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& dans lequel nous sommes toujours plongés, est continuel & comme l’aliment de la vie ; ainsi il est d’une plus grande conséquence pour tout ce qui a rapport à la vie, qu’aucune autre des choses non-naturelles : sa pesanteur, son élasticité, sa température, sa nature, à raison des corps étrangers qu’il contient, n’étant pas les mêmes dans les différentes parties de l’atmosphere ; il s’ensuit que les animaux ne peuvent qu’en être différemment affectés, suivant la différence de ces qualités ; il ne peut donc que contribuer beaucoup à la conservation de la santé, lorsqu’elles sont convenables ; & lui nuire, l’altérer, la détruire inévitablement, lorsqu’elles sont contraires. Voyez Air, Athmosphere.

L’expérience de tous les tems & de tous les lieux a appris que l’air pur, autant qu’il peut l’être, serein, le plus constamment sec & tempéré, est le plus propre à procurer & à maintenir la vie saine, c’est-à-dire que pour cette disposition il doit être exempt ou purgé de toutes exhalaisons hétérogenes, corrompues, de tout mélange qui le rend trop pesant, trop humide, trop grossier ; qu’il ne doit pas être ordinairement chargé de nuages, de brouillards pour qu’il soit bien exposé à l’action du soleil ; qu’il ne doit être susceptible naturellement ni de trop de chaleur, ni de trop de froid, relativement à ce qui convient à l’économie animale (voyez Chaleur, Froid), mais d’une douce température peu variable, proportionnée à l’ordre des saisons.

Le mouvement, l’agitation de l’air, en quoi consistent les vents, servent beaucoup à le dépouiller de ses parties étrangeres : c’est pourquoi les lieux élevés, les montagnes qui sont exposées aux vents, sur tout à ceux qui viennent des pays méditerranés, sont les lieux où l’air est le plus pur, parce qu’il y est continuellement renouvellé ; c’est la position des lieux qui décide lequel des vents principaux doit être regardé comme le plus salubre : en général celui qui a traversé de grands espaces de mer ou de grands amas d’eau, sur-tout des terreins marécageux, est toujours mal-sain à cause de l’humidité & souvent de la corruption dont il est chargé, & d’autant plus mal-sain qu’il est plus chaud. Hippocrate regardoit avec raison cette qualité de l’air comme une des causes des plus ordinaires des fievres putrides épidémiques & de la peste même, au-lieu que le froid joint à l’humidité ne produit que des maladies catarreuses.

Mais quel que soit le vent qui regne, il est toujours plus sain que le calme des airs qui dure considérablement ; car il peut devenir très-nuisible & même pestilentiel par cette seule cause, sur-tout encore s’il est chaud & humide.

En effet l’air modérement froid est toujours préférable à l’air chaud ; celui-ci relâche les fibres, affoiblit le mouvement oscillatoire des vaisseaux, engourdit la circulation, le cours des humeurs, les dissout, les dissipe par une trop grande transpiration : au-lieu que l’air froid en condensant les corps raffermit les solides de l’animal, le rend plus vigoureux, plus agile, favorise l’élaboration de ses fluides, & fortifie à tous égards le tempérament. C’est ce qu’on observe par rapport aux peuples du nord comparés à ceux du midi, qui sont d’une compléxion plus molle, plus délicate, à proportion qu’on approche davantage de l’équateur : au-lieu que dans les pays septentrionaux on jouit en général d’une vie plus saine & plus longue, & qu’il est fort commun d’y voir des hommes très-robustes, même dans l’âge le plus avancé, & d’y trouver des gens qui vivent plus de cent ans. Voyez Chaleur, Froid, Vieillesse.

Il est aussi très-avantageux, pour la santé, que l’air ne soit pas d’une température trop variable ;

que la chaleur & le froid dominent constamment, chacun dans sa saison respective ; que l’on ne soit pas exposé à passer continuellement de l’un à l’autre, à en avoir un mélange habituel dans toutes les saisons ; que la sérénité du ciel se soutienne longtems de suite, & que, s’il devient pluvieux, ce soit aussi pour quelque tems, afin que les différentes impressions que les corps animés en reçoivent soient durables, & que les alternatives du chaud, du froid, du sec & de l’humide, ne soient pas trop promptes, trop répétées ; parce que cette inégalité trop marquée cause des altérations nuisibles dans l’économie animale, sur-tout relativement à la transpiration insensible. Voyez Transpiration.

Plus l’air est pesant, plus il est favorable à la santé, sur-tout s’il est en même tems plutôt froid que chaud ; il est plus élastique ; il augmente la force des vaisseaux, sur-tout dans les poumons qu’il dilate plus parfaitement, & il rend ainsi la respiration plus libre. On ne doit cependant pas juger de la pesanteur de l’air par le sentiment d’affaissement que l’on éprouve dans les tems couverts, nébuleux, pluvieux, avec un vent chaud, où tout le monde se plaint de se sentir appesanti, accablé ; c’est alors que l’air est le plus léger, il soutient moins les vaisseaux contre l’effort des humeurs, ce qui produit les effets qui viennent d’être rapportés : l’air est au contraire plus pesant à proportion qu’il est plus serein, & qu’il se soutient long-tems dans cet état. La pesanteur de l’air est très-rarement excessive par cause naturelle ; cette qualité est par conséquent très rarement au point de nuire à la santé, au lieu que sa légéreté, en favorisant trop la dilatation des vaisseaux dans toute l’habitude du corps & dans les poumons principalement, peut donner lieu à ce qu’il se fasse des engorgemens qui causent de grands embarras, de grands désordres dans la circulation du sang & dans le cours de toutes les humeurs.

On juge des différens changemens qui se font dans les qualités de l’air, par le moyen des différens instrumens que l’art a appropriés à cet effet : on observe les différens degrés de chaleur & du froid par l’inspection du thermometre, ceux du différent poids de l’air par celle du barometre, & la sécheresse ou l’humidité qui y dominent, par le moyen de l’hygrometre. Voyez Thermometre, Barometre, Hygrometre

On observe constamment qu’il n’est aucun tems de l’année, où les qualités de l’air soient plus variables, que dans l’automne & au commencement du printems : c’est ce qui rend ces saisons si sujettes à produire des maladies. Cependant, comme le printems est la saison la plus tempérée, elle est aussi à cet égard la plus avantageuse pour la santé : puisque c’est le tems de l’année ou les animaux sont le plus vigoureux & le plus propres à la génération : ce qui convient principalement au mois de Mai ; le mois de Septembre approche beaucoup d’avoir les mêmes avantages.

Mais il faut avoir attention dans le printems de ne pas se presser de prendre des habits légers, & dans l’automne de ne pas tarder à les quitter pour se couvrir davantage. Selon l’observation de Sydenham, la plûpart des maladies catarreuses inflammatoires qui sont communes dans ces saisons, ne doivent être attribuées qu’au changement d’habits, ou à l’usage trop continué de ceux qui ne tiennent pas les corps assez défendus contre le froid de l’air & l’inconstance de sa température : c’est ce qui fait dire à Horace à ce sujet :

Matutina parùm cautos sæpè frigora mardent.


On ne peut être trop attentif dans les tems froids à se tenir la tête sur-tout, l’estomac & les piés chau-