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sique. Il est arrivé un grand accident dans ce village, le tonnerre en a brûlé la moitié. Aventure est aussi indéterminé qu’évenement, quant à la qualité des choses arrivées : mais évenement est plus général, il se dit des êtres animés & des êtres inanimés ; & aventure n’est relatif qu’aux êtres animés : une aventure est bonne ou mauvaise, ainsi qu’un évenement : mais il semble que la cause de l’aventure nous soit moins inconnue, & son existence moins inopinée que celle de l’évenement & de l’accident. La vie est pleine d’évenemens, dit M. l’Abbé Girard ; entre ces évenemens, combien d’accidens qu’on ne peut ni prévenir, ni réparer ? on n’a pas été dans le monde sans avoir eu quelque aventure.

Aventure, s. f. évenement extraordinaire ou surprenant, soit réel soit imaginaire. Voyez Fable.

Certains poëmes contiennent les aventures des héros, comme l’Odyssée & l’Énéide, celles d’Ulysse & d’Énée. Les nouvelles & les romans sont des relations circonstanciées d’aventures imaginaires qu’on attribue à des cavaliers, des amans, &c. Voyez Nouvelle, Roman, &c. (G)

Aventure, s. f. (Commerce.) mettre de l’argent à la grosse aventure, c’est le placer sur un vaisseau, où l’on court risque de le perdre par le naufrage ou par les corsaires, si ce n’est qu’on ait pris une assûrance. Voyez Assûrance & Assûreur. (G)

Aventures, s. f. (Art Milit.) dans nos anciens auteurs signifie tournois, exercices militaires qui se font à cheval. Voyez Tournoi. (Q)

AVENTURIER, s. m. dans le commerce, se dit d’un homme sans caractere & sans domicile, qui se mêle hardiment d’affaires, & dont on ne sauroit trop se défier.

Aventurier, est aussi le nom qu’on donne en Amérique aux pirates hardis & entreprenans, qui s’unissent contre les Espagnols, & font des courses sur eux ; on les nomme autrement boucanniers. Voyez Boucannier.

Aventurier, est encore le nom que les Anglois donnent à ceux qui prennent des actions dans les compagnies formées pour l’établissement de leurs colonies d’Amérique, ce qui les distingue de ceux qu’ils nomment planteurs, c’est-à-dire, des habitans qui y ont des plantations.

Les derniers s’occupent à planter & à cultiver les terres ; les autres portent leur argent, & pour ainsi dire, le mettent à l’aventure dans l’espérance des profits qu’ils en doivent retirer par des dividendes ; ceux-ci sont proprement ce qu’on nomme en France actionnaires ; ceux-là ce qu’on y appelle habitans, colons & concessionnaires. Dans ce sens, on trouve dans le recueil des chartres d’Angleterre, les aventuriers & planteurs de la Virginie ; les aventuriers & planteurs de la nouvelle Angleterre, les chartres accordées pour les nouvelles colonies y distinguant toûjours ces deux sortes d’intéressés, & leur accordant des privileges différens.

Aventurier est aussi le nom qu’on donne à un vaisseau marchand qui va trafiquer dans l’étendue de la concession d’une compagnie de commerce, sans en avoir obtenu la permission. V. Interlope. (G)

AVENTURINE. On entend ordinairement par ce mot une composition de verre de couleur jaunâtre ou roussâtre, parsemée de points brillants de couleur d’or. Si on veut trouver une pierre naturelle qui ressemble à cette composition, & que l’on puisse nommer aventurine naturelle, c’est parmi les pierres chatoyantes qu’il faut la chercher ; il y en a une espece dont la couleur est approchante de celle de l’aventurine factice, & qui est aussi parsemée de points chatoyans & très-brillans. V. Pierre chatoyante. (I)

AVENUE, s. f. en Architecture, est une grande al-

lée d’arbres avec une contre-allée de chaque côté,

ordinairement de la moitié de sa largeur. Ces sortes d’avenues sont ordinairement plantées à l’entrée d’une ville ou d’un château, comme l’avenue de Vincennes près Paris.

