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cipe le plus connu & le moins contesté du mouvement des corps, il est clair que la premiere idée d’un philosophe doit être d’attribuer cette force à l’impulsion d’un fluide. C’est à cette idée que les tourbillons de Descartes doivent leur naissance ; & elle paroissoit d’autant plus heureuse, qu’elle expliquoit à la fois le mouvement de translation des planetes par le mouvement circulaire de la matiere du tourbillon, & leur tendance vers le soleil par la force centrifuge de cette matiere. Mais ce n’est pas assez pour une hypothese de satisfaire aux phénomenes en gros, pour ainsi dire, & d’une maniere vague : les détails en sont la pierre de touche, & ces détails ont été la ruine du système Cartésien. Voyez Pesanteur, Tourbillons, Cartésianisme, &c.

Il faut donc renoncer aux tourbillons, quelque agréable que le spectacle en paroisse. Il y a plus ; on est presque forcé de convenir que les planetes ne se meuvent point en vertu de l’action d’un fluide : car de quelque maniere qu’on suppose que ce fluide agisse, on se trouve exposé de tous côtés à des difficultés insurmontables : le seul moyen de s’en tirer, seroit de supposer un fluide qui fût capable de pousser dans un sens, & qui ne résistât pas dans un autre : mais le remede, comme on voit, seroit pire que le mal. On est donc réduit à dire, que la force qui fait tendre les planetes vers le soleil vient d’un principe inconnu, & si l’on veut d’une qualité occulte ; pourvû qu’on n’attache point à ce mot d’autre idée que celle qu’il présente naturellement, c’est-à-dire d’une cause qui nous est cachée. C’est vraissemblablement le sens qu’Aristote y attachoit, en quoi il a été plus sage que ses sectateurs, & que bien des philosophes modernes.

Nous ne dirons donc point si l’on veut que l’attraction est une propriété primordiale de la matiere, mais nous nous garderons bien aussi d’affirmer, que l’impulsion soit le principe nécessaire des mouvemens des planetes. Nous avoüons même que si nous étions forcés de prendre un parti, nous pencherions bien plûtôt pour le premier que pour le second ; puisqu’il n’a pas encore été possible d’expliquer par le principe de l’impulsion les phénomenes célestes ; & que l’impossibilité même de les expliquer par ce principe, est appuyée sur des preuves très-fortes, pour ne pas dire sur des démonstrations. Si M. Newton paroît indécis en quelques endroits de ses ouvrages sur la nature de la force attractive ; s’il avoue même qu’elle peut venir d’une impulsion, il y a lieu de croire que c’étoit une espece de tribut qu’il vouloit bien payer au préjugé, ou, si l’on veut, à l’opinion générale de son siecle ; & on peut croire qu’il avoit pour l’autre sentiment une sorte de prédilection ; puisqu’il a souffert que M. Côtes son disciple adoptât ce sentiment sans aucune réserve, dans la préface qu’il a mise à la tête de la seconde édition des Principes ; préface faite sous les yeux de l’auteur, & qu’il paroît avoir approuvée. D’ailleurs M. Newton admet entre les corps célestes une attraction réciproque ; & cette opinion semble supposer que l’attraction est une vertu inhérente aux corps. Quoi qu’il en soit, la force attractive, selon M. Newton, décroît en raison inverse des quarrés des distances : ce grand philosophe a expliqué par ce seul principe une grande partie des phénomenes célestes ; & tous ceux qu’on a tenté d’expliquer depuis par ce même principe, l’ont été avec une facilité & une exactitude qui tiennent du prodige. Le seul mouvement des apsides de la lune a paru durant quelque tems se refuser à ce système : mais ce point n’est pas encore décidé au moment que nous écrivons ceci ; & je crois pouvoir assûrer que le système Newtonien en sortira à son honneur. Voyez Lune. Toutes les autres inégalités du mouvement de la lune qui, comme l’on sait, sont très-considérables, & en grand nombre, s’expliquent très-heureusement

dans le système de l’attraction. Je m’en suis aussi assûré par le calcul, & je publierai bientôt mon travail.

