aux quatre continens ou grandes îles de la terre, telles sont :

1°. L’Océan atlantique, qui est situé entre la côte occidentale du vieux monde, & la côte orientale du nouveau. On l’appelle aussi Océan occidental, parce qu’il est à l’occident de l’Europe. L’équateur le divise en deux parties, dont l’une est contiguë à l’Océan hyperboréen, & l’autre à la mer Glacée ou mer Méridionale.

2°. L’Océan pacifique, ou grande mer du sud, qui est située entre la côte occidentale d’Asie & d’Amérique, & s’étend jusqu’à la Chine, & aux îles Philippines.

3°. L’Océan hyperboréen ou septentrional, qui environne le continent arctique.

4°. L’Océan méridional, qui regne au-tour du continent méridional, & dont l’Océan indien fait partie.

D’autres géographes divisent aussi l’Océan principal en quatre parties de la maniere suivante : l’Océan atlantique, selon eux, en fait une partie ; mais ils ne l’étendent pas au-delà de l’équateur, où ils font commencer l’Océan éthiopique. Ils comptent aussi avec nous l’Océan pacifique, & ils y ajoutent l’Océan indien. Mais nous avons plus d’égards dans notre division aux quatre grands continens. Quelques-uns ne le divisent qu’en trois parties ; savoir, l’atlantique, le pacifique & l’indien ; mais alors ils

donnent plus d’étendue à l’Océan pacifique. Chacun peut s’attacher à la division qui lui semblera la meilleure ; cela n’est pas fort important ; car cette division n’est point faite par la nature même, c’est l’ouvrage de l’imagination seule.

L’Océan dans son étendue continuée environne toute la terre & toutes ses parties. Sa surface n’est interrompue nulle part par l’interposition de la terre ; il y a seulement des endroits où la communication ne se fait que par des trajets plus étroits.

La vérité de cette proposition ne peut se prouver que par l’expérience qu’on a acquise principalement en navigeant autour de la terre ; ce qui a été plusieurs fois entrepris & exécuté heureusement ; premierement par les Espagnols sous le capitaine Magellan, qui a découvert le premier le détroit auquel il a donné son nom ; ensuite par les Anglois, savoir, par François Drak, Thomas Cavendish & autres ; & postérieurement par les Hollandois, &c.

Les anciens n’ont jamais douté que l’Océan ne fût ainsi continué ; car ils supposoient que l’ancien monde étoit élevé au-dessus des eaux qui l’environnoient de toutes parts ; quelques uns même ont cru qu’il étoit flottant. Mais quand on eut découvert l’Amérique, qui a beaucoup d’étendue du nord au sud, & qui semble interrompre la continuité de l’Océan, & que l’on eût trouvé les continens arctique & antarctique ; alors on commença à changer de sentiment ; car on s’imagina que l’Amérique étoit jointe à quelque partie du continent méridional ; ce qui n’étoit pas sans vraisemblance, de même que la plûpart de nos géographes modernes supposent que l’Amérique méridionale est jointe au Groenland. Si ces deux conjectures eussent été justes, il s’en seroit suivi à la vérité que l’Océan n’environnoit pas toute la terre ; mais Magellan a levé tous les scrupules, & écarté tous les doutes à cet égard, en découvrant, en 1520, les détroits qui séparent l’Amérique d’avec le continent du sud, & qui joignent l’Océan atlantique avec la mer pacifique. Ainsi, ce que les anciens avoient supposé par une mauvaise forme de raisonner, l’expérience nous a démontré que c’est une vérité certaine. On en peut dire autant de l’Afrique ; car les Anciens supposoient sans hésiter qu’elle étoit bornée au sud par l’Océan, & qu’elle ne s’étendoit pas si loin au-delà de l’équateur, ce qui s’est trouvé exactement vrai ; mais quand les Portugais eurent navigé le long de la côte occidentale d’Afrique, & découvert qu’elle s’étendoit bien au-delà de l’équateur, on douta alors si on pourroit en faire le tour de maniere à pouvoir y trouver un passage pour aller aux Indes ; c’est-à-dire, si l’Afrique s’étendoit bien loin au midi, & si elle étoit entourée de l’Océan. Mais Vasco de Gama leva encore ce doute ; car, en 1497, il côtoya d’abord la partie la plus méridionale du promontoire d’Afrique, appellé le Cap de bonne espérance ; nom qui lui fut donné par Jean II. roi de Portugal, en 1494, lorsque Barthelemi Diaz, qui d’abord en revint, quoiqu’il n’eut pas doublé ce cap faute de provision, & à cause des temps orageux, lui eût donné une description détaillée de l’état tempestueux & orageux de la mer auprès de ce promontoire.

On fait bien des questions curieuses sur l’Océan ; nous n’en toucherons que quelques-unes d’entre celles que Varenius n’a pas dédaigné de résoudre. Les voici.

I. On recherche pourquoi l’Océan apperçu du rivage paroît s’élever à une grande hauteur, à mesure qu’il s’éloigne ?

Je réponds que c’est une erreur de la vue, ou pour parler plus exactement, une faute de calcul, qui a jetté bien des gens dans l’erreur, & leur a fait croire qu’en beaucoup d’endroits la mer est plus élevée de