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doit être rapporté à la classe des précipitations. Voyez Effervescence & Précipitation.

Les usages, tant philosophiques que pharmaceutiques, diététiques, économiques, &c. de la dissolution chimique, sont extrémement étendus : c’est cette opération qui produit les lessives ou liqueurs salines de toutes les especes, les sels neutres, les sirops, les baumes artificiels, les foies de soufre, soit simples, soit métalliques ; les amalgames, les métaux soufrés par art, le savon, les pierres précieuses artificielles, le verre commun, les vernis, &c. Les usages & les effets du même ordre de la dissolution partiale, ne sont pas moins étendus, mais celle-ci offre de plus le grand moyen, le moyen principal fondemental des recherches chimiques : en un mot, l’emploi de ce moyen constitue l’analyse menstruelle. Voyez Menstruelle, analyse.

On emploie quelquefois dans le langage chimique le mot de dissolution, comme synonyme à celui de diacrese ou séparation (voyez Séparation, Chimie) ; mais son usage dans ce sens, qui est beaucoup plus étendu que celui que nous lui avons donné dans cet article, est peu reçu.

Nous avons déja dit ailleurs (voyez Dissolution, Chimie) qu’on donnoit aussi le nom de dissolution aux liqueurs composées produites par la dissolution. (b)

MENSTRUEL, dans l’économie animale, se dit du sang que les femmes perdent chaque mois dans leurs évacuations ordinaires. Voyez Menstrues.

On peut définir le sang menstruel, un sang surabondant qui sert à la formation & à la nutrition du fœtus dans la matrice, & qui dans les autres tems s’évacue chaque mois. Voyez Sang.

De tous les animaux, il n’y a que les femmes & peut-être les femelles des singes qui aient des évacuations menstruelles.

Hippocrate dit que le sang menstruel rougit la terre comme le vinaigre ; Pline & Columelle ajoutent qu’il brûle les herbes, fait mourir les plantes, ternit les miroirs, & cause la rage aux chiens qui en goûtent. Mais tout cela est fabuleux, car il est certain que ce sang est le même que celui des veines & des arteres. Voyez Sang.

Selon la loi des Juifs, une femme étoit impure, tant que le sang menstruel couloit : l’homme qui la touchoit dans cet état, ou les meubles qu’elle touchoit elle-même, étoient pareillement impurs. Levit. chap. xv.

Je n’ajouterai qu’une seule remarque à cet article. Quand le sang menstruel accumulé ne peut couler par les voies qui lui sont destinées, la nature plus forte que tout lui ouvre des routes également étonnantes & extraordinaires. Les Médecins ont vu le sang menstruel se frayer un passage par toutes les parties du corps, à-travers les pores de la peau du visage, des joues, par des blessures & des ulceres, par le sommet de la tête, les oreilles, les paupieres, les yeux, les narines, les gencives, les alvéoles, les levres, la veine jugulaire, les poumons, l’estomac, le dos ; par des abscès sur les côtes, par les mamelles, l’aîne, la vessie, le nombril, les vaisseaux hémorrhoïdaux, les jambes, cuisses ulcérées ; par le talon, le pié, les orteils ; par le bras, la main, les doigts & le pouce.

Je n’entre point ici dans l’énumération de ces parties au hasard. Les curieux qui voudront se convaincre de la vérité de ce que j’avance, en trouveront les faits observés dans les écrits des auteurs suivans ; dans Amatus Lusitanus, les ouvrages des Bartholins, Bennet, Bergerus, Binningerus, Blancard, Blasiun, Blegny, Bonet, Borellus, Brendelius, Roderic à Castro, Dionis, Dolœus, Dodonœus, Donatus, Fabrice de Hilden, Fabrice d’Aquapendente,

Fernel, Forestus, Gochelius, de Graaf, Hagendorn, Harderus, Helwigius, Highmor, Hoechsteter, Maurice & Frédéric Hoffman ; Hollerius, Horstius, Kerkringius, Langius, Laurentius, Lemnius, Lentilius, Lotichius, Mercatus, Michaelis, Musitanus, Nenterus, Palfyn, Panarolus, Paré, Paullini, Peclinus, Peyerus, Platerus, Riedlinus, Riolan, Riverius, Rulandus, Ruyschius, Salmuthus, Schenckius, Sennert, Solenander, Spacchius, Spindler, Stalpart, Vander-Wiel, Sylvius, Timæus, Tulpius, Velschius, Verduc, Verheyen, Vezarscha, Wedelius, Zacutus Lusitanus, les actes de Berlin, de Copenhague, des curieux de la nature, les transactions de Londres, les memoires de l’académie des Sciences. Il étoit impossible de joindre les citations sans y consacrer une vingtaine de pages.

Si une femme chez les Hébreux a ce qui lui arrive tous les mois, elle sera impure pendant sept jours, dit le Lévitique, xv. 19. 20. 21. &c. tous ce qu’elle touchera pendant ces sept jours sera souillé ; & ceux qui toucheront son lit, ses habits ou son siege, seront impurs jusqu’au soir, laveront leurs habits, & useront du bain pour se purifier. Si pendant le tems de cette incommodité un homme s’approche d’elle, il sera souillé pendant sept jours, & tous les lits où ils auront dormi seront aussi souillés. Que s’il s’en approche avec connoissance, & que la chose soit portée devant les juges, ils seront tous deux mis à mort. Les anciens chretiens regardoient aussi cet écoulement naturel au sexe comme une souillure. Les femmes grecques s’abstiennent encore aujourd’hui d’aller à l’église pendant ce tems : quelques indiens ne souffrent pas alors leurs femmes dans leurs maisons.

Les négresses de la côte d’Or passent pour souillées pendant leurs incommodités lunaires, & sont forcées de se retirer dans une petite hutte à une certaine distance. Au royaume de Congo ce usage qui subsiste pour les filles lorsque leurs infirmités lunaires commencent pour la premiere fois, de s’arrêter dans le lieu où elles se trouvent, & d’attendre qu’il arrive quelqu’un de leur famille pour les reconduire à la maison paternelle : on leur donne alors deux esclaves de leur sexe pour les servir dans un logement séparé, où elles doivent passer deux ou trois mois, & s’assujettir à centaines formalités, comme de ne parler à aucun homme, de se laver plusieurs fois pendant le jour, & de se frotter d’un onguent particulier. Celles qui négligeroient cette pratique, se croiroient menacées d’une stérilité perpétuelle, quoique l’expérience leur ait fait souvent connoître la vanité de cette superstition.

On sait que toutes ces fausses idées sont le fruit de l’ignorance, & qu’une femme qui se porte bien ne rend point un sang menstruel différent de celui qui circule dans les arteres du reste du corps, excepté que par son séjour dans les vaisseaux de l’utérus, il ait acquis quelque corruption.

Il ne faut pas non plus ajouter foi aux exemples qu’on rapporte de femmes qui ont eu leurs regles à 65, 70, 80, 90 ans : les récits de filles nubiles à quatre ou cinq ans ne sont pas plus vrais ; & l’académie des Sciences n’auroit jamais dû transcrire dans son histoire des contes aussi ridicules. (D. J.)

Menstruelle, analyse, Chimie, ou analyse par combinaison, par précipitation, par extraction, par intermede : c’est ainsi que les chimistes modernes appellent la voie de procéder à l’examen chimique des corps, en séparant par ordre leurs principes constitutifs par le moyen de la dissolution partiale & successive. Voyez Menstrue, Chimie. On trouvera un exemple plus propre à donner une idée de cette analyse, que toutes les généralités que nous