Tous les phénomenes nous démontrent donc qu’il y a une force qui fait tendre les planetes les unes vers les autres. Ainsi nous ne pouvons nous dispenser de l’admettre ; & quand nous serions forcés de la reconnoître comme primordiale & inhérente à la matiere, j’ose dire que la difficulté de concevoir une pareille cause seroit un argument bien foible contre son existence. Personne ne doute qu’un corps qui en rencontre un autre ne lui communique du mouvement : mais avons-nous une idée de la vertu par laquelle se fait cette communication ? Les Philosophes ont avec le vulgaire bien plus de ressemblance qu’ils ne s’imaginent. Le peuple ne s’étonne point de voir une pierre tomber, parce qu’il l’a toûjours vû ; de même les Philosophes, parce qu’ils ont vû dès l’enfance les effets de l’impulsion, n’ont aucune inquiétude sur la cause qui les produit. Cependant si tous les corps qui en rencontrent un autre s’arrêtoient sans leur communiquer du mouvement, un philosophe qui verroit pour la premiere fois un corps en pousser un autre seroit aussi surpris qu’un homme qui verroit un corps pesant se soûtenir en l’air sans retomber. Quand nous saurions en quoi consiste l’impénétrabilité des corps, nous n’en serions peut-être guere plus éclairés sut la nature de la force impulsive. Nous voyons seulement, qu’en conséquence de cette impénétrabilité, le choc d’un corps contre un autre doit être suivi de quelque changement, ou dans l’état des deux corps, ou dans l’état de l’un des deux : mais nous ignorons, & apparemment nous ignorerons toûjours, par quelle vertu ce changement s’exécute, & pourquoi par exemple un corps qui en choque un autre ne reste pas toûjours en repos après le choc, sans communiquer une partie de son mouvement au corps choqué. Nous croyons que l’attraction répugne à l’idée que nous avons de la matiere : mais approfondissons cette idée, nous serons effrayés de voir combien peu elle est distincte, & combien nous devons être réservés dans les conséquences que nous en tirons. L’univers est caché pour nous derriere un espece de voile à travers lequel nous entrevoyons confusément quelques points. Si ce voile se déchiroit tout-à-coup, peut-être serions nous bien surpris de ce qui se passe derriere. D’ailleurs la prétendue incompatibilité de l’attraction avec la matiere n’a plus lieu dès qu’on admet un être intelligent & ordonnateur de tout, à qui il a été aussi libre de vouloir que les corps agissent les uns sur les autres à distance que dans le contact.

Mais autant que nous devons être portés à croire l’existence de la force d’attraction dans les corps célestes, autant, ce me semble, nous devons être réservés à aller plus avant. 1°. Nous ne dirons point que l’attraction est une propriété essentielle de la matiere, c’est beaucoup de la regarder comme une propriété primordiale ; & il y a une grande différence entre une propriété primordiale & une propriété essentielle. L’impénétrabilité, la divisibilité, la mobilité, sont du dernier genre ; la vertu impulsive est du second. Dès que nous concevons un corps, nous le concevons nécessairement divisible, étendu, impénétrable : mais nous ne concevons pas nécessairement qu’il mette en mouvement un autre corps. 2°. Si on croit que l’attraction soit une propriété inhérente à la matiere, on pourroit en conclurre que la loi du quarré s’observe dans toutes ses parties. Peut-être néanmoins seroit-il plus sage de n’admettre l’attraction qu’entre les parties des planetes, sans prendre notre parti sur la nature ni sur la cause de cette force, jusqu’à ce que de nouveaux phénomenes nous éclairent sur ce sujet. Mais du-moins faut-il bien nous garder d’assûrer que quelques parties de la matiere s’attirent suivant d’autres lois que celles du quarré. Cette proposition ne