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moderne, est que tous les effets que les anciens attribuoient à l’horreur du vuide, sont uniquement dûs à la pression de l’atmosphere. C’est aussi cette pression qui est cause en partie de l’adhérence des corps. V. Horreur du vuide, Pompe, Pression, &c.

Poids de l’atmosphere. Les corps organisés sont particulierement affectés par la pression de l’atmosphere : c’est à elle que les plantes doivent leur végétation ; que les animaux doivent la respiration, la circulation, la nutrition, &c. Voyez Plante, Animal, Végétation, Circulation, &c.

Elle est aussi la cause de plusieurs altérations considérables dans l’économie animale, & qui ont rapport à la santé, à la vie, aux maladies, &c. V. Air, &c. Par conséquent c’est une chose digne d’attention que de calculer la quantité précise de la pression de l’atmosphere. Pour en venir à bout, il faut observer que notre corps est également pressé par l’atmosphere dans tous les points de sa surface, & que le poids qu’il contient est égal à celui d’un cylindre d’air, dont la base seroit égale à la surface de notre corps, & dont la hauteur seroit la même que celle de l’atmosphere. Or le poids d’un cylindre d’air de la même hauteur que l’atmosphere, est égal au poids d’un cylindre d’eau de même base & de 32 piés de hauteur environ, ou au poids d’un cylindre de mercure de même base & de 29 pouces de hauteur ; ce qui se prouve tant par l’expérience de Torricelli, que par la hauteur à laquelle l’eau s’éleve dans les pompes, dans les siphons, &c. Voyez Tube de Toricelli ; voyez aussi Pompe, Siphon, &c.

De-là il s’ensuit que chaque pié quarré de la surface de notre corps est pressé par le poids de 32 piés cubes d’eau : or on trouve par l’expérience, qu’un pié cube d’eau pese environ 70 livres. Ainsi chaque pié quarré de la surface de notre corps soûtient un poids de 2240 livres ; car 32 x 70 = 2240 : par conséquent la surface entiere de notre corps porte un poids égal à autant de fois 2240 livres, que cette surface a de piés quarrés. Donc si on suppose que la surface du corps de l’homme contienne 15 piés quarrés, ce qui n’est pas fort éloigné de la vérité, on trouvera que cette surface soûtient un poids de 33600 livres ; car 2240 x 15 = 33600.

La différence entre le poids de l’air que notre corps soûtient dans différens tems, est aussi fort grande.

En effet, la différence dans le poids de l’air en différens tems, est mesurée par la hauteur du mercure dans le barometre ; & comme la plus grande variation dans la hauteur du mercure est de trois pouces, il s’ensuit que la plus grande différence entre la pression de l’air sur notre corps, sera égale au poids d’un cylindre de mercure de trois pouces de hauteur, qui auroit une base égale à la surface de notre corps. Or un pié cube de mercure étant supposé de 1064 livres, c’est-à-dire de 102144 dragmes, on dira : comme 102144 dragmes sont à un pié cube, ou à 1728 pouces cubes, ainsi dragmes sont à un pouce cube. Un pouce cube de mercure pese donc environ 59 dragmes ; & comme il y a 144 pouces quarrés dans un pié quarré, un cylindre de mercure d’un pié quarré de base & de trois pouces de hanteur, doit contenir 432 pouces cubes de mercure, & par conséquent pese 432 x 59 ou 25488 dragmes. Répétant donc 15 fois ce même poids, on aura 15 x 25488 dragmes = 382230 = 47790 onces = 3890 livres, pour le poids que la surface de notre corps soûtient en certain tems plus qu’en d’autres.

Il n’est donc pas surprenant que le changement de température dans l’air, affecte si sensiblement nos corps, & puisse déranger notre santé : mais on doit plûtôt s’étonner qu’il ne fasse pas sur nous plus d’effet. Car quand on considere que nous soûtenons dans certains tems près de 4000 livres de plus que dans

d’autres, & que cette variation est quelquefois très soudaine ; il y a lieu d’être surpris qu’un tel changement ne brise pas entierement le tissu des parties de notre corps.

Nos vaisseaux doivent être si resserrés par cette augmentation de poids, que le sang devroit rester stagnant, & la circulation cesser entierement, si la nature n’avoit sagement pourvû à cet inconvénient, en rendant la force contractive du cœur d’autant plus grande que la résistance qu’il a à surmonter de la part des vaisseaux est plus forte. En effet, dès que le poids de l’air augmente, les lobes du poumon se dilatent avec plus de force ; & par conséquent le sang y est plus parfaitement divisé : de sorte qu’il devient plus propre pour les secrétions les plus subtiles, par exemple, pour celles du fluide nerveux, dont l’action doit par conséquent contracter le cœur avec plus de force. De plus, le mouvement du sang étant retardé vers la surface de notre corps, il doit passer en plus grande abondance au cerveau, sur lequel la pression de l’air est moindre qu’ailleurs, étant soûtenue par le crane : par conséquent la secrétion & la génération des esprits se fera dans le cerveau avec plus d’abondance, & conséquemment le cœur en aura plus de force pour porter le sang dans tous les vaisseaux où il pourra passer, tandis que ceux qui sont proche de la surface seront bouchés. V. Cœur, Circulation, &c.

Le changement le plus considérable que la pression de l’air plus ou moins grande produise dans le sang, est de le rendre plus ou moins épais, & de faire qu’il se resserre dans un plus petit espace, ou qu’il en occupe un plus grand dans les vaisseaux où il entre. Car l’air qui est renfermé dans notre sang, conserve toûjours l’équilibre avec l’air extérieur qui passe la surface de notre corps ; & son effort pour se dilater est toûjours égal à l’effort que l’air extérieur fait pour le comprimer, de maniere que si la pression de l’air extérieur diminue tant soit peu, l’air intérieur se dilate à proportion, & fait par conséquent occuper au sang un plus grand espace qu’auparavant. Voyez Sang, Chaleur, Froid, &c.

Borelli explique de la maniere suivante, la raison pour laquelle nous ne sentons point cette pression. De mot. nat. à grav. fac. prop. 29. &c.

Après avoir dit que du sable bien foulé dans un vaisseau dur, ne peut être pénétré ni divisé par aucun moyen, pas même par l’effort d’un coin ; & que de même l’eau contenue dans une vessie qu’on comprime également en tout sens, ne peut ni s’échapper ni être pénétrée par aucun endroit : il ajoûte : « De même, il y a dans le corps d’un animal, un grand nombre de parties différentes, dont les unes, comme les os, sont dures ; d’autres sont molles comme les muscles, les nerfs, les membranes ; d’autres sont fluides, comme le sang, la lymphe, &c. Or il n’est pas possible que les os soient rompus ou déplacés dans le corps, à moins que la pression ne devienne plus grande sur un os que sur l’autre, comme nous voyons qu’il arrive quelquefois aux porte-faix. Si la pression se partage de maniere qu’elle agisse également en bas, en haut & en tout sens, & qu’enfin toutes les parties de la peau en soient également affectées ; il est évidemment impossible qu’elle puisse occasionner aucune fracture ou luxation. On peut dire la même chose des muscles & des nerfs, qui sont à la vérité des parties molles, mais composées de parties solides, par le moyen desquelles ils se soûtiennent mutuellement, & résistent à la pression. Enfin la même chose a lieu pour le sang, & les autres liqueurs : car comme l’eau n’est susceptible d’aucune condensation sensible, de même les liqueurs animales contenues dans les vaisseaux peuvent bien recevoir une attri-