Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuation est utile & même nécessaire dans les circonstances qui l’exigent, mais dont la trop grande perte est aussi très-désavantageuse à la santé, & peut occasionner de grandes maladies ; la salive dans l’état de santé n’abonde jamais assez pour devoir être jettée, comme la matiere des crachats, qui ne peut jamais être qu’une pituite ou une mucosité véritablement excrémenticielle. Voyez Lait, Semence, Salive.

La conservation de la santé exige absolument que l’on ne fasse point usage, pour quelque raison que ce soit, de remedes, de médicamens, sur-tout de ceux qui sont propres à procurer des évacuations extraordinaires, tant que toutes les fonctions se font convenablement & sans aucune apparence de surabondance d’humeurs qui indique le besoin de recourir aux secours de l’art pour aider la nature ou suppléer à son défaut : rien n’est plus contraire à la santé que l’abus en ce genre ; on ne doit faire usage de remedes que dans les cas où l’on a véritablement besoin du conseil du médecin. Voyez Remedes, Médicamens, Hygiene.

Vl. Des affections de l’ame. L’expérience & l’observation de tous les tems, apprennent que tous les hommes affectés de quelque passion de l’ame qui affecte fortement, violemment, éprouvent un changement considérable dans l’action des organes vitaux ; que le mouvement du cœur, le pouls, la respiration en sont augmentés ou diminués d’une maniere très-sensible, respectivement à l’état naturel, avec des variétés, des inégalités que l’on ne peut déterminer ; que la transpiration, selon Sanctorius, ainsi que les autres excrétions, en sont aussi plus ou moins altérées ; que l’appétit & les forces en sont souvent diminués, &c. Ainsi la tranquillité constante de l’ame, l’éloignement de toute ambition, de toute affection, de toute aversion dominante, contribue beaucoup au maintien de la santé, & lui est essentiellement nécessaire. Il n’est pas moins important à cet égard d’éviter toute application à l’étude trop forte, trop continuée, toute contention d’esprit de longue durée, parce qu’il en résulte une trop grande dissipation du fluide nerveux, outre qu’il est aussi détourné par-là des organes de la digestion & de l’élaboration des humeurs, auxquels il est si nécessaire que la distribution s’en fasse, conformément aux besoins de l’économie animale : ensorte que cette dissipation ou cette diversion sont suivies inévitablement de la diminution, de l’épuisement des forces, & de l’affoiblissement du tempérament, & de tous les effets que de semblables lésions peuvent produire. Voyez Débilité.

Mais de ce que les passions peuvent nuire à la santé, on n’en doit pas conclure qu’il faille les détruire entierement, pour n’en recevoir aucune impression : d’abord c’est la chose impossible (voyez Passion, Morale) ; d’ailleurs en supposant que cela se pût, ce seroit détruire des modifications de notre être qui peuvent lui procurer des avantages. En effet, les affections vives de l’ame, lorsqu’elles sont agréables ou qu’elles ne causent pas de trop fortes émotions, les exercices de l’esprit reglés par la modération, sont très-utiles, & même nécessaires à l’homme, pour que la vie ne lui soit pas ennuyeuse, & qu’il y soit attaché par quelque intérêt qui la lui rende agréable, ou au moins en remplisse l’espace : autrement elle seroit, pour ainsi dire, sans feu & sans sel ; elle n’auroit rien qui pût animer & en faire souhaiter la continuation. Les desirs, l’espérance & les plaisirs, auxquels on ne se livre qu’avec modération (& avec l’attention, selon le conseil du chancelier Bacon, de ne se procurer jamais une satisfaction complette, & de se tenir toujours un peu en haleine pour tendre à la possession des biens que l’on peut ambitionner, qui quels qu’ils soient ne sont

jamais aussi agréables par la jouissance que par l’attente un peu fondée), sont les seules affections de l’ame qui ne troublent pas l’économie animale, & qui peuvent au contraire contribuer autant à entretenir la vie saine, qu’à la rendre chere & précieuse. Voyez les conseils admirables de Seneque à ce sujet (de tranquillitate animi, cap. xv.), que les bornes de cet ouvrage ne permettent pas de rapporter dans cet article, déja peut-être trop long.

Conclusion. Mais telle est la triste condition du genre humain, que la disposition nécessaire pour rendre la santé parfaite autant qu’il soit possible, qui est une très-grande mobilité dans les organes, ne peut pas être long-tems exercée sans se détruire elle-même. Ainsi, quelque soin que l’on prenne pour ne faire que le meilleur usage des choses non naturelles, & pour écarter toutes les affections contre nature qui peuvent résulter de leurs mauvaises influences, il reste démontré qu’il est très-difficile de conserver une bonne santé, & de se préserver de maladie pendant une longue vie. Voyez Santé, Vie, Vieillesse, Maladie

Il faut encore observer en finissant, que comme les choses non naturelles ne peuvent être regardées comme salutaires ou nuisibles que relativement à leurs effets dans l’économie animale, cette influence est différente selon la différence de l’âge, du sexe, du tempérament des individus ; selon la différente saison de l’année, la différente température & différent climat, & sur-tout selon les différentes habitudes que l’on a contractées : ensorte que ce qui peut être avantageux aux uns, peut être nuisible à d’autres, & qu’il ne convient pas par conséquent de fixer une regle générale par rapport à la façon de vivre, tant morale que physique. Il ne peut y en avoir qui convienne également à toutes sortes de personnes, dans les différentes circonstances qui viennent d’êtres établies : on observe même souvent que ce qui convient dans un tems à quelqu’un, ne lui convient pas dans un autre qui paroit peu différent. In omnibus fere, minus valent præcepta, quam experimenta, dit avec raison Quintilien.

Ainsi, c’est à l’expérience qui apprend à connoître ce qui est utile & ce qui est nuisible, & au raisonnement que l’on peut faire en conséquence, qu’il appartient de déterminer, & même seulement par approximation, relativement aux différences génériques des individus & des circonstances, les conditions qui indiquent le bon ou le mauvais usage des choses non-naturelles. Voyez Régime. Le bon sens éclairé des lumieres de la Physique, peut bien servir pour faire connoître ces conditions à ceux qui veulent faire une étude de ce qui intéresse la conservation de la santé ; mais comme cette étude fait rarement de bons médecins de soi-même en ce genre, il est toujours plus sûr, pour les personnes qui veulent ou qui doivent par état régler tout ce qui a rapport à leur santé & à la prolongation de leur vie, d’avoir recours aux conseils de ceux qui se dévouent spécialement à acquérir les connoissances nécessaires à cet égard, & qui jouissent de la réputation bien fondée de les posséder : ce qui n’est pas commun, parce qu’elles exigent qu’ils soient sur-tout bien verses dans la Chimie, pour être en état de donner des préceptes de santé, plus salutaires & plus sûrs que les autres. Voyez Medecine, Medecin, Chimie, Chimiste.

NONNE, s. f. (Hist. eccl.) mot qui signifioit autrefois une religieuse, & qui le signifie encore aujourd’hui, quoiqu’il ne soit plus du bel usage & qu’on ne l’emploie plus dans le style sérieux. Voyez Religieux & Profès.

Ce mot vient de nonna, nonnana, ou nonnanis, tous mots latins qui signifioient d’abord des pénitens,