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premiere dissolution. Voyez Liquidité, Chimie.

Lorsque les Chimistes emploient des menstrues doués de la liquidité aqueuse, ils appellent de tels procédés, procédés par la voie humide ; & ils nomment procédés par la voie seche, ceux dans lesquels le menstrue employé éprouve la liquidité ignée ou la fusion. Voyez l’article Voie seche & Voie humide.

C’est l’état ordinaire de liquidité propre à certaines substances chimiques qui leur a fait donner spécialement le nom de menstrue ou de dissolvant ; car on voit bien par la doctrine que nous venons d’exposer, que cette qualité ne peut pas convenir à un certain nombre d’aggrégés seulement, qu’au contraire tous les aggrégés de la nature sont capables d’exercer l’action menstruelle, puisqu’il n’en est point qui ne soient miscibles à d’autres corps, & que d’ailleurs l’action menstruelle est absolument réciproque, que l’eau ne dissout pas plus le sucre que le sucre ne dissout l’eau. Cette distinction entre le corps à dissoudre & le dissolvant, que les Chimistes ont conservée, n’a donc rien de réel, mais elle est aussi sans inconvénient, & elle est très-commode dans la pratique, en ce qu’elle sert à énoncer d’une façon très abrégée l’état de la liquidité de l’un des réactifs, & l’état ordinairement concret de l’autre. Sous ce dernier point de vûe, l’acception commune du mot menstrue ne signifie donc autre chose qu’une liqueur capable de s’unir ou de subir la mixtion avec un sujet chimique quelconque ; & les liqueurs étant en effet naturellement disposées à s’associer à un grand nombre de corps, méritent de porter par préférence le titre de dissolvant.

On a grossi pourtant la liste des menstrues de quelques corps qu’on a aussi assez communément sous la forme concrete ; tels sont l’un & l’autre alkali, quelques acides, comme la crême de tartre & le sel de succin, le soufre, quelques verres métalliques, le plomb, la litharge, le foie de soufre, &c. mais outre que ces corps sont très-facilement ou liquefiables ou fusibles, ils ont d’ailleurs mérité le titre de dissolvant par l’étendue de leur emploi. On trouvera aux articles particuliers les propriétés & les rapports divers de tous ces différens menstrues, que nous croyons très inutile de classer, & sur l’histoire particuliere desquels on doit consulter aussi la savante dissertation que le célebre M. Pott a publiée sur cette matiere, sous le titre de historia partic. corporum solutionis. Voyez, par exemple, Eau, Huile, Sel, Soufre, &c.

La seconde condition, sinon essentielle, du-moins le plus souvent très-utile pour faciliter la dissolution, c’est que le menstrue soit plus ou moins échauffé par une chaleur artificielle : cette chaleur augmente la liquidité, c’est-à-dire la rapidité des courans & la laxité de l’aggrégation du menstrue. Il est nécessaire dans quelques cas particuliers que cette liquidité soit portée jusqu’à son degré extrème, c’est-à-dire l’ébullition, & quelquefois même que l’un & l’autre sujet de la dissolution soit réduit en vapeurs. Le mercure n’est point dissous, par exemple, par l’acide vitriolique, à-moins que cette liqueur acide ne soit bouillante ; & l’acide marin qui ne dissout point le mercure tant que l’un & l’autre corps demeurent sous forme de liqueur, s’unit facilement à ce corps, & forme avec lui le sublimé corrosif, s’ils se rencontrent étant réduits l’un & l’autre en vapeurs. Au reste le feu n’agit absolument dans l’affaire de la dissolution que de la maniere que nous venons d’exposer ; il ne faut point lui prêter la propriété de produire des chocs, des collisions, des ébranlemens par l’agitation qu’il produit dans les parties du liquide. Cette prétention seroit un reste puérile & routinier des miseres physiques que nous avons réfutées plus

haut. Encore un coup, l’effet de cette agitation se borne à amener mollement les parties du liquide dans le voisinage de celles du corps concret. Tout ceci est déja insinué à l’article Chimie, pag. 417 col. 2.

Un troisieme moyen de favoriser les dissolutions, est quelquefois de lâcher le lien aggrégatif des liquides salins, en faisant ce qu’on appelle communément les affoiblir, c’est-à-dire en les étendant dans une plus grande quantité de la liqueur à laquelle ils doivent leur liquidité, savoir l’eau. Voyez Liquidité, Chimie. C’est ainsi que l’acide nitreux concentré n’agit point sur l’argent, & que l’acide nitreux foible, c’est-à-dire plus aqueux, dissout ce métal.

Quatriemement, on supplée au mouvement de liquidité, ou on accélere ses effets en secouant, roulant, battant, agitant avec une spatule, un moussoir, quelques brins de paille, &c. le liquide dissolvant.

Cinquiemement enfin, on dispose les corps concrets à la dissolution de la maniere la plus avantageuse, en rompant d’avance leur aggrégation par les divers moyens méchaniques ou chimiques, en les pulvérisant, les rapant, les laminant, grenaillant, &c. les pulvérisant philosophiquement, les calcinant, les réduisant en fleurs, & quelquefois même en les fondant ou les divisant autant qu’il est possible par une dissolution préliminaire. Il est nécessaire, par exemple, de fondre le succin pour le rendre dissoluble, dans une huile par expression même bouillante ; & l’acide marin n’attaque l’argent que lorsque ce métal a été préalablement dissout par l’acide nitreux.

Les Chimistes admettent ou du-moins distinguent trois especes de dissolutions : celle qu’ils appellent radicale, la dissolution entiere ou absolue, & la dissolution partiale.

La dissolution radicale est celle qui divise un corps jusque dans ses premiers principes, & qui laisse tous ces divers principes libres ou à nud véritablement séparés les uns des autres & du menstrue qui a opéré leur séparation. Une pareille dissolution n’a été jusqu’à-présent qu’une vaine prétention, & on peut légitimement soupçonner qu’elle sera fondée encore long-tems sur un espoir chimérique. L’agent merveilleux de cette prétendue dissolution, est ce que les Chimistes ont appellé alkahest ou dissolvant universel. Voyez Alkahest. On trouvera une idée très-claire & très-précise de cette prétendue propriété de l’alkahest dans la physique souterraine de Becher, liv. I. sect. 3. ch. iv. n°. 10 & 11.

La dissolution entiere ou absolue est celle que subissent des sujets dont la substance entiere inaltérée, indivise, est dissoute, mêlée, unie : c’est celle qui a lieu entre le sucre & l’eau, l’acide & l’alkali, l’esprit-de-vin & une résine pure, &c.

Enfin, la dissolution partiale est celle dans laquelle le menstrue, appliqué à un certain corps composé ou à un simple mélange par confusion (voyez Confusion Chimie), ne dissout qu’un des principes de ce composé ; ou l’un des matériaux de ce mélange. La dissolution de l’acide vitriolique, qui est un des principes de l’alun par l’alkali fixe, tandis que ce menstrue ne touche point à la terre, qui est un autre principe de l’alun, fournit un exemple d’une dissolution partiale de la premiere espece, & cette opération est connue dans l’art sous le nom de précipitation, voyez Précipitation, Chimie. La dissolution d’une résine répandue dans un bois par l’esprit-de-vin qui ne touche point au corps propre du bois, fournit un exemple d’une dissolution partiale de la seconde espece, & cette opération est connue dans l’art sous le nom d’extraction, voyez Extraction. L’effervescence est un accident qui accompagne plusieurs dissolutions, & qui étant évalué avec précision,