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metres ; par conséquent les plus petites particules ayant plus de surface, à proportion de leur solidité, sont capables d’un contact plus fort, &c. Les corpuscules dont le contact est le plus petit, & le moins étendu qu’il est possible, comme les spheres infiniment petites, sont ceux qu’on peut séparer le plus aisément l’un de l’autre.

On peut tirer de ce principe la cause de la fluidité ; car regardant les parties des fluides comme de petites spheres ou globules très-polis, on voit que leur attraction & cohésion mutuelle doit être très-peu considérable, & qu’elles doivent être fort faciles à séparer & à glisser les unes sur les autres ; ce qui constitue la fluidité. Voyez Fluidité, Eau, &c.

IX. La force par laquelle un corpuscule est attiré par un autre corps qui en est proche, ne reçoit aucun changement dans sa quantité, soit que la matiere du corps attirant croisse ou diminue, pourvû que le corps attirant conserve toûjours la même densité, & que le corpuscule demeure toûjours à la même distance.

Car puisque la puissance attractive n’est répandue que dans un fort petit espace, il s’ensuit que les corpuscules qui sont éloignés d’un autre, ne contribuent en rien pour attirer celui-ci : par conséquent le corpuscule sera attiré vers celui qui en est proche avec la même force, soit que les autres corpuscules y soient ou n’y soient pas ; & par conséquent aussi, soit qu’on en ajoûte d’autres ou non.

Donc les particules auront différentes forces attractives, selon la différence de leur structure : par exemple, une particule percée dans sa longueur n’attirera pas si fort qu’une particule qui seroit entiere : de même aussi la différence dans la figure en produira une dans la force attractive. Ainsi une sphere attirera plus qu’un cone, qu’un cylindre, &c.

X. Supposons que la contexture d’un corps soit telle, que les dernieres particules élémentaires dont il est composé soient un peu éloignées de leur premier contact par l’action de quelque force extérieure, comme par le poids ou l’impulsion d’un autre corps, mais sans acquérir en vertu de cette force un nouveau contact ; dès que l’action de cette force aura cessé, ces particules tendant les unes vers les autres par leur force attractive, retourneront aussi-tôt à leur premier contact. Or quand les parties d’un corps, après avoir été déplacées, retournent dans leur premiere situation, la figure du corps, qui avoit été changée par le dérangement des parties, se rétablit aussi dans son premier état : donc les corps qui ont perdu leur figure primitive, peuvent la recouvrer par l’attraction.

Par-là on peut expliquer la cause de l’élasticité ; car quand les particules d’un corps ont été un peu dérangées de leur situation, par l’action de quelque force extérieure ; si-tôt que cette force cesse d’agir, les parties séparées doivent retourner à leur premiere place ; & par conséquent le corps doit reprendre sa figure, &c. Voyez Elasticité, &c.

XI. Mais si la contexture d’un corps est telle que ses parties, lorsqu’elles perdent leur contact par l’action de quelque cause extérieure, en reçoivent un autre du même degré de force ; ce corps ne pourra reprendre sa premiere figure.

Par-là on peut expliquer en quoi consiste la mollesse des corps.

XII. Un corps plus pesant que l’eau, peut diminuer de grosseur à un tel point, que ce corps demeure suspendu dans l’eau, sans descendre, comme il le devroit faire, par sa propre pesanteur.

Par-là on peut expliquer pourquoi les particules salines, métalliques, & les autres petits corps semblables, demeurent suspendus dans les fluides qui les dissolvent. Voyez Menstrue.

XIII. Les grands corps s’approchent l’un de l’autre avec moins de vîtesse que les petits corps. En effet la force avec laquelle deux corps A, B, s’attirent (fig. 32 mech. n°. 2), réside seulement dans les particules de ces corps les plus proches ; car les parties plus éloignées n’y contribuent en rien : par conséquent la force qui tend à mouvoir les corps A & B, n’est pas plus grande que celle qui tendroit à mouvoir les seules particules c & d. Or les vîtesses des différens corps mûs par une même force sont en raison inverse des masses de ces corps ; car plus la masse à mouvoir est grande, moins cette force doit lui imprimer de vîtesse : donc la vîtesse avec la quelle le corps A tend à s’approcher de B, est à la vîtesse avec laquelle la particule c tendroit à se mouvoir vers B, si elle étoit détachée du corps A, comme la particule c est au corps A : donc la vîtesse du corps A est beaucoup moindre que celle qu’auroit la particule c, si elle étoit détachée du corps A.

C’est pour cela que la vîtesse avec laquelle deux petits corpuscules tendent à s’approcher l’un de l’autre, est en raison inverse de leurs masses ; c’est aussi pour cette même raison que le mouvement des grands corps est naturellement si lent, que le fluide environnant & les autres corps adjacens le retardent & le diminuent considérablement ; au lieu que les petits corps sont capables d’un mouvement beaucoup plus grand, & sont en état par ce moyen de produire un très-grand nombre d’effets ; tant il est vrai que la force ou l’énergie de l’attraction est beaucoup plus considérable dans les petits corps que dans les grands. On peut aussi déduire du même principe la raison de cet axiome de Chimie : les sels n’agissent que quand ils sont dissous.

XIV. Si un corpuscule placé dans un fluide est également attiré en tout sens par les particules environnantes, il ne doit recevoir aucun mouvement : mais s’il est attiré par quelques particules plus fortement que par d’autres, il doit se mouvoir vers le côté où l’attraction est la plus grande ; & le mouvement qu’il aura sera proportionné à l’inégalité d’attraction ; c’est-à-dire, que plus cette inégalité sera grande, plus aussi le mouvement sera grand, & au contraire.

XV. Si des corpuscules nagent dans un fluide, & qu’ils s’attirent les uns les autres avec plus de force qu’ils n’attirent les particules intermédiaires du fluide, & qu’ils n’en sont attirés, ces corpuscules doivent s’ouvrir un passage à travers les particules du fluide, & s’approcher les uns des autres avec une force égale à l’excès de leur force attractive sur celle des parties du fluide.

XVI. Si un corps est plongé dans un fluide dont les particules soient attirées plus fortement par les parties du corps, que les parties de ce corps ne s’attirent mutuellement, & qu’il y ait dans ce corps un nombre considérable de pores ou d’interstices à travers lesquels les particules du fluide puissent passer ; le fluide traversera ces pores. De plus, si la cohésion des parties du corps n’est pas assez forte pour résister à l’effort que le fluide fera pour les séparer, ce corps se dissoudra. Voyez Dissolution.

Donc pour qu’un menstrue soit capable de dissoudre un corps donné, il faut trois conditions : 1°. que les parties du corps attirent les particules du menstrue plus fortement qu’elles ne s’attirent elles-mêmes les unes les autres : 2°. que les pores du corps soient perméables aux particules du menstrue : 3°. que la cohésion des parties du corps ne soit pas assez forte pour résister à l’effort & à l’irruption des particules du menstrue. Voyez Menstrue.

XVII. Les sels ont une grande force attractive, même lorsqu’ils sont séparés par beaucoup d’interstices qui laissent un libre passage à l’eau : par conséquent les particules de l’eau sont fortement attirées