Avenue en perspective, est celle qui est plus large par un bout que par l’autre, pour donner à une allée une plus grande apparence de longueur, ou pour la faire paroître parallele en regardant par le bout le plus étroit. Voyez Allée & Parallelisme. (P)

AVEO ou ABYDOS, (Géog. anc. & mod.) petite ville de la Turquie d’Asie, en Natolie, sur le détroit de Gallipoli, avec une forteresse sur la côte qu’on appelle une des Dardanelles, ou le Château vieux. On la croit bâtie, non sur les ruines de l’ancienne Abydos, mais sur celles de l’ancien Dardanum, dont elle conserve le nom.

AVERNE, s. m. chez les anciens, se disoit de certains lieux, grottes, & autres endroits dont l’air est contagieux, & les vapeurs empoisonnées ou infectées ; on les appelle aussi mephites. Voyez Humide, Exhalaison, &c.

On dit que les avernes sont fréquens en Hongrie, ce que l’on attribue au grand nombre de ses mines. Voyez Mine & Minéral. La grotte de Cani, en Italie, est célebre. Voyez Grotte, Exhalaison, &c.

Le plus fameux averne étoit un lac proche de Baïès, dans la Campanie ; les Italiens modernes l’ont appellé pago di tripergola.

Les anciens disent que les vapeurs qu’il exhale sont si pernicieuses, que les oiseaux ne peuvent le passer en volant, & qu’ils y tombent morts. Cette circonstance jointe à la grande profondeur du lac, fit imaginer aux anciens, que c’étoit une entrée de l’enfer ; c’est pourquoi Virgile y fait descendre Enée par cet endroit.

Proche de Baïes, dit Strabon, est le golfe de Lucrine, où est le lac de l’averne. C’étoit-là que les anciens croyoient qu’Ulysse avoit, suivant Homere, conversé avec les morts, & consulté les manes de Tirésias ; là étoit l’oracle consacré aux ombres, qu’Ulysse alla voir & consulter sur son retour. L’averne est un lac obscur & profond, dont l’entrée est fort étroite du côté de la baie ; il est entouré de rochers pendans en précipice, & n’est accessible qu’aux navires sans voile ; ces rochers étoient autrefois couverts d’un bois impénétrable, dont la profonde obscurité imprimoit une horreur superstitieuse, & l’on croyoit que c’étoit le séjour des Cimmeriens, nation qui vivoit en de perpétuelles ténebres. Voyez Cimmerien.

Avant que de faire voile vers cet endroit horrible, on sacrifioit aux dieux infernaux pour se les rendre propices ; dans ces actes de religion, l’on étoit assisté de prêtres, qui demeuroient & exerçoient leurs fonctions proche de l’averne. Au dedans étoit une fontaine d’eau pure, qui se déchargeoit dans la mer ; on n’en buvoit jamais, parce que l’on étoit persuadé que c’étoit un écoulement du Styx. En quelqu’endroit proche de cette fontaine étoit l’oracle ; les eaux chaudes qui sont communes dans ce pays, faisoient penser aux habitans qu’elles sortoient du Phlégéton. Recherches sur la vie d’Homere. sect. 11. (G)

AVERRUNQUES, s. m. pl. (Hist. anc.) dans l’antiquité, un ordre de dieux chez les Romains ; leur office étoit de détourner les dangers & les maux. Voyez Dieu. Les Grecs appelloient ces dieux ἀλεξικάκοι ou ἀποπομπαῖοι, & leur fête ἀποπομπαὶ, quelquefois ἀποτρόπαιοι.

Les Egyptiens avoient aussi leurs dieux averrunci ou apotropæi, auxquels ils donnoient une attitude menaçante, & quelquefois ils les armoient d’un foüet ; Isis étoit une divinité de cette espece, comme l’a